Vie et opinions de Tristram Shandy/4/23

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Traduction par Joseph-Pierre Frenais.
Chez Jean-François Bastien (Tome troisième. Tome quatrièmep. 63-64).



CHAPITRE XXIII.

Elles sont trouvées.


Quand les premiers transports furent passés, et que les registres de ma cervelle furent un peu revenus de l’horrible confusion où le choc de tant d’accidens réunis les avoit jetés, il me revint en mémoire que j’avois laissé mes tablettes dans la poche de ma chaise ; et qu’en vendant ma chaise au sellier, je lui avois aussi vendu mes tablettes.




— Ici je laisse trois lignes en blanc, pour que le lecteur puisse y placer le jurement qui lui est le plus familier. Quant à moi, je pense que s’il m’est jamais échappé un jurement bien complet, bien marqué, ce fut en cette occasion. « ********* ! m’écriai-je, ainsi donc, mes remarques si pleines d’esprit, et qui valoient quatre cents guinées ! j’ai été les vendre à un sellier pour quatre louis d’or ! — et, par le ciel ! je lui ai donné par-dessus le marché une chaise qui en valoit six ! — encore si c’eût été quelque libraire célèbre, qui, en quittant son commerce, eût eu besoin d’une chaise de poste, ou qui, en le commençant, eût eu besoin de mes remarques, j’y aurois moins de regrets. — Mais un sellier ! François, m’écriai je, mène-moi chez lui tout-à-l’heure. » François mit son chapeau, et marcha devant moi. J’ôtai mon chapeau en passant devant le commis, et je suivis François.