Voyage de Marco Polo/Livre 2/Chapitre 39

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Voyage de Marco Polo, Texte établi par Eugène MüllerDelagrave (p. 239-240).
XXXIX
De la ville de Caraiam.


Après avoir traversé la rivière de Brius, on vient à la province de Caraiam (dans le Yu-Nan), qui contient sept royaumes ; elle est sujette au Grand Khan, dont un fils nommé Esentemur était gouverneur de mon temps. Les habitants sont idolâtres ; le pays nourrit de très bons chevaux. Ils ont une langue particulière et difficile, La ville capitale s’appelle Jaci (Li-Kian-fou), qui est une ville considérable où l’on fait beaucoup de trafic ; il y a quelques chrétiens nestoriens et plusieurs mahométans. Ils ont du blé et du riz en abondance, quoiqu’ils ne fassent pas leur pain du blé, parce qu’ils ne sauraient le digérer à cause de la faiblesse de leur estomac, mais ils font leur pain de riz. Ils font aussi de plusieurs sortes de grains leur boisson, qui les enivre plus facilement que le vin ne pourrait faire. Ils se servent pour monnaie de certaines coquilles d’or et blanches, que l’on trouve dans la mer[1]. On tire en cette ville beaucoup de sel de l’eau des puits, dont le roi obtient un grand profit. Il y a aussi un lac fort poissonneux, qui a bien cent milles de circonférence. Les hommes mangent la chair crue, mais préparée comme nous allons dire : premièrement ils la mortifient, et ensuite ils y mettent d’odoriférantes et excellentes huiles de diverses espèces très bonnes, et après cela ils la mangent.

  1. Les coquilles dites porcelaines. (P.)