Voyage à mon bureau, aller et retour/Chapitre XXII

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LA SOURNOISE

C'est pour troubler les ébats des employés joyeux qui s'absentent du bureau sans permission, qu'une feuille de présence, tout à fait indépendante de celle signée le matin, a été inventée à l'effet de rendre visible la place de ces employés, à des heures inattendues, et qui sont soumises à l'appréciation du chef. La sournoise, c'est ainsi qu'on la nomme, arrive inopinément et toujours à point pour surprendre les étourneaux qui se sont envolés de la cage. C'est une discrète épouse épiant les pas et démarches de son mari volage, et qui met à profit son temps pour inquiéter le coupable que le plaisir tient étroitement dans ses bras. Elle frappe à coup sûr sans laisser voir qu'elle a eu une idée de préméditation.

Telle est cette feuille de présence qui ne manque pas de constater des absences pouvant donner lieu à des réprimandes sévères et à des punitions.

Eh bien ! le danger n'effraye pas les jeunes gens qui se sont voués à ces sortes de dérangements habituels. Ils sont comme les perdreaux folâtrant dans les prés, et qui croient toujours avoir le temps nécessaire pour s'envoler avant l'arrivée du chasseur, ou bien avant que le plomb de son arme meurtrière ne les atteigne.

Si dans la vie on se montrait plus prudent en toutes choses, on ne braverait pas si inconsidérément le danger menaçant, et les témoins laissés pour parler en notre faveur devraient nous apprendre que le moyen le plus sûr d'échapper à la surveillance d'une feuille sournoise, et d'éviter les reproches ou les punitions, c'est d'accomplir en tout temps la tâche qui nous est imposée, afin de mettre en défaut ceux qui auraient l'intention de nous y prendre.


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