Visions gaspésiennes/20

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Imprimerie du Devoir (p. 37-38).


POÉSIE


Toi qui reviens, chaque matin,
Errer au fond de la ravine
Pour entendre, dans le lointain,
Les échos de la voix divine ;
Toi qui, de beaux vers altéré.
Guette le mot qui rassasie.
Si tu n’as pas encor pleuré.
Ne cherche pas la poésie !

Qu’importe que ton œil charmé
Se pose en riant sur la vie ;
Que ton cœur aimant soit aimé,
Que ta belle âme soit ravie !
Pour éclairer un sombre jour,
Et pour bien chanter l’espérance,
Ce n’est pas assez de l’amour,
Il te faut de plus la souffrance !


Si tu ne fus pas, en chemin,
Blessé d’une peine infinie,
N’espère rien du lendemain :
Tu n’as pas encor le génie…
De la souveraine clarté
Ton âme ignorera les charmes
Tant que tu n’auras pas goûté
La douceur amère des larmes !