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CHAPITRE PREMIER
Virgile dans l’éducation de Victor Hugo.
SOMMAIRE : Première rencontre de Virgile et de Victor Hugo. — Premiers essais de traduction en vers. — Travail de nuit et travail de jour. — Complicité du Maître d’Études. — Comment Victor Hugo traduit Virgile. — Conditions d’une bonne traduction en vers d’après Barthélémy et Delille. — Cacus. — Fidélité : Suppressions et amplifications. Inexactitudes. Résumés. Vers chevilles. — Coloris : adoucissements, ennoblissements. — Noms propres. — Harmonie : Facture du vers et rhythme de la phrase. — Destinée de Cacus dans l’œuvre de Victor Hugo. — Virgile et Tibulle. — L’influence de Didon. — Victor Hugo rival de Delille. — Le vieillard du Galèse. — Un texte virgilien difficile à faire admettre au Français. — Le goût de Hugo pour les êtres horribles. — L’antre des Cyclopes. — Le rhythme des marteaux. — La foudre de Jupiter. — Son influence sur l’œuvre de Hugo. — Achéménide : vocabulaire, langue, style, harmonie. — Progrès de Victor Hugo : finesse psychologiqae, sensibilité, réalisme, variété de tons. — Conclusion.
Dans une pièce célèbre des Rayons et des Ombres, Victor Hugo a raconté ce qui se passait aux Feuillantines vers 1813. Le principal d’un Collège quelconque vint rappeler à sa mère,
Qui de cent écoliers guide la plume agile,
Éclairait mieux Horace et Catulle et Virgile,
Et versait à l’esprit des rayons bien meilleurs
Ce discours ne put l’emporter sur les douces supplications du Jardin, et l’enfant dut à cette tendresse, quelque peu romanesque, de pouvoir mêler dans son éducation, aux frais sentiments de la poésie virgilienne, les plus douces sensations de la nature. Il grandit :
Contemplant les fruits d’or, l’eau limpide ou stagnante,
L’étoile épanouie et la fleur rayonnante,
Et les prés et le bois que son esprit, le soir.
Revoyait dans Virgile ainsi qu’en un miroir[1].
Cette rencontre de Hugo avec Virgile, si prématurée futelle, n’était pas la première. À son entrée au Collège des Nobles de Madrid, il subit un examen ainsi que son frère Eugène. « Vu l’âge des deux frères, raconte le Témoin de sa vie, on leur présenta l’Epitome qu’ils traduisirent couramment. On passa au De Viris ; ils n’eurent pas besoin de dictionnaire, non plus que pour Justin, ni pour Quinte Curce... De difficulté en difficulté, on vint à Virgile, où ils furent plus attentifs et moins rapides ; ils se tirèrent encore de Lucrèce, quoique péniblement, et n’échouèrent qu’à Plaute. » Dom Bazile l’examinateur leur demande ce qu’ils expliquaient à huit ans. Victor Hugo lui répond Tacite[2]. C’était au printemps de 1811, il avait à peine neuf ans. Longtemps il garda son Tacite d’enfant et probablement son Virgile, un Virgile-Erhan qu’il emporta dans son voyage aux bords du Rhin. On a conservé d’ailleurs un témoignage de ses études virgiliennes de 1813 aux Feuillantines. C’est un thème latin sur Pyrrhus après lequel l’enfant écrit ce vers du VIe livre de l'Énéide :
Parcere subjectis et debellare superbos.
qu’il traduit en dessous par cet alexandrin :
Pardonner aux vaincus et vaincre les rebelles.
On en remarquera la forme antithétique : il l’accentue encore en la réalisant dans un dessin d’écolier qui montre, en deux scènes, d’un côté, les vaincus épargnés, avec les emblèmes de la paix et l’épigraphe Parcere subjectis, de l’autre,