Vie et opinions de Tristram Shandy/4/26

La bibliothèque libre.
Traduction par Joseph-Pierre Frenais.
Chez Jean-François Bastien (Tome troisième. Tome quatrièmep. 69).



CHAPITRE XXVI.

Le tombeau des amans.


Je connoissois le tombeau des amans, comme si j’eusse demeuré vingt ans à Lyon. — Je savois qu’il falloit tourner à main droite en sortant de la porte qui conduit au faubourg de Vèse. — J’envoyai François au bateau, afin de pouvoir rendre l’hommage que j’avois si long-temps différé sans témoin de ma foiblesse. — J’étois transporté de joie pendant tout le chemin. Quand j’aperçus la porte qui me déroboit la vue du tombeau, je sentis mon cœur embrâsé.

« Tendres et fidèles esprits, m’écriai-je, en parlant à Paulin et à Pauline, — longtemps, — trop long-temps j’ai tardé à verser cette larme sur votre tombeau. — Je viens… je viens… »

Quand je fus venu, je ne trouvai point de tombeau sur lequel je pusse verser de larmes.

Que n’aurois-je pas donné pour que mon oncle Tobie eût pu me prêter en ce moment son lilaburello ?