Vingt-quatre heures d’une femme sensible/Lettre 10

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Librairie de Firmin Didot Frères (p. 51-52).
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LETTRE X.

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Personne encore !… Je ne comprends pas moi-même ce que je crains ; mais mon trouble s’accroît à chaque minute. Tout ce qui ne paraît pas naturel sert de prétexte aux âmes vives pour se tourmenter. L’amour de ce jeune homme m’afflige aussi. Je n’ai jamais conçu qu’on se fît un jeu des souffrances du cœur. On attendait ma réponse ; je l’avais oublié. Dans mon embarras j’ai fait dire qu’on n’avait pu encore me remettre sa lettre. Quel misérable détour ! il ne va pas à mon caractère ; l’amour dénature tout. Mon ami, tracez-moi ma conduite. Si ce jeune homme attend ma réponse avec autant d’anxiété que j’attends la vôtre, certes il est à plaindre. Cependant il se fait une bien autre idée de mon bonheur. Voilà les jugements des hommes !… Comme cette aiguille marche rapidement !… Jamais Charles n’a tant tardé… Je ne puis rester en place, je ne puis écrire ; je sens mes yeux se remplir de larmes. Pourquoi ? je ne sais, car il me semble que je ne pense plus à cette femme. J’attends votre billet aujourd’hui comme les autres jours ; il tarde, et voilà tout… Mais on donne à tout la teinte de son âme, et la soirée d’hier a rempli la mienne d’amertume. Ah ! les hommes !…

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