Vingt-quatre heures d’une femme sensible/Lettre 05

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Librairie de Firmin Didot Frères (p. 25-26).
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LETTRE V.

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Mon déjeuner est là : je n’ai point la force d’y toucher. Je sens une barre, un poids sur ma poitrine. Tantôt une rougeur subite couvre ma figure, tantôt un frisson me parcourt de la pointe des pieds à la pointe des cheveux. Quel est donc ce pouvoir de l’âme sur le corps, de la passion sur la raison ? L’orgueil s’en révolte et s’en indigne : il nous montre notre faiblesse, notre profonde humiliation dans tout son jour ; il nous force à gémir sur ce temps, ces facultés dépensées, prodiguées, perdues en vaines et folles sensations ; mais à quoi cela sert-il ? à rien !…

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LETTRE VI.

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La face de mes idées est changée subitement, je ne sais pourquoi. Je ne souffre pas moins, je raisonne davantage. Mes sensations sont les mêmes ; mes pensées sont différentes. Je croyais voir à l’instant un devoir impérieux dans la nécessité de cacher notre amour, et maintenant ce mystère ne me semble plus qu’un sacrifice inutile et dangereux. Je rougis à mes propres yeux de ces variations, sans pouvoir m’en expliquer la cause. Peut-être arrive-t-il un moment où l’âme, épuisée par des agitations trop violentes, nous ôte la