Volupté (Sainte-Beuve)/XXII

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J'allais pourtant éprouver bientôt de plus fortes secousses et vibrer à des échos plus retentissants. Car, quoi que je vous aie dit de mon abstraction d'esprit et de ma faculté d'isolement au sein de ces grandes années, je ne les traversais pas tout à fait impunément. Il se dressait autour de moi, en certaines saisons rapides, mille trophées qui m'offusquaient ; il se formait sous mes yeux des assemblages de rayons invincibles. L'automne de cette année illustre, où j'étais si en train de me détacher du dehors, s'arma bien rudement contre moi, contre mes projets de paix et de silence. La guerre s'était rallumée de nouveau, à l'improviste, entre la France et les puissances coalisées.

L'agression, cette fois, venait de l'étranger encore : un cri unanime, un cri de demi-dieu insulté, éclata par tout l'Empire et perça à l'instant dans la retraite où je combattais mes sourds ennemis, où je suivais mes invisibles anges.

Durant les trois mois de cette campagne, je vécus comme dans un nuage électrique, lequel planait sur ma tête et m'enveloppait orageusement, déchargeant aux collines de l'horizon ses coups de tonnerre. J'avais le cœur gonflé en mon sein comme l'Océan quand la lune d'équinoxe le soulève, et je ne retrouvais plus mon niveau.

Une circonstance particulière aggrava cet effet et compliqua mon émotion d'un intérêt plus personnel encore.

Parmi les décrets du Sénat en ces conjonctures, il y en eut un qui appelait sous les armes les conscrits des cinq précédentes années, et bien que je fusse très certain, en ne me déclarant pas, de n'être point recherché, j'aurais pu à la rigueur être compris dans la première de ces cinq classes.

L'idée que je n'échappais qu'en me dérobant me faisait monter le rouge au front, et, sollicitant ma piété même à l'appui de mon vœu secret, je me demandais si ce n'était pas un strict devoir d'aller m'offrir.

A peine la campagne entamée et la nouvelle des premiers succès survenant, ce fut pis, et mon trouble s'augmenta dans l'anxiété universelle. Je ne priais plus qu'à de rares intervalles. Un flot extraordinaire de cet âge de jeunesse qui se suffit et subvient à tout me rejetait machinalement hors de la foi. Je retombai dans le chaos et le conflit purement humain, ne rêvant qu'ivresse et gloire, émulation brûlante, m'agiter avec tous, galoper sous les boulets, et vite mourir. Chaque bruit inaccoutumé, le matin, me semblait le canon des Invalides déjà en fête de quelque nouvelle victoire. Ce n'était plus sous des prétextes de visites amicales ou d'aumône, c'était avec ces murmures belliqueux et dans l'espoir des bulletins que le démon du milieu du jour me rentraînait aisément par-delà le fleuve. Dernière forme de mon délire ! Matinées d'attente oisive, et aussi de prestige ineffaçable ! On dirait que quelque terne brouillard a passé depuis dans le ciel comme sur les âmes ; il y avait plus de soleil alors qu'aujourd'hui ! Un jour, Ulm était déjà rendu, et l'on venait de présenter en pompe au Sénat une forêt de drapeaux autrichiens, - me promenant près du Luxembourg, je rencontrai un officier de ma connaissance, le capitaine de cavalerie Remi, attaché à l'état-major du maréchal Berthier ; il faisait partie de la députation qui avait apporté ces drapeaux conquis. Blessé assez légèrement au bras dans un des derniers engagements devant Ulm on l'avait désigné pour ce voyage d'honneur. Il me parla avec feu de la merveilleuse campagne et de la célérité magique d'un si entier triomphe. Il brûlait de repartir et devait, dès le surlendemain, se relancer vers Strasbourg, quoique sa blessure se fût fort irritée durant la route ; mais il comptait bien être là-bas à temps, disait-il, pour la future grande bataille que l'arrivée des Russes allait décider. Je le quittai en lui souhaitant chance de héros, et, à peine l'avais-je perdu de vue, que je regrettai de ne m'être pas ouvert franchement à lui, de ne pas lui avoir dit mes remords d'oisiveté et mes désirs de guerre : " Qui sait si un mot confiant, pensais-je, n'eût pas aplani toutes ces montagnes sous lesquelles je m'ensevelis à plaisir ; si l'aide de camp de Berthier n'eût pas pu faire que cette grande bataille prochaine devînt un des chemins naturels de ma vie, ou du moins un immortel tombeau ? ” Et cette pensée creusa en moi, selon mon habitude, durant tous les jours suivants ; mais je crus le capitaine parti et ne cherchai pas à le retrouver.

Le capitaine Remi était une nature qui m'allait de prime abord bien que je n'eusse fait que l'entrevoir de temps en temps. Je l'avais rencontré pour la première fois chez le général Clarke, lorsqu'à mon arrivée à Paris je courais solliciter appui dans l'affaire de M. de Couaën. Il avait depuis quitté ce général et passé sous le maréchal Berthier ; je l'avais revu de loin en loin aux promenades ou dans les bals, et toujours nous causions ensemble avec assez de penchant et d'intérêt. Il était beau, franc, sensé, animé d'un certain goût sérieux d'instruction, et portant dans les diverses matières cet aplomb précoce et simple d'un homme qui a fait des guerres intelligentes. Il n'avait guère que trente ans au plus, étant de la levée militaire de 96. Je lui sentais un fonds d'opinions politiques et patriotiques qui plaisent sous l'habit du soldat ; excellent officier et amoureux de son arme, il ne donnait pas trop en aveugle dans l'Empire. Bref, un attrait réciproque nous avait assez liés.

Deux ou trois semaines se passèrent encore, et je n'avais point réussi à me renfoncer bien avant dans les sentiers des pacifiques royaumes. Un matin, étant sorti, pour me distraire, à cheval, par la barrière de Fontainebleau, je croisai à quelques lieues de là, sur la grand-route, la première colonne des prisonniers autrichiens qu'on avait ainsi dirigés de la frontière vers l'intérieur. Cet aspect des vaincus me remit à mes blessures et à ma défaite, moi vaincu aussi et à qui l'épée était tombée des mains sans que j'eusse pu combattre. On commençait à être dans l'attente expresse de quelque grand événement, car l'armée russe avait dû se joindre aux débris de l'armée autrichienne. Je retournai inquiet à la ville, et me rendis bientôt à pied dans le quartier des Palais. Mais, au sortir de la terrasse des Feuillants, vers la place Vendôme, je rencontrai pâle, défait, et comme relevant de maladie, le capitaine Remi lui-même, et, l'abordant avec surprise : “Quoi ! ici encore ? ” m'écriai-je. - Et il me raconta comment, le lendemain de notre précédente rencontre, l'hémorragie et la fièvre l'avaient pris, et que cette fièvre opiniâtre ne l'avait quitté qu'en l'épuisant ; mais enfin il n'avait plus qu'un peu de force à recouvrer. “ Je pars demain, cette nuit, ajouta-t-il avec un regard brillant, je pars, et peut-être j'arriverai à temps encore. ” Nous étions devant sa porte, il m'invita à monter. Une fois installé dans son petit entresol, je n'hésitai plus, en voyant de près cette noble douleur, à lui découvrir la mienne : " S'il est temps pour vous, il l'est donc aussi pour moi, fis-je en éclatant ; votre espoir me rend la vie. Dites, puis-je arriver, assister avec vous à cette bataille d'Empereurs où vous allez courir ? ” Et je lui expliquai mes desseins si souvent enfouis et m'étouffant.

Dans l'espérance vacillante qu'il se voulait ménager à lui-même, il fut indulgent à mon idée, et prétendit que rien n'était plus exécutable : " Je reçois votre engagement, me dit-il : vous savez manier un cheval, je vous tiendrai d'abord avec moi. Vous entrerez après, si cela vous sourit, dans le corps de Vélites qu'on vient de former... Oui, cette nuit même, nous partons, nous allons en poste jusqu'à Strasbourg, et de là à franc étrier jusqu'à l'armée : six jours en tout feront l'affaire. ” Il cherchait un appui contre sa propre hésitation en me rassurant. De telles paroles m'enlevèrent. Je rentrai chez moi, j'y pris des armes et l'épée même qu'avait touchée Georges. Je passai chez madame de Cursy, la prévenant qu'elle n'eût pas à s'inquiéter de mon absence, et que je serais toute cette dernière quinzaine d'avant l'hiver à la campagne : elle ne me questionnait jamais. - Dès le matin, nous roulions, mon nouveau compagnon et moi, vers Strasbourg.

Il était, je vous l'ai dit, homme de droit sens, de coup d'oeil ferme et militaire, mais avec des idées plus libres et un horizon plus ouvert que la plupart. A propos de cette éternelle grande bataille que nous poursuivions, que nous nommions presque d'avance, que nous ralentissions, que nous agitions en mille manières : “ Il faut bien que j'en sois, me disait-il ; d'abord ce sera une illustre et belle bataille, et il y va pour moi de l'honneur. Nous en aurons bien assez d'autres avant peu d'années, je le sais ; mais celle-ci est de justice encore, de nécessité et de défense ; plus tard, je le crains, ce sera plutôt l'ambition d'un homme. Je veux donc en être, surtout de celle-ci. ”

— Il ajouta sourdement : “ et y rester ! " J'entrevis en lui alors une douleur de cœur, quelque chose comme une perte ancienne ; il s'accusait, à ce que je crus comprendre, de n'avoir pas été assez fidèle à un souvenir qui aurait dû demeurer unique dans sa vie. Il ne m'en parla au reste qu'obscurément et en me serrant la main. L'image de madame de Couaën, si languissante elle-même, et de cette perte menaçante, me passa devant les yeux : “ Et moi aussi je veux y rester ”, lui dis-je ; et un grand silence s'ensuivit.

Le jour baissait ; mon compagnon finit par s'assoupir légèrement, car il était bien faible encore. Et moi, regardant fuir les arbres de plus en plus funèbres et se lever au ciel avec les premières étoiles l'heure des regrets infinis, je murmurais ce vœu sous mes larmes : “ Oh ! oui, mourons avant ce que nous aimons, de peur, en survivant, d'y être infidèles, et de souiller par des distractions vulgaires, et qu'on se reproche tout en y cédant, le deuil qu'il fallait garder inviolable. ” Le sommeil me prenait à mon tour, et, quand je me réveillais ensuite par degrés, il me semblait, en me retrouvant en cette place et dans ce voyage, que je continuais un songe absurde, le cauchemar d'un malade. Mais la vitesse des chevaux ou l'air du matin m'arrivant par une glace ouverte redécidaient le train de mes pensées, et, tout en m'avouant la plus volage des âmes, je me remettais assez vivement à la situation.

Nous tremblions, en avançant, d'apprendre quelque grande nouvelle de victoire. Déjà un bruit confus, un de ces on-dit précurseurs qui semblent accourus en une nuit sur l'aile des vents ou sur le cheval des morts, commençait à frémir, à se grossir autour de nous à chaque poste où nous passions. Le capitaine là-dessus refaisait pour la vingtième fois ses calculs stratégiques ; il déployait sa carte de poche, et, partant des derniers bulletins, il m'expliquait les positions des divers corps, la jonction à peine effectuée, selon lui, et à coup sûr incomplète, des Autrichiens et des Russes, les causes probables de temporisation dues aux fatigues de tant de marches précédentes. Nos deux têtes, penchées à la fois sur cette carte, s'entrechoquaient à chaque brusque cahotement. A notre entrée dans Strasbourg, tout bruissait d'une grande espérance ; mais rien de certain, rien d'officiel encore. Nous nous donnâmes à peine le temps d'y poser et ne rimes presque que nous élancer de la voiture sur la selle des chevaux ; c'était en cette manière que nous devions poursuivre la route. Nous touchions à Kehl ; l'Allemagne et les saules de sa rive basse étaient devant nous, quand à la tête du pont, au moment de passer, un courrier, que le capitaine reconnut à l'instant pour être à l'Empereur, déboucha au galop. Le capitaine le cria par son nom et se porta vers lui. Trois mots : grande victoire, armistice, paix avant huit-jours, volèrent dans un éclair. Le capitaine devint pâle comme un mort, son oeil était fixe, il se tut, et son cheval continua de le mener. Mais au milieu du pont, à l'ancienne limite, je m'arrêtai le premier et lui dis : " A moi qui n'ai vu de ma vie un combat, et qui suis destiné à n'en point voir, il ne m'appartient pas de traverser le Rhin, le fleuve guerrier. Vous, cher capitaine, votre revanche est assurée, elle sera glorieuse ; consolez-vous ; adieu ! ” Et sans plus de paroles, sans descendre, nous nous embrassâmes. Il partit en Allemagne, à toute bride comme un désespéré. Il fut tué trois ans plus tard à Wagram. Je rentrai morne à Strasbourg, et m'en revins de là droit à Paris. Après cette figure pâle du capitaine entendant les trois mots du courrier, ma seconde pensée fut toute pour M. de Couaën, et je lui vis à cette dure nouvelle une sueur froide aussi, découlant de son front veiné, et ce tremblement particulier d'une lèvre mince. Quant à moi, j'étais peu surpris ; je reconnaissais là ce que j'appelais mon destin, ce qu'au sortir d'un tel vertige je n'osais plus appeler l'intention de Dieu. L'humiliation me noyait et couvrait ma tête d'un lac de cent coudées. Etait-ce d'avoir manqué Austerlitz, était-ce d'avoir rompu mes bons liens, que venait la confusion ? Ce qui est certain, je ne me serais pas trouvé digne alors d'aider en silence au dernier des frères lais dans l'arrière-cour d'un couvent.

Vos voies pourtant me dirigeaient, à mon Dieu ! J'avais honte de moi, mais Vous, vous aviez moins de honte. Je méprisais en moi le fugitif impuissant à ravir le monde, l'être rebuté des événements et des choses, et vous étiez plus prêt que jamais à m'accueillir. Après tant d'erreurs et d'inconstances, je n'avais à vous offrir que de ; restes abjects de moi-même, mais vous ne dédaignez pas les restes pourvu qu'il y couve une étincelle. Vous faites comme Lazare, à mon Dieu, et vous recevez presque avec reconnaissance les miettes de la table du prodigue, les haillons du corps et de l'âme du pécheur ; Je retombai un soir dans ce Paris retentissant et encore illuminé. Mes amis, c'est-à-dire madame de Cursy et l'ecclésiastique, ne s'étaient pas étonnés de la courte absence. Je repris ma vie d'auparavant, mais sans la sécurité et sans le bonheur du premier charme. Je voyais bien que ce dernier assaut avait été un déguisement de mon penchant secret qui, pour me rengager en plein monde, s'était offert à l'improviste par l'aspect glorieux, sous la forme et sous l'armure du guerrier ; que ç'avait été toujours le fantôme des sens, de l'ivresse et du plaisir, mais cette fois m'apparaissant dans les camps comme Armide, et sous un casque à aigle d'argent. - Napoléon venait de rentrer dans sa capitale ; l'armée entière allait l'y suivre, et le rendez-vous général était donné pour les premiers jours de mai. La Garde au complet arrivait déjà, et les caresses aux bras nus, les orgies permises d'une paix triomphante animaient la ville et perdaient les regards. Il devenait temps pour moi de prendre un parti. Il y a un moment dans la conversion où c'est une nécessité, pour guérir, de mettre entre soi et les rechutes l'obstacle souverain des sacrements. Il ne faudrait pas les aborder trop tôt et à la légère, avant qu'ils nous fussent réellement sacrés, de peur d'empirer la situation en les violant ; mais l'heure vient où eux seuls peuvent poser le sceau, ratifier le pacte qu'un cœur prudent conclut avec les yeux (pepigi foedus cum oculis meis, dit Job ), et faire qu'il n'en soit pas du voluptueux selon la sentence du Sage dans l'ancienne loi : “ Tout pain lui est bon ; il ne se lassera point d'y retourner et d'y mordre jusqu'à la fin.” Ce n'est pas trop, vers cette fin, qu'un Dieu tout entier, Dieu corps et sang, se mette entre l'idole ancienne et nous. J'étais de ceux, en particulier, je vous l'ai dit, chez qui la religion dépend moins de la conviction d'intelligence que de la conduite pratique ; je ne trouvais rien à opposer comme raisonneur, mais je n'agissais pas ou j'agissais mal, et c'était pire ; et, si je n'y prenais garde, j'allais m'amollir en présence d'une vérité que je reconnaissais et que chaque jour je serais devenu incapable d'étreindre. J'écrivais à mon aimable ami de Normandie ces propres mots que je retrouve sur mon livre de pensées d'alors : “ Mon intelligence est convaincue, ou du moins elle n'élève pas d'objections ; mais, lui disais-je, ce sont mes mœurs et ma pratique qui m'écartent et me rejettent, malgré les partiels efforts que je tente. Et l'âge vient, et la jeunesse me quitte tous les jours ; !es années plus sévères s'allongent devant moi. Je voudrais concilier mon idéal amour avec la religion, de manière à les affermir l'un par l'autre ; mais les sens inférieurs déjouent cette belle alliance, et je retombe passim à la fois mécontent comme amant et démoralisé comme croyant. Voilà ma plaie... cette plaie des sens qui se rouvre toujours au moment où on la croit guérie. " J'avais noté pour moi ces mots avant de les envoyer ; ils étaient le résumé sans feinte de ma situation extrême, à cette limite que je désespérais de franchir. Oh ! c'est une mauvaise situation, mon ami, quand les mœurs restent les mêmes, l'esprit étant autrement convaincu. On continue de mal vivre, et l'on est persuadé qu'on vit mal. Rien n'affaiblit et ne détrempe l'esprit, ne lui ôte la faculté de vraie foi, et ne le dispose à un scepticisme universel, comme d'être ainsi témoin, dans sa conviction, d'actes contraires, plus ou moins multipliés. L'intelligence s'énerve à contempler les défaites de la volonté, comme un homme à une fenêtre qui aurait la lâcheté de contempler quelque assassinat dans la rue, sans accourir à la défense de l'égorgé qui est son frère.

— Une lettre de M. de Couaën qui m'invitait à passer quelques semaines à Blois, et d'un ton de douceur et d'amitié que je n'avais pas éprouvé de lui depuis longtemps, aida à ma détermination : je n'osais ni refuser ni aller. J'avais hâte de mettre l'idée de madame de Couaën en toute sûreté et pureté sur l'autel, derrière les balustres de cèdre, et de l'inscrire invisible sur les lames d'or. Enfin, que vous dirais-je, mon ami ! après cette dernière épreuve, et quand je me sentais si bas, tout là-haut était mûr et préparé ; je me croyais dans l'abandon, et tout me soulevait insensiblement. Un jour le bon ecclésiastique le premier, inclinant ma pensée, me parla du séminaire de..., dont le supérieur était son grand ami, et de la vie appliquée et simple qu'on y menait. Chaque souffle de printemps, cette année-là, et dans ces moments tant redoutés, m'arrivait propice. Les premières rosées, que buvait la terre, tout à l'heure sanglante, me régénérèrent l'âme. Cette âme, jusque-là mal détachée, tomba sans bruit et d'elle-même, comme une olive mûre, dans la corbeille du Maître. Je résolus de me confesser, et quand je l'eus fait, au bout de quinze jours, quittant Paris, j'entrai par faveur, et quoique l'année d'études fût à demi entamée, au renaissant séminaire de..., dont le supérieur était cet ami intime du bon ecclésiastique.