Vie et opinions de Tristram Shandy/3/74

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Traduction par Joseph-Pierre Frenais.
Chez Jean-François Bastien (Tome troisième. Tome quatrièmep. 203-204).



CHAPITRE LXXIV.

Paix d’Utrecht.


Dans le petit nombre des enfans d’Adam, dont le cœur n’a jamais senti l’aiguillon de l’amour… ( — je dis, enfans légitimes, maintenant pour bâtards tous ceux qui n’ont pour les femmes que de l’aversion) — dans ce petit nombre, dis-je, il faut avouer qu’on trouve les noms des plus grands héros de l’histoire ancienne et moderne.

Il me seroit facile d’en retrouver la liste, depuis le chaste Joseph jusqu’à Scipion l’africain ; sans parler de Charles XII au cœur de fer, sur qui la comtesse de Konismarck ne put jamais rien gagner. — Ni ceux-là, ni tant d’autres que je ne cite pas, n’ont jamais fléchi le genou devant la déesse ; mais c’est qu’ils avoient toute autre chose à faire. — Ainsi avoit eu mon oncle Tobie ; ainsi avoit-il échappé au sort commun, — jusqu’à ce que le destin… jusqu’à ce que le destin, dis-je, enviant à son nom la gloire de passer à la postérité avec celui de Scipion, fit le replâtrage honteux de la paix d’Utrecht.

Et croyez-moi, messieurs, de tout ce qui arriva cette année-là par ordre du destin, la paix d’Utrecht fut ce qu’il y eut de pis.