Voyage à l’île de la Réunion (île Bourbon)/01
VOYAGE À L’ÎLE DE LA RÉUNION
(ÎLE BOURBON).
I
SAINT-DENIS.
De Paris à Saint-Denis, le chemin le plus court n’est pas toujours le plus agréable, et tandis que les uns prennent le chemin de fer du Nord, je pris celui de Paris à Lyon et à la Méditerranée qui me conduisit jusqu’à Marseille. Il est vrai que tout chemin mène à Rome, et qu’aussi, il faut le dire, le Saint-Denis ou je me dirigeais n’est pas cette sous-préfecture de la Seine, dernière demeure de nos rois, mais bien la capitale de l’île Bourbon, aujourd’hui la Réunion. J’allais aux îles, comme on dit à Paris quand on s’embarque pour les colonies lointaines.
Je partis de Marseille, le 28 février 1861, sur le paquebot anglais Valetta. Il y avait à bord toute une cargaison humaine en route vers Malte et l’Égypte. Le chemin de fer inter-maritime nous transporta d’Alexandrie au Caire et du Caire à Suez.
De Suez à Aden, sur la côte d’Arabie, d’Aden aux Seychelles, archipel jadis français, de là à l’île Maurice, notre ancienne île de France, dont la capitale s’appelle toujours Port-Louis, et enfin de Port-Louis à Saint-Denis, le vapeur anglais Nepaul nous promena comme l’eût fait une locomotive, et le 28 mars au matin, je descendis sain et sauf dans la capitale de l’île de la Réunion.
En moins d’un mois, j’avais fait à peu près trois mille lieues ; je trouvais qu’il était temps de se reposer. Les Anglais peuvent avoir du confort chez eux, mais ils n’en ont guère sur leurs navires, et mes compagnons de route, pendant tout le temps de la traversée, appelèrent comme moi de tous leurs vœux le jour désiré ou des vapeurs français transporteront enfin les passagers de la mer des Indes.
Saint-Denis s’offrit à moi, coquette et parée, comme en un jour de fête. Les pluies qui venaient de tomber à torrents pendant les mois précédents, avaient singulièrement ranimé la végétation, sans toutefois rafraîchir l’air. J’étais passé d’un hémisphère à l’autre, et en échange du froid glacial de Paris, je trouvais, en quelques jours à peine, toute la chaleur des tropiques. C’était là un de ces contrastes subits auxquels mes précédents voyages, d’un bout à l’autre de l’Amérique, m’avaient habitué, mais ce que je n’avais point vu encore, c’était une nature aussi resplendissante et surtout une ville aussi gracieuse que celle qui se déroulait à mes yeux.
Pendant que le domestique lascar, Indien à la peau noire et tout vêtu de blanc, auquel je laissai le soin de mes bagages, se dirigeait vers l’hôtel d’Europe, je me promenai tranquillement par les rues. La fraîcheur du matin régnait encore, et les jardins, qui bordaient l’un et l’autre côté des trottoirs, répandaient autour de moi une ombre bienfaisante.
À travers la grille fermant les jardins sur la rue, le barreau, comme l’appellent les créoles, on apercevait la varangue, galerie ouverte autour de la maison. Un lustre de cristal qu’on allume le soir, et de vastes fauteuils de rotin où l’on se berce nonchalamment, forment l’ameublement du gracieux péristyle.
Cependant mon Indien était arrivé à l’hôtel où je ne tardai pas à le rejoindre. Je fis prévenir de mon arrivée l’excellent M. E. Crémazy, auquel j’étais recommandé, et il consentit à me donner une partie de son temps. Je visitai en sa compagnie les quartiers de la ville que je n’avais point encore parcourus : les rues sont larges, bien tracées et se croisent d’équerre. Autour de la ville est une promenade circulaire, le boulevard Doret, que de nombreuses voitures sillonnent dans l’après-midi. Dès que les rayons du soleil s’inclinent obliques à l’horizon, dès que la chaleur de la journée commence à disparaître, c’est là qu’après la sieste les dames viennent étaler leurs étincelantes toilettes. C’est là qu’on aperçoit aussi dans tout leur luxe les pittoresques costumes des domestiques venus de l’Inde. Les noirs, émancipés en 1848, ont pour la plupart refusé de servir leurs anciens maîtres, et les Malabars, les Lascars, les Bengalis, les Télinguas, en un mot toutes les races de l’Inde, ont été mises à contribution pour remplacer les esclaves africains.
Le boulevard Doret est le bois de Boulogne de Saint-Denis, et il est remarquable par quelques habitations princières élevées dans son voisinage. C’est là aussi que se déroule dans toute sa majesté et son éternelle verdure la végétation des tropiques. De la voiture découverte dans laquelle j’étais placé, je pus à mon aise, par de simples coups d’œil donnés à droite et à gauche, me livrer à une véritable étude de botanique coloniale. Les cannes à sucre dressent dans les champs leur tige svelte, surmontée souvent d’une aigrette, et dans les jardins se trouvent à la fois réunis le bananier aux grappes pendantes, le cocotier au tronc élancé, le badamier aux formes originales, le manguier au feuillage touffu, l’évi ou arbre de Cythère, le pignon d’Inde à la noix huileuse, l’arbre à pain originaire de Taïti, le vacoa dont on tresse les feuilles en nattes et en paniers, le papayer au tronc sans branches en forme de colonne, et qui porte pour chapiteau une couronne de melons verts.
À tous ces arbres, si caractéristiques de la végétation des tropiques et si nouveaux pour l’Européen, se mêlent l’avocatier, dont la poire rappelle le beurre, le letchi importé de Chine, le mangoustan aux fruits parfumés, le flamboyant aux fleurs étincelantes, le goyavier, parent du cognassier d’Europe, le figuier des Banians, venu de l’Inde, le jacquier au port majestueux. Çà et là un plant de café, un muscadier, un giroflier rappellent les cultures des grandes habitations de l’île, et sur les flancs des coteaux le tamarinier et le bois noir, avec le filao, ce pin des tropiques, marient leurs sombres ombrages. Dans les jardins, les rosiers de toute espèce, les lianes aux fleurs multicolores, l’arbre du voyageur, ouvrant ses feuilles en éventail et retenant l’eau entre leurs plis, la vanille grimpante, l’hibiscus ponceau, le grenadier, l’ananas, l’aloès s’unissent aux arbres déjà décrits. Tous ces végétaux différents, mêlant leurs fleurs et leur feuillage, font de la promenade de Saint-Denis une sorte de paradis terrestre, et de tous les abords des maisons de la ville un lieu vraiment enchanteur. En consultant mes souvenirs, je ne pouvais retrouver d’autre exemple d’une aussi resplendissante nature que dans les verdoyants et pittoresques jardins de la Havane.
Le ruisseau des Noirs, que traverse le boulevard Doret, offre aussi un curieux spectacle. Tous les domestiques de Saint-Denis viennent dans l’après-midi y chercher l’eau fraîche pour le repas du soir. Indiens et nègres se trouvent là mêlés, chacun remplissant un petit baril qu’il emporte ensuite sur sa tête. Mais bien souvent, avec le calme que ces serviteurs à la peau de bistre ou d’ébène mettent dans leur marche, l’eau arrive presque chaude et le maître s’emporte contre le domestique nonchalant, qui recommence le lendemain. Les alcarazas, les gargoulettes au ventre poreux doivent suffire, selon lui, à maintenir l’eau fraîche au logis, et il ne voit pas trop pourquoi il hâterait sa marche rêveuse.
Autour de la source où se remplissent barils et carafes est caché, au milieu de frais bosquets, un amas de cahutes en paille et en bambous. C’est un village de noirs, anciens esclaves, qui y jouissent dans un doux farniente des agréments de la liberté. Depuis que la révolution de 1848 l’a émancipé, le noir ne veut plus travailler pour personne, si ce n’est pour lui-même ; il se pare orgueilleusement du titre de citoyen, le seul sous lequel il consente qu’on le désigne, et l’état qu’il ambitionne de préférence est celui de petit propriétaire. Un cochon qu’il élève péniblement, quelques maigres poules qu’il ira bientôt vendre au marché, rôdent tout le jour aux abords de sa case. Devant sa porte s’étend un petit jardin planté de légumes où poussent dans leurs carrés respectifs l’ambrevade, sorte de pois en forme d’arbuste ; le maïs, dont les noirs mangent les épis ; le chouchou, dont le fruit rappelle le concombre ; le giraumon, parent de la courge ; le bétel aux feuilles poivrées, que mâchent les Indiens. À ces plantes et faisant avec elles bon voisinage, se mêlent l’oignon et le poireau, qui sont de toutes les latitudes ; la brède ou morelle, dont tous les créoles mangent les feuilles mêlées au riz ; l’arrow-root, dont le tubercule donne une poudre qui remplace l’amidon ; le manioc, aux racines farineuses ; la patate, sœur de la pomme de terre ; le haricot rival de celui de Soissons ; enfin la verte série des salades. Tous ces végétaux portent dans la colonie le nom assez pittoresque de vivres, appellation qui pourra paraître curieuse à nos lecteurs ; mais on n’y regarde pas de si près à Bourbon, où, sans consulter M. Boiste et l’Académie, on nomme tout simplement sucriers les colons qui fabriquent le sucre.
Dans les potagers des Malabars on retrouve parmi les vivres le riz, le safran, le piment, mêlés aux plantes précédentes. Les terrains sont plus vastes et le système de culture plus intelligent. On voit que les fils du Gange sont jardiniers par habitude et par amour de l’art. Les enfants de l’Afrique, au contraire, semblent ne vénérer le dieu des jardins qu’en manière de passe-temps.
Laissant derrière moi le ruisseau des Noirs et son village de bambous, je rentrai à Saint-Denis par le chemin qui côtoie la rivière s’étendant à l’est de la ville. Là le paysage change d’aspect. Le cours d’eau, profondément encaissé, va se jeter à la mer que l’on aperçoit devant soi. Les navires ancrés au large se balançaient au souffle de la brise. Il n’y a pas de port à Saint-Denis, pas même une rade hospitalière, et au moindre coup de vent, au plus léger signal d’ouragan ou de ras de marée, un coup de canon retentit, et chaque capitaine lève l’ancre au plus vite. Mais à la fin de mars le mauvais temps est passé, et les navires que je distinguais sur la mer semblaient se bercer dans une douce quiétude et se reposer des émotions de l’hivernage. À ma droite, la chaîne basaltique du cap Bernard, qui va mourir au loin sur les eaux, s’élevait comme un mur gigantesque. C’est à peine si un petit plateau restait libre, celui de l’Hippodrome, où ont lieu au mois d’août des courses de chevaux qui mettent toute la colonie en émoi. Sur les flancs de la montagne, dont le sommet est couronné par une vigie, se développe, comme un ruban sinueux, la route de Saint-Denis à Saint-Paul. Vers le rivage s’étend une immense bâtisse, les casernes. De l’autre côté de la rivière sont de nombreuses habitations, et en remontant le courant, on entre dans une énorme fissure béante ouverte au milieu de ce sol volcanique. Les remparts (c’est le nom qu’on donne aux rochers et aux montagnes à pic du pays) surplombent à droite et à gauche, et des colonnes de basalte, souvent courbées à leur sommet, rappellent les anciennes convulsions géologiques qui ont accompagné l’apparition de l’île au-dessus de l’Océan. De ces bouleversements grandioses, de ces violentes commotions nul être n’a été le témoin, mais il en reste des traces toujours vivantes. Elles nous permettent de remonter à la source des faits, et d’assister au moins par la pensée à la formation successive de notre globe.
Comme je me livrais à ces réflexions, j’arrivai en face du bassin de refuge ou barachois, et des ponts en fer et en charpente jetés sur la mer, pour embarquer et débarquer les voyageurs et les marchandises. Après vient le mât des signaux, où l’on annonce les navires. Tel est l’aspect du port de Saint-Denis. Continuant à suivre le rivage, je passai dans les batteries, et débouchai sur une nouvelle promenade plantée de magnifiques filaos. C’est là que les noirs, le dimanche, se livrent à leurs danses échevelées, au son du bobre, de la cayambe et du tamtam. Ces instruments primitifs, aussi simples à manier que faciles à établir, égayent l’enfant de l’Afrique qui, excité par leur bruit, se permet les contorsions les plus licencieuses avec le tacite assentiment de l’agent de police, témoin de tous ces ébats. J’ai vu ainsi sur la place Candide, à l’ombre de filaos séculaires, non loin des vagues qui venaient mourir sur la grève, nègres de Zanzibar, à la taille élancée, au type caucasien, Cafres à la figure sillonnée de hideux tatouages, Malgaches à la chevelure tressée, à la peau bistrée, Mozambiques au nez plissé en grains de maïs, et noirs du Cap à la face stupide, se livrer séparément à leurs danses nationales. Les groupes étaient nombreux et tous les danseurs se tortillaient comme autant de diables. Les uns portaient des plumes dans les cheveux, les autres des grelots autour des jambes et des reins. Beaucoup accompagnaient de cris étranges le bruit non moins discordant de la musique, mais tout le monde était content, et les balancés, et chassés croisés de cet infernal quadrille africain qu’on appelle le sega se succédaient sans cesse ni trêve. Quelques soldats de la garnison, quelques mulâtres, véritables gentlemen qui refusaient de danser, de nombreuses bonnes d’enfants composaient la foule des curieux. Je m’étais glissé parmi les spectateurs et je regardais tout à mon aise ce bal si nouveau pour moi. La partie bien pensante des créoles est absente de ces jeux, soit qu’ils n’y trouvent rien de bien intéressant, soit plutôt parce qu’on néglige à la Réunion toute espèce d’étude de mœurs.
Ce n’était pas d’ailleurs par le côté simplement pittoresque que le séjour de Saint-Denis me plaisait. J’aimais aussi à parcourir la ville, dont quelques points méritent de fixer l’attention. C’est la place du Gouvernement, et à côté de l’hôtel du Gouverneur, veuf du chef de la colonie, qui s’est retiré dans les hauts, à Saint-François, au fond d’une paisible et fraîche demeure. La statue de la Bourdonnais, érigée en face de l’hôtel, semble y être posée à dessein, au lieu et place du gouverneur absent. Cette statue est là aussi comme un hommage tardif rendu au plus habile administrateur et à l’un des plus courageux marins de nos anciennes colonies de l’Inde. Injustement calomnié sous Louis XV, qui ne sut pas le défendre, la Bourdonnais fut enfermé trois ans à la Bastille, et mourut de chagrin d’avoir été si mal récompensé. Les habitants actuels de l’île Bourbon et ceux de l’île Maurice, chacun de leur côté, se sont montrés plus reconnaissants et moins oublieux que le roi de France. À Port-Louis comme à Saint-Denis, on a élevé à la Bourdonnais une statue en bronze ; les créoles de la Réunion ont, de plus, doté la fille du célèbre et malheureux amiral.
En quittant l’hôtel du Gouvernement, je remontais la rue de Paris, où la cathédrale, l’hôpital militaire, l’hôtel de ville apparaissent successivement. Plus haut, dans une rue latérale, est le marché ou bazar avec sa population d’Indiennes au type souvent gracieux, aux formes toujours élégantes.
La rue de Paris se termine par le jardin botanique ou jardin du roi, comme on l’appelle encore. Je le visitai en compagnie du directeur de l’établissement, M. Richard. Toutes les plantes s’y trouvent rangées par familles, et l’étude en est aussi facile qu’agréable. Le bon M. Richard a été directeur, sous le premier Empire, des pépinières de Saint-Cloud. Il a ensuite établi les pépinières coloniales de Cayenne et du Sénégal où il a fondé Richard-Toll. Il partit pour le Sénégal sur le navire qui allait de conserve avec la Méduse. Une jeune femme, qu’il a plus tard épousée, se trouvait elle même sur le fameux navire, et elle est à cette heure une des dernières personnes qui aient survécu au terrible naufrage. Envoyé à la Réunion, M. Richard y a introduit des espèces tropicales nouvelles, entre autres le palmier de Cayenne. Notre botaniste est un de ces vieux savants qui ont beaucoup vu et surtout beaucoup retenu. Sa conversation est pleine de verve et je dois à ce charmant conteur nombre d’anecdotes dont quelques-unes trouvent ici leur place.
Quelques créoles supposent que le jardin de l’État n’a été établi que pour eux, pour leur donner, des salades quand il n’y en a pas au marché et qu’ils ont de nombreux convives à traiter ; pour leur fournir aussi toute sorte de plantes nouvelles, celles même qu’il leur plaît de créer. Or, un jour un de ces messieurs envoie demander à M. Richard de la feuille de grenade. Le botaniste devine une erreur et délivre de la feuille de grenadier.
« Vous n’y entendez rien, écrit le colon, et ce n’est pas la peine que le gouvernement envoie un directeur scientifique au jardin du roi s’il connaît si peu son métier ; mon domestique que je vous envoie avec ce billet vous apprendra, monsieur, à connaître la feuille de grenade.
— Je n’ai pas de leçons à recevoir de vos gens, répondit tranquillement M. Richard, et quant à la feuille de grenade, apprenez, monsieur le créole, que les grenades ne produisent pas plus de feuilles que les œufs de poules ne donnent de plumes. »
Le colon se tint pour battu et ne revint pas à la charge. Mais, quelques jours après, deux belles dames, en quête de fleurs nouvelles, envoyaient demander des fleurs de soufre et des fleurs de bismuth. Le directeur du jardin botanique leur répondit qu’il n’en tenait pas, mais qu’elles pouvaient sûrement s’adresser à leur pharmacien. « Tout ceci prouve, me disait ce bon M. Richard, que le livre de la nature n’est pas encore ouvert pour beaucoup de nos colons et que dans la splendide végétation qui les environne, ils ne voient encore que des fleurs et des feuilles. »
À côté du jardin botanique est un muséum d’histoire naturelle, que l’excellent M. Morel, avocat, a su rendre digne de la colonie. Oubliant quelquefois Thibonien et Cujas pour Buffon et Cuvier, il a employé ses heures de loisir à devenir un naturaliste distingué, surtout un ichthyologue du plus grand mérite. Sa collection de poissons est une des plus belles qu’on puisse voir ; mais ne le disons pas trop haut, et que ce bruit surtout ne parvienne pas au muséum de Paris, jusqu’aux oreilles de M. Valenciennes M. Morel pourrait bien m’accuser d’avoir trop parlé.
Le préparateur du muséum de Saint-Denis est M. Prudhomme, grand empailleur de poissons, dont il achète les espèces rares et déguste préalablement la chair, le tout aux frais de l’État. M. Prudhomme est un ancien comédien, d’assez de talent. Il a, dans le temps, donné la réplique à Talma, et il le rappelle avec un juste orgueil. Il est doué d’une noble figure, ombragée d’une belle barbe blanche, et malgré ses soixante-dix ans il a encore très-bonne prestance. Il se sent même parfois, dit-il, de vifs retours de sa verve passée[1]. Il a, à la Réunion, dans la comédie et l’opéra-comique, conquis les applaudissements du public, et ne s’est fait siffler qu’une fois pour avoir voulu, dans une pièce allégorique, représenter un fleuve dans un costume trop primitif. M. Prudhomme, en sa qualité d’ancien tragédien sans doute, est un voltairien renforcé, et quand l’évêque de Saint-Denis visite le muséum, il affecte de l’appeler « monsieur, » mais monseigneur le lui pardonne, car ce péché tout véniel est peut-être le seul que commette notre naturaliste. Ses chers poissons occupent tous ses moments, et il veille en même temps à l’entretien du muséum, dont il conserve les collections avec un soin tout paternel.
- ↑ Ces lignes étaient écrites lorsque j’ai eu le regret d’apprendre que cet excellent homme était mort.