Voyage dans les provinces du Caucase/02
Restes du château de la reine Tamar dans la gorge du Darial.
VOYAGE DANS LES PROVINCES DU CAUCASE,
Avant d’arriver à Stavropol, je n’avais guère traversé qu’une région triste et déserte dont la route est bordée, comme en plusieurs endroits de l’isthme caucasien, de terrains qui paraissent avoir été oubliés de Dieu et brûlés par le feu céleste.
Mais autour de cette ville le pays devient quelque peu montagneux ; la végétation y est moins rare, l’air plus frais et plus agréable à respirer.
C’est là que pour la première fois j’aperçus l’aigle.
Je n’en avais vu jusqu’alors que dans les ménageries et les jardins zoologiques de l’Europe.
Quelle différence entre ces aigles malingres, tristes, sans plumes, et ceux que j’avais devant moi, libres et vigoureux, à l’œil plein de feu, aux mouvements larges et majestueux, lorsqu’ils déploient leurs ailes et semblent nager dans les airs !
Je n’avais pas de fusil, je pris mon revolver de voyage, qui s’ennuyait dans l’inaction, couvert d’une pacifique poussière. En tirant balle sur balle à la distance de vingt à vingt-cinq pas, je voyais déjà en idée tomber à mes pieds ce fier animal, et je me berçais de la douce satisfaction de contempler plus tard un aigle empaillé, tué par moi-même. L’oiseau fut assez gracieux pour venir tout près de moi ; mais, au bruit de la décharge de mon revolver, il secoua ses ailes et s’envola.
Mon amour-propre m’insinua qu’il était mortellement blessé… peut-être !
Plus tard, dans la contrée au delà du Caucase, j’ai eu d’autres rencontres avec ce grand rapace, et assez souvent j’en suis sorti plus satisfait que de celle-ci.
Le crépuscule commençait à tomber lorsque Stavropol nous apparut et nous offrit un beau coup d’œil : la ville est bâtie sur une colline en pente douce, et de loin on aperçoit son immense cathédrale avec ses ornements qui ne sont pas sans élégance.
Une partie de dames chez les Cosaques.
L’obscurité m’empêcha, dans le centre de la ville, de voir autre chose que les silhouettes des grands édifices aux formes régulières et les lumières qui couraient derrière leurs longues rangées de fenêtres.
Dans les faubourgs, les maisons, au contraire, sont semées au hasard et sur des accidents de terrain, ce qui rend l’éclairage très-inégal et fort insuffisant, comme je pus m’en convaincre, lorsqu’il nous fallut monter et descendre des chemins si mauvais et si sales qu’au milieu de l’obscurité le diable lui-même s’y serait cassé les jambes.
Mais à l’auberge un accueil bienveillant, un bon souper et un bon lit, nous firent bientôt oublier tous les désagréments de la route. Il serait injuste de passer sous silence ce qui me paraît être un précieux complément du bien-être, l’attribut indispensable des hôtelleries, l’orgue plus ou moins mélodieux dont les ritournelles monotones procurent un doux sommeil.
Le lendemain, pendant qu’on attelait les chevaux, j’eus le temps de visiter la ville en touriste.
Elle présente en général le même aspect que la plupart des villes russes de la province, et, quoique Stavropol soit la capitale de la province septentrionale du gouvernement caucasien, elle ne se distingue par aucun caractère particulier.
La grande rue ferait honneur aux plus belles villes d’Europe : tracée en ligne droite, longue et large, avec une avenue d’arbres au centre, elle conduit, par une pente assez rapide, jusqu’au sommet de la montagne.
De cette hauteur le voyageur embrasse d’un seul regard à ses pieds un vaste panorama, les grands édifices réguliers des tribunaux, les belles maisons particulières, les magasins, les habitants, hommes et femmes, semblables aux Européens. Sur la droite s’élève l’immense cathédrale : c’est un composé, peu agréable, d’architecture romaine et moscovite, fort à la mode en Russie dans la première moitié de notre siècle.
Heureusement, ce genre faux et disgracieux tend de plus en à disparaître. Les côtés de la ville sont moins réguliers et moins propres, pour ne pas dire sales.
Stavropol a quelque peu l’aspect d’une ville de guerre : cela tient à ce qu’elle a été assignée comme
résidence au commandant des armées de ces provinces et à son état-major.
Lors de mon passage, cette fonction était remplie par le général Evdokinnoff, le héros de la dernière guerre du Caucase. C’est lui en effet qui fut le promoteur de la migration en Turquie des tribus révoltées et le principal exécuteur des rigoureuses mesures qui l’accompagnèrent. Fils de soldat, il s’éleva des degrés inférieurs du service militaire au grade de général en chef et au titre de comte de l’empire de Russie.
S’il est des gens qui portent sur le visage les vrais signes du courage, il peut certes être rangé parmi eux ; deux balles qui ont labouré son visage y ont imprimé un témoignage ineffaçable de sa valeur.
En quittant la ville, je pris la direction de Géorgievsk, ville distante d’environ cent cinquante verstes dans la direction du sud-est.
Je demande la permission de placer ici le récit d’une aventure fort désagréable qui me laissa, je ne puis le nier, un fâcheux souvenir de ma première journée de voyage après Stavropol.
C’était au printemps, à l’époque des premiers fruits : je ne pus résister au désir de manger quelques prunes, bien qu’elles ne fussent pas assez mûres.
La nuit suivante, je me mis au lit avec des souffrances atroces.
J’étais déjà à soixante verstes de Stavropol, et je ne pouvais songer à faire venir un médecin à la station. Il me fallut me contenter des ressources qui se trouvaient à ma portée : un Cosaque complaisant, le préposé de la station, m’offrit de consulter une femme médecin connue dans les environs pour conjurer toutes les maladies possibles. J’y consentis. Bientôt apparut une femme d’un âge respectable, mise avec propreté ; elle fit d abord la prière d’usage devant les saintes images, puis me salua très-bas, et enfin me questionna gravement sur ma maladie. Après quoi, s’armant d’une tasse pleine d’eau chaude, elle se mit à m’en asperger et à souffler sur moi alternativement, tout en marmottant quelques mots ou de prière ou d’invocation, ce que je ne pus distinguer dans cette situation de maussade mémoire qui n’était nullement favorable à des observations plus ou moins sérieuses. Ainsi se termina la première séance. Mon médecin en jupon me promit de revenir le lendemain.
Par bonheur pour moi, le hasard amena à la même station un voyageur, homme respectable, que j’eus plus tard l’occasion de rencontrer de nouveau à Tiffis. Il avait dans sa valise une petite pharmacie, et, avec nos connaissances réunies, nous pûmes composer une potion à laquelle je dus de me retrouver sur pied le lendemain matin.
Lorsqu’alors revint mon docteur femelle, il fallait voir son enthousiasme, mêlé, il est vrai, d’étonnement ; à peine pouvait-elle croire à ce brillant succès de ses conjurations, et il est hors de doute qu’une cure aussi merveilleuse a dû contribuer beaucoup à augmenter sa réputation dans la contrée :
« Maintenant, mon cher, va, que Dieu t’accompagne, continue ta route, » me disait-elle en faisant disparaître dans sa poche l’argent si facilement gagné, mais n’oublie pas la vieille femme ! »
Rien de plus insupportable, à partir de Stavropol,
que de rencontrer sans cesse les innombrables ruisseaux
qui descendent des montagnes. Souvent taris,
ils sont presque toujours guéables en été. Mais ces
filets d’eau, qui ne sont alors qu’ennuyeux, se transforment
en torrents furieux, au printemps, par suite de
Petite fille cosaque.
la fonte des neiges, et en automne pendant les pluies.
Leurs eaux troubles et toutes noires de boue culbutent
et entraînent les mauvais ponts : il est réellement très-dangereux,
sinon tout à fait impossible, de les traverser.
Il est plus prudent d’attendre qu’un pont brisé soit
reconstruit, à moins que l’on ne tienne pas beaucoup
à sa vie et à ses bagages. J’ai vu, dans de semblables
circonstances, un soldat, conduisant un attelage de
bœufs, tenter bien malheureusement la traversée d’un
de ces torrents ; les bœufs s’en tirèrent par miracle,
mais la charrette et le soldat disparurent dans les flots,
On m’assura que de pareils accidents ne sont pas
rares pendant les mauvaises saisons, et je n’eus pas de
peine à le croire.
Il est tout naturel de se demander à qui la faute : peut-on accuser les ruisseaux sujets à des crues périodiques, et ne manquant jamais de renverser deux fois par an les mauvais ponts qu’on reconstruit au retour de l’été ? Ne doit-on pas plutôt s’en prendre aux autorités locales, qui, fidèles à la routine, se contentent de réparer à la légère les dégâts causés par les eaux, sans prendre soin d’établir des constructions qui offrent plus de résistance et de durée ?
Les relais sont établis dans les villages qui sont traversés par les grandes routes postales ; ils se trouvent ici dans les bourgades cosaques. Les distances qui les séparent varient de quinze à vingt-cinq verstes[2].
Le service des postes est affermé à des particuliers ; certains individus prennent à bail dix, vingt relais, et quelquefois plus. Ils sont la plupart fort peu scrupuleux.
Il n’est pas rare que l’on parcoure de nombreuses étapes presque au pas. Les chevaux meurent de faim. Les voitures sont vermoulues par le temps et usées par le service : elles se brisent à chaque instant. Par suite d’épizooties, ou bien encore de la cherté des fourrages, le voyageur se voit parfois dans la triste nécessité d’attendre des journées entières qu’il plaise au maître de poste de lui annoncer qu’il peut enfin mettre un attelage à sa disposition.
Pour un bon pourboire, le paysan de poste, le voiturier, ne craint pas de harasser son attelage à trois chevaux : il est à noter toutefois qu’il emploie rarement le fouet même pour la course la plus rapide.
J’ai souvent remarqué avec quelle habitude il savait exciter ses chevaux de la voix ou d’un simple geste pour les faire partir à fond de train. Chaque paysan trouve des paroles caressantes pour montrer à ses bêtes sa satisfaction, ou des reproches pour leur faire sentir son mécontentement ; elles sont habituées à le comprendre.
Cosaques au tir.
Lorsque la route est difficile, il les stimule sans cesse par des phrases seulement : mais je crois qu’on ne trouve guère cette douceur que chez les voituriers d’origine russe, car les Tartares, les Nogaïs et les autres indigènes, que j’ai eu l’occasion de voir à l’œuvre, se distinguaient au contraire par leur brutalité envers les animaux.
Toutefois, avec de bons chevaux, et si l’on ne regarde pas à la dépense, on peut, dans ces contrées, comme dans toute la Russie, voyager avec une rapidité vraiment prodigieuse.
Ainsi, en 1865, j’ai parcouru en huit jours une distance de plus de cinq cents lieues[3], de Tiflis à Saint-Pétersbourg, par une route abominable et des boues affreuses : je n’étais cependant ni un grand seigneur brûlant les relais pour fuir ou bercer son ennui, ni un riche négociant poursuivant une affaire ; je faisais le service de courrier (kourierskoïy nadobnosti).
Les courriers de la cour font ce même trajet en sept, six et quelquefois même cinq jours.
Course de Cosaques.
La première ville que l’on rencontre sur la route qui longe toujours les bourgades cosaques est celle de Géorgievsk. C’est un petit et vilain endroit, défendu par un misérable fort.
Après ma courte maladie et ma rencontre avec la magicienne, j’avais quitté pour quelques jours ma troïka et continué mon voyage dans une voiture de poste qui était venue à passer et qui allait de Stavropol à Tiffis. Si la poésie eut à souffrir de l’abandon que je fis de la légère troïka pour un lourd équipage plus moderne, mes reins y gagnèrent beaucoup, et mon âme ne fut plus exposée à quitter mon corps à chaque cahot que ne lui épargnaient guère les nombreux trous du chemin.
Entre Stavropol et Géorgievsk, la route passe au milieu des bourgs des Cosaques, qui paraissent être encore plus peuplés que ceux que j’avais traversés jusqu’alors, et qui ont aussi un aspect plus pittoresque. Dispersés sur les collines, ils offrent aux regards de longues rangées régulières de blanches maisonnettes, au milieu d’une luxuriante verdure.
Nous traversâmes ces bourgs sans accident jusqu’à la ville.
Quand je dis sans accident, j’en omets un assez caractéristique. Devant le perron d’une des stations, le iamschtik, ou voiturier, avait lancé ses chevaux avec une telle vitesse, qu’une téléga, dans laquelle se trouvait une famille de paysans, et qui cheminait devant nous, n’eut pas le temps de se ranger pour nous livrer passage ; il fallait donner contre eux, ou bien accrocher un poteau télégraphique posé près de là. Le iamschtik eut l’humanité de choisir ce dernier parti et heurta
Cosaque de la ligne.
fortement le poteau avec le timon de la voiture. À ce bruit accourut l’inspecteur de la station ; après avoir écouté l’explication du iamschtik, il lui dit d’un ton de reproche :
« Imbécile ! ne te rappelles-tu pas, la dernière fois que le télégraphe a été détérioré, combien de correspondances et de tracas nous avons eus à ce sujet ? Veux-tu les renouveler ? écrase-moi plutôt les gens, mais, pour Dieu, ne touche jamais à mon poteau ! »
Arrivés à Géorgievsk vers la nuit tombante, nous nous mîmes, tous les voyageurs ensemble, à la recherche d’un souper.
La seule auberge de la ville, située au coin de la place publique, était fermée de tous côtés, comme si elle avait eu à craindre un siége. Nous dûmes frapper longtemps à la porte cochère : des pas retentirent enfin sur l’escalier, et bientôt une voix se fit entendre à notre grande satisfaction, bien qu’elle fût de mauvaise humeur, et pleine de reproches à l’adresse des visiteurs nocturnes qui venaient si mal à propos troubler un doux sommeil. Nous réussîmes cependant à obtenir du thé et un souper à la grâce du bon Dieu.
Le lendemain nous devions repartir de bon matin, mais il y eut un retard à cause des chevaux. Malgré les murmures des voyageurs, il fallut attendre pendant une bonne partie de la journée. Quant à moi, je n’en fus pas trop mécontent, et j’en profitai pour flâner au milieu de la foule aux costumes bigarrés.
C’était un dimanche. Une grande animation régnait dans les places voisines de la station. On y voyait en abondance toutes sortes de marchandises, de comestibles, et surtout de fruits, quoique la saison fût peu avancée. Il était difficile de ne pas se laisser séduire par la vue attrayante de ces primeurs. Toutefois, je me souvins des prunes de Stavropol, de mes tortures, et de la magicienne : j’admirai, sans y toucher, ces montagnes de friandises.
Plus loin dans le bazar s’étalaient tous les attributs du ménage indigène, toutes les parties du costume : un vieux fusil, le pot en terre glaise, de vieilles bottes, une casquette de soldat, un bonnet de fourrure pour voyager en montagne, un petit poignard à lame solide, un bachlik, espèce de capuchon à longs bouts, que les montagnards et les Cosaques portent en temps de pluie, par-dessus leur bonnet, et qui me parut nécessaire pour mon prochain passage à travers la chaîne du Caucase : ce fut un des premiers objets caucasiens dont je fis emplette.
J’allai me promener ensuite, au hasard, à travers la ville. Des rangées de petites maisons, sans ombrages, construites rarement en pierres, le plus souvent en bois, composent quelques rues tortueuses, non pavées et pleines de poussière, coupées par de grands marchés ou simplement par d’immenses places nues. Des moutons et des veaux paissent paisiblement la mauvaise herbe qui croît dans les rues.
Sentinelle cosaque en faction.
À l’angle d’une de ces places se trouvent une église en bois et son cimetière, entourés d’une épaisse verdure.
Le dimanche toute la population libre est au bazar, les uns pour vendre, ou pour acheter, d’autres tout simplement pour apprendre les nouvelles et se livrer aux commérages si agréables, en tout pays, à ceux qui ne savent point penser. Le reste de la ville est parfaitement calme et tranquille : de temps à autre seulement, on voit passer un homme à cheval, une charrette remplie de pastèques, d’hommes et de femmes cosaques.
Je rencontrai un convoi de prisonniers montagnards, enchaînés deux par deux et marchant au milieu de soldats armés de baïonnettes ; ils allaient au bazar faire des provisions. Le bruit sourd de leurs lourdes chaînes résonnait désagréablement à l’oreille et rappelait le rôle assez important qu’avait joué Géorgievsk, en défendant les environs contre les invasions des montagnards voisins.
Lorsque le temps est beau et le ciel pur, c’est de cette ville qu’on aperçoit, pour la première fois, les cimes neigeuses de la principale chaîne du Caucase.
Le spectacle est vraiment magique : on voit s’étendre dans le lointain d’un horizon sans bornes ces géants à la tête toute blanche et brillante sous les chauds rayons d’un soleil du Midi. J’avais de la peine à croire que ce que j’apercevais au loin était véritablement une ligne de masses colossales de rochers, de glace et de neige, et non pas des nuages amoncelés par un orage au point où s’arrêtait ma vue
En sortant de Géorgievsk, on rencontre deux routes : l’une d’elles mène à Piatigorsk, à Kisslovodsk et à plusieurs autres endroits renommés dans les annales de la médecine pour leurs eaux minérales, qui sont ferrugineuses et sulfureuses, et dont la vertu salutaire est bien reconnue.
Cosaque.
Lorsqu’on a suivi pendant quelque temps cette direction, un majestueux panorama se déroule à l’horizon. C’est une série de montagnes qui se succèdent et s’élèvent graduellement avec des aspects saisissants et variés ; au plus loin, sur la droite, la cime altière de l’Elbrouss, couverte de neiges éternelles[4], et de l’autre côté les sommets du Kasbek à demi voilés par les nuages. Devant nous se dressaient trois montagnes isolées, dont l’une, le Maschouk, domine Piatigorsk de toute sa masse. La montagne et la ville ont été célébrées par un poëte bien connu, Lermontoff : c’est là qu’il place l’action de ses étranges et excentriques héros et héroïnes.
La ville n’offre rien de bien intéressant ni de saillant, mais, pour ne pas être taxé de paresse, je veux en décrire au moins l’aspect général.
À l’entrée de la ville, la route contourne un rocher escarpé qui domine un petit ruisseau. C’est là que commencent les faubourgs, composés de quelques maisonnettes cosaques, parallèles et régulières, propres, blanches, commodes à l’intérieur. Je trouvai, dans une de ces maisons, un logement et une table frugale et saine, le tout à prix modéré, surtout tenant compte des délicieux varénikis, dont me régalait souvent ma bonne vieille Cosaque. À ce propos je dirai, pour ceux qui ne connaissent pas les varénikis, que ce mets est très en usage en Russie, principalement dans le sud. Chez les Petits-Russiens on le prépare avec de la pâte et du lait caillé, et on le fait cuire dans l’eau avec certains ingrédients.
Si le hasard, cher lecteur, vous transporte un jour à Piatigorsk, et si, voyageur économe, vous voulez éviter les douceurs coûteuses de la vie de table d’hôte, je vous conseille d’établir comme moi votre quartier dans une aux varénikis accommodés à la mode caucasienne.
À l’entrée de la ville, la rue principale se prolonge à droite un peu dans la montagne, vers les sources : c’est là que se trouvent les constructions modernes et que l’on rencontre la population passagère. À gauche, la route, au pied de la montagne, se termine par une grande place, où s’établissent les bazars les jours de fêtes ou de foires.
En suivant la première rue, on voit, sur la droite, des boutiques où les Arméniens jouent avec succès, par tout le Caucase, et même au delà, le rôle des juifs de la Russie occidentale : ils font trafic de toutes les sortes de productions provenant des fabriques de Moscou. Du côté opposé est bâtie l’église de Piatigorsk, qui ressemble moins à un temple chrétien qu’à un établissement de ville de bains.
Tout auprès est un club avec toutes les jouissances de la vie d’hôtel, les salles de jeu, de conversation, etc.
Les bains d’Ermolov (ainsi nommés en l’honneur du général russe), et l’établissement thermal des sources d’Elénine, sont remarquables par leur position pittoresque. Ce dernier surtout, avec ses longues allées et ses rampes d’escaliers aux flancs d’une haute montagne, fait l’effet d’un décor magique d’opéra. Des sources d’Elénine, je montai souvent, par des sentiers étroits, à un petit pavillon rond d’où l’on jouissait
Telega russe.
d’un point de vue merveilleux. Sur un espace immense, derrière la ville, des bourgades de Cosaques et des colonies de Tatars étaient disséminées dans des forêts de verdure. Non loin de la ville, on va visiter un endroit curieux, nommé le Trou, dont le nom indique la nature. Un écroulement a formé une caverne qui n’a d’issue qu’à l’extrémité supérieure : on y pénètre cependant par une ouverture pratiquée dans la montagne.
Cette caverne représente une espèce de cône brisé de plusieurs mètres d’élévation et de cinq ou six mètres de surface à la base. Les sources sulfureuses, dont l’une est chaude, ont creusé autour des parois de larges trous remplis d’une eau d’un bleu verdâtre très-tranché. L’impression qu’on éprouve, à la vue de cette ouverture étroite et profonde, est loin d’être agréable, et le vertige est bien près de vous saisir, si vous voulez y plonger les regards. Je revins souvent admirer ce caprice étonnant de la nature, mais je n’eus pas l’idée d’en faire le croquis, et aujourd’hui j’en ai regret.
La montagne de Maschouk abonde en eaux minérales. Les eaux sulfureuses de Piatigorsk principalement ont une grande réputation médicale, méritée, il faut le croire. Dans les environs on trouve des sources ferrugineuses, celles de Gelesnovodsk, de Kislovodsk, et autres, où les esculapes russes envoient chaque année un grand nombre de pèlerins.
Avant de m’éloigner de Piatigorsk, dont les environs m’avaient ravi, j’eus une chance précieuse pour un artiste : il me fut permis d’enrichir mon album d’un portrait que je recommande à mes lecteurs : c’est celui de l’armurier de Schkhaou (voy. p. 196). J’avais été frappé de la physionomie de ce montagnard aux traits nettement accusés : on peut le considérer comme un type très-caractéristique de sa race. Il était originaire du Daghestan, province limitrophe du Caucase.
Je continuai ma route vers le Caucase, lorsque je tombai tout à coup au milieu d’une bande de Tsiganes (Bohémiens), qui changeaient de résidence. Leurs charrettes attelées de plusieurs chevaux, leurs bagages de toute sorte, — effets de tente et d’habillement, ustensiles de ménage et autres, — entassés pêle-mêle à une hauteur de trois mètres et plus, les faces ébouriffées des femmes et des enfants apparaissant au-dessus de ces montagnes mobiles, formaient un tableau curieux et étrange.
Les hommes étaient à pied, d’autres à cheval, formant escorte aux voitures. Quelquefois un long convoi se déroulait en soulevant une épaisse poussière, et remplissait l’air de sons discordants, de cris et de jurons abominables. C’était, à tout prendre, une procession lamentable, triste à voir.
Le camp volant des Bohémiens se nomme tabor. Ils l’établissent de préférence à l’entrée des villes ou des grands villages où ils trouvent plus facilement à s’employer à différents travaux. Ils sont forgerons, charpentiers, ou exercent de petites industries. Leur principale profession cependant est la mendicité combinée avec le vol. Mais ils savent avoir recours à d’autres moyens d’existence, suivant les lieux, le temps et l’occasion.
Les femmes jouissent d’un privilége qui ne leur a jamais été refusé : elles sont diseuses de bonne aventure, charmeuses et sorcières. D’où vient la confiance qu’elles inspirent sous ce rapport au petit peuple ? on ne saurait le dire. Il est à présumer qu’on peut l’attribuer principalement à leur physionomie étrange et à leurs costumes excentriques. Outre ces talents douteux, elles rivalisent avec les hommes dans l’art de s’approprier le bien d’autrui.
Aussi, ces gens sont-ils très-peu tolérés et ne leur permet-on pas, sans beaucoup de difficultés, de s’établir à demeure fixe dans les villes et les villages. Partout où ils s’arrêtent, les rapts et les vols se multiplient rapidement, et l’on finit toujours par les expulser, sans recourir à la moindre formalité.
Le ménage d’un Bohémien est tout à fait en rapport avec sa vie nomade et surtout vagabonde. Une charrette démontée, adossée à des pieux et recouverte d’une toile usée et pleine de trous, ou d’un feutre tombant en guenilles, ou de toute autre étoffe, voilà son unique abri.
L’intérieur d’une pareille tente est, on le conçoit, hideux à voir : c’est la misère dans la boue ; on peut à peine s’y mouvoir.
Un petit chaudron en fonte sert à préparer la nourriture : mis sens dessus dessous, on l’offre au visiteur en guise de siége, c’est une marque de respect. Le reste est à l’avenant : un seau d’eau, quelques ustensiles en mauvais état, des outils brisés, des paquets de haillons, composent toute la richesse d’une famille.
Dehors, au grand air, sont disposés le plus souvent un soufflet, une enclume, des tenailles et d’autres instruments de forge.
Rien de national dans le costume : les vêtements ne sont qu’un assemblage de pièces les plus disparates, et par la coupe, et par les couleurs. En voyant un Bohémien, on peut dire à coup sûr de quel pays il arrive. Ainsi, je ne craindrais point d’affirmer que ceux que j’ai croqués revenaient de Crimée, à en juger par certains ajustements qu’ils portaient et qui sont en usage dans cette contrée.
Leur tabor avait été établi non loin de la bourgade, et cela me détermina à retarder mon départ de quelques jours de plus. Les pièces de dix kopecks que je donnais par séance à qui voulait poser, furent un attrait irrésistible. Petits et grands offraient à l’envi leurs faces pour être copiées sur la carte.
Un événement assez bizarre fut la cause d’une rupture entre eux et moi, et mit un terme à mes études. Un jour tout ce monde me reçut avec des reproches très durs, accompagnés même d’invectives. Il se trouva que la main d’un des Bohémiens dont Javais fait le croquis était devenue malade sans aucune cause apparente, et, comme il en fallait une quand même, on décida que le mal avait été inoculé par celui qui faisait les portraits :
« Retire-toi, criaient-ils en me voyant, tu es un chaïytane, tu nous frappes de maladies. »
Mes dessins ont, en général, donné lieu à beaucoup de petites scènes assez curieuses.
Une chose qu’il faut d’abord noter, c’est que le modèle
ne comprend nullement à quel propos et dans quel
but on le fait asseoir, ni ce qu’on veut faire de lui :
c’est seulement le désir de gagner le salaire qu’on lui
a promis qui d’abord le retient en place ; puis, quand
il commence à voir ses traits se reproduire sur le papier,
il s’étonne, et, selon son caractère, il se met à
rire comme un enfant, ou, s’il est soupçonneux, à s’esquiver
Bohémiens.
sans mot dire. Dans ce dernier cas, aucune
promesse de pourboire ne pourrait l’arrêter, il reste
persuadé qu’on veut porter atteinte à son bonheur, non seulement
dans ce monde, mais encore dans l’autre.
Les modèles les plus dociles sont les mendiants, dont j’eus l’occasion de prendre quelques types. Avant la séance ils débattent le prix, qu’ils fixent raisonnablement. « Si, par exemple, disent-ils, tu me laisses assis une heure ou deux, et que tu ne me donnes que tant, je ne veux point rester, car j’aurai plus de bénéfice à employer ce temps à mendier. » Ce raisonnement ne pèche ni par la concision, ni par la logique.
Du reste, les employés de l’administration russe ne sont pas plus intelligents. Il m’est arrivé, pendant qu’on changeait les chevaux, d’entrer dans une simple cabane de paysans, la maison de poste ayant été brûlée. Pour occuper mes loisirs, en attendant le départ, je prends mon album de voyage et me mets à esquisser la cabane, dans le désordre où elle se trouvait, avec toutes sortes de décombres, les enfants, les animaux, poules et coqs, et le reste, formant un ensemble d’un aspect lamentable.
Le préposé de la poste entre tout à coup dans la cabane, voit mon travail et me demande ce que je fais :
« Tu le vois bien, je copie la maisonnette.
— Et à quoi cela vous sert-il, monsieur ?
— Mais, simplement comme souvenir.
— Alors, permettez qu’on mette un peu d’ordre ; voyez comme les objets sont entassés les uns sur les autres.
— Non, non, ne touche à rien, je te prie, je veux esquisser tout cela tel quel. »
Le paysan sortit, et rentra bientôt avec l’inspecteur qui, à son tour, se mit à me questionner :
« Que faites-vous là, monsieur ?
— Comme vous le voyez, je dessine cette maisonnette.
— Permettez-moi de vous demander pourquoi.
— Mais, mon Dieu ! pour rien, pour me distraire ; je la mets sur mon album comme simple souvenir.
— Permettez, soyez assez bon pour n’en rien faire.
— Pourquoi donc ?
— Veuillez remarquer que cette cabane ne sert aux voyageurs que momentanément ; la station sera bientôt reconstruite.
Bohémien de Mozdock.
— Mais je vous assure qu’il m’importe peu que votre station soit construite ou non ; c’est comme passe-temps que je dessine.
— Soyez bon alors, n’écrivez pas ; ce désordre que vous remarquez n’est que fortuit, la construction de la nouvelle station…
— Que le diable vous emporte ! »
Et, pour me débarrasser d’eux, je fermai mon album, et je vis en même temps que les chevaux étaient prêts. En route, le iamschtick me donna la clef du mystère : ils m’avaient pris pour un inspecteur des stations voyageant incognito.
Qu’est-ce que les Bohémiens ? D’où sortent-ils ? Bien d’autres que moi n’ont pu le dire, et je ne me charge point de jeter la lumière sur des questions restées obscures pour les savants. Le fait est qu’on les trouve répandus dans la plus grande partie de l’Europe et de l’Asie. En tout cas il faut remarquer que leur physionomie offre un type tout à fait exceptionnel, qui les
leurs traits ont beaucoup de ressemblance avec ceux des races méridionales.
La ville de Vladicavcaz est située à cent cinquante verstes de Géorgievsk, au pied même de la chaîne principale du Caucase. Elle est assez bien fortifiée. Son nom signifie, presque mot à mot, maître, seigneur, dominateur du Caucase. Elle commande l’entrée nord d’un défilé, unique passage dans ces montagnes, et c’est ce qui explique la dénomination qu’on lui a donnée. Elle est construite sur le Térek, fleuve qui prend sa source dans les gorges du Darial, coule d’abord vers le nord ouest, puis tourne vers l’est, à la hauteur de Mozdock, pour aller se jeter dans la mer Caspienne.
L’aspect des bâtiments de la ville n’offre rien de pittoresque. C’est presque la répétition de tout ce que l’on voit dans les cités de bailliage en Russie. Des boutiques, avec leurs étalages, bordent la grande route. Au milieu se trouve une place entourée d’édifices affectés aux tribunaux, aux relais de poste et aux hôtels. Je n’y ai remarqué aucune trace d’industrie.
Bohémiens
Je ne dois pas oublier une recommandation pour le voyageur qui arrive à Vladicavcaz : il ne doit pas oublier de se munir d’une bourka lesghienne. C’est une espèce d’ample balandran, ou, pour mieux dire, de manteau fabriqué de laine de mouton, dont on fait usage dans toutes les contrées du Caucase et du Transcaucase. Ce vêtement, fort précieux par les services qu’il rend, s’importe ici de la montagne : il est renommé pour sa légèreté, son tissu serré et son poil fort court. La bourka lesghienne est préférée à celle du Daghestan, qui est lourde et dont le poil, plus long, retombe sur la partie extérieure. Elle est ici d’un usage général, ainsi que les immenses bonnets de fourrure ce qui donne aux habitants un air d’indigènes tout à fait intéressant.
Le relais de poste suivant, en allant à Tiflis, est établi dans le défilé même. Mais avant de nous engager dans celui-ci je ne puis me dispenser de vous faire faire connaissance avec les Cabardins, peuplade de la race des montagnards caucasiens, qui occupe, près de Vladicavcaz, à l’ouest, les premiers gradins de la chaîne principale.
Autant que j’ai pu l’observer, tous les montagnards que j’ai rencontrés dans le Caucase m’ont paru avoir une certaine ressemblance, bien que portant des noms différents. Leurs costumes, leurs physionomies, leur manière de vivre, leur foi religieuse, sont à peu près les mêmes. Ainsi, ce que j’ai à raconter sur les Cabardins peut le plus souvent convenir aux autres Caucasiens établis dans ces parages : cette digression à propos d’une seule peuplade a donc l’avantage de m’épargner des redites.
Commençons par résumer, en auditeur fidèle ? les traditions, vraies ou fausses, répandues dans le pays, sur l’origine et la formation du peuple cabardin :
« Les princes de la Cabarda et le peuple lui-même
sont originaires d’Égypte. Ils quittèrent en masse cette
contrée, et se colonisèrent en Crimée sur le ruisseau
Cabarda, qui leur a donné son nom. Ils émigrèrent une
seconde fois, passèrent la mer, et suivirent les rives
Bohémienne.
du fleuve Coubagne : arrivés à sa source, la plupart
d’entre eux s’y fixèrent définitivement. Quelques-uns
s’établirent au delà du Coubagne ; enfin, d’autres, en
plus grand nombre, plantèrent leurs tentes dans la
contrée où se trouvent aujourd’hui la grande et la petite
Cabarda. Plusieurs de leurs
princes, et leur chef souverain,
se convertirent au christianisme
qu’ils avaient appris à connaître
chez les Grecs, lorsqu’ils
habitaient la Crimée, et, en
partie, les bords du Coubagne.
Le peuple cabardin était réputé
le plus puissant dans les montagnes
du Caucase, et toutes les
peuplades voisines lui payaient
tribut.
« Il était formé de diverses classes sociales : il y avait des cultivateur son esclaves, et des nobles de quatre espèces ou degrés, en y comprenant les princes.
Au-dessus de ces classes était le Valiy, c’est-à-dire le prince des princes, qui gouvernait le peuple : son pouvoir était héréditaire.
« Le mécontentement contre le gouvernement russe suscita des émigrations fréquentes au delà du Coubagne. Non-seulement des familles, mais encore des communes entières, quittaient le sol natal, et se fixaient chez les peuplades insoumises. Une des principales causes de l’émigration fut l’abrogation du droit de juger les différends intérieurs d’après la loi du Chariate, qui fut remplacée par la justice vénale des commissaires militaires. Ce qui mit le comble au mécontentement, ce fut la défense du pèlerinage de La Mecque.
« Une peste qui se déclara au commencement de notre siècle, et qui sévit pendant quatorze années successives, détruisit plus de la moitié de la population. Le général Yermoloff acheva les restes en 1822. Il mit à feu et à sac toute la Cabarda, dont les habitants furent en grande partie dispersés. De nos jours, leur nombre ne va pas au delà de dix mille : leur influence sur les tribus voisines est perdue à jamais. »
Je donne tous ces détails tels qu’ils m’ont été transmis par plusieurs habitants.
Les relations des Cabardins avec la Russie datent de
loin. Ils ont reconnu la souveraineté des tzars russes
sur leur pays sous Jean le Terrible, lors de sa campagne
d’Astrakhan. Cette sujétion cependant, presque volontaire,
était plus apparente
que réelle. Le véritable asservissement
ne remonte pas au
delà du dernier siècle. La masse
de la population et ses princes
se montrèrent depuis plus
fidèles au trône de toutes les
Russies que les autres montagnards.
Les soulèvements à
main armée furent rares. Néanmoins,
Bohémiens.
ce peuple soumis en
apparence a toujours montré
peu de confiance en ses nouveaux
dominateurs, et ses dispositions
sont les mêmes à notre
époque.
Ainsi que nous l’avons dit, la population se divise en deux classes distinctes, les nobles et les cultivateurs ou esclaves. Il existe entre ces castes une ligne de démarcation qui frappe tout d’abord les yeux : l’extérieur et les manières font sentir la différence aussi aisément que le costume lui-même.
Un jeune noble ou fils de prince, dès l’âge le plus tendre, est habitué à manier les chevaux et les armes ; il est élevé dans le mépris de toute autre occupation. Il sait qu’il n’acquerra l’influence sur les siens et qu’il ne gagnera leur estime qu’en donnant des preuves de courage et de bravoure, d’audace et de fierté. Mais le vaste champ dans lequel ses aïeux trouvaient la gloire n’existe plus depuis la pacification de cette contrée. Jadis les excursions et les courses en pays ennemi étaient une école toute naturelle pour le jeune homme, et il ne faut pas oublier qu’à la différence de ce qui se passe dans la plupart des peuplades guerrières de l’Asie occidentale, ces invasions n’avaient pas pour but principal le pillage, mais plutôt le désir de faire preuve de courage et de briller.
Un observateur tant soit peu habitué à étudier d’un coup d’œil tout ce qui l’entoure reconnaît, sans hésiter, un noble Cabardin à une sorte de grâce naturelle. Le paysan se caractérise, au contraire, par sa lourdeur, qui contraste avec la désinvolture aisée du guerrier.
Au reste, le cultivateur n’envie pas la distinction de la classe supérieure. Il estime beaucoup plus le gros bon sens et la force musculaire de ses semblables que la finesse et l’audace des nobles.
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L’autorité du prince et du noble était jadis illimitée, chaque noble disposait de son esclave comme il l’entendait, et celui-ci, courbé sous le joug despotique d’une puissance sans borne, obéissait servilement et fidèlement. Son dévouement ne connaissait aucune limite, et jamais il ne permettait à l’étranger de mal parler de son seigneur. C’était, en un mot, l’attachement du chien pour son maître. Depuis l’émancipation générale des serfs dans toute la Russie les rapports ne sont plus les mêmes entre l’homme possesseur et l’homme possédé.
(La suite à la prochaine livraison.)
- ↑ Suite. — Voy. p. 161.
- ↑ Une verste équivaut à un kilomètre environ.
- ↑ Deux mille verstes.
- ↑ L’Elbrouss (ou mieux El-Brouz), auquel un voyageur allemand n’accordait au commencement de ce siècle que cinq mille quatre cents pieds de hauteur, élève jusqu’à cinq mille six cents mètres son sommet trachitique couronné d’un cratère aujourd’hui plein d’eau. C’est le point culminant de toute la section de la sphère terrestre, comprise entre le méridien des monts Bolors et l’Atlantique, entre l’équateur et le pôle nord. — Le Kasbek, seconde cime du Caucase, a six cents mètres de moins. (Rédaction.)