Woodstock/Chapitre XXIX

La bibliothèque libre.
Woodstock, ou Le Cavalier, Histoire de l’année 1651
Traduction par Albert Montémont.
Ménard (Œuvres de Walter Scott, volume 8p. 366-381).


CHAPITRE XXIX.

FANATIQUE ET DÉBAUCHÉ.


Coquin, laisse là ces gestes incivils et grossiers.
Shakspeare. Les deux gentilshommes de Vérone.


Il est temps de mettre en scène maintenant les autres acteurs de notre drame, les principaux personnages ayant depuis quelques instants attiré sur eux toute notre attention. Nous informerons donc le lecteur que les douloureux regrets des commissaires qui avaient été chassés de leur cher paradis de Woodstock, non par un chérubin, mais, à ce qu’ils croyaient, par des esprits d’un autre ordre, les retenaient toujours dans le voisinage. Ils avaient à la vérité quitté le village sous prétexte que l’habitation en était désagréable ; mais le motif plus probable de leur départ, c’est le ressentiment qu’ils avaient conçu contre Éverard. Ils le regardaient comme la cause de leur désappointement, et n’avaient point envie de rester dans un lieu où il serait à même de surveiller leurs démarches. Cependant ils se séparèrent de lui avec toutes les apparences de la plus parfaite considération. Ils n’allèrent pas plus loin qu’Oxford, où ils s’arrêtèrent, comme des corbeaux accoutumés à voir la chasse se perchent à quelque distance sur un arbre ou un rocher, où ils attendent la curée du daim, sachant bien qu’ils en auront leur part. Pendant ce temps-là, l’université et la cité, mais surtout la première, leur fournissaient les moyens d’employer à leur avantage leurs talents jusqu’au moment où, comme ils l’espéraient, ils seraient appelés à Windsor, à moins que Woodstock ne fût de nouveau abandonné à leur discrétion.

Bletson, pour passer le temps, tourmentait la conscience des théologiens et des écoliers recommandables par leur piété et leur savoir, toutes les fois qu’il pouvait introduire dans leur société son odieuse personne. Il les poursuivait de ses sophismes, de ses raisonnements d’athée, et les défiait de combattre les thèses les plus scandaleuses. Desborough, l’un des hommes les plus grossiers et les plus ignorants de l’époque, s’était fait nommer chef d’un collège ; et, sans perdre de temps, il en abattait les arbres et en pillait la vaisselle. Quant à Harrison, il prêchait dans l’église de Saint-Maril, en grand uniforme, portant son justaucorps de buffle, ses bottes et ses éperons, comme s’il allait se mettre en campagne pour combattre Armagedde. Il était difficile de dire si ce chef lieu du savoir, de la religion et de la royauté, comme Clarendon l’appelle, se trouvait plus malheureux des rapines de Desborough, du froid scepticisme de Bletson, ou de l’enthousiasme fanatique du champion de la cinquième monarchie.

De temps à autre des soldats, sous prétexte de relever la garde, ou tout autre motif, allaient et venaient de Woodstock à Oxford, et entretenaient, comme on le croira aisément, une correspondance avec le fidèle Tomkins. Celui-ci, quoique résidant principalement dans la ville de Woodstock, visitait assez fréquemment la Loge, et sans doute c’était par lui qu’on était instruit de tout ce qui s’y passait.

Dans le fait, ce Tomkins paraissait avoir, par des voies secrètes, gagné la confiance, sinon de toutes, au moins de la plupart des personnes engagées dans ces intrigues. Tous le prenaient à part, tous avaient avec lui des entretiens particuliers ; ceux qui étaient riches lui faisaient des présents, les autres ne lui épargnaient pas les promesses. Quand il paraissait à Woodstock, ce qui semblait toujours l’effet du hasard, s’il traversait le vestibule, le chevalier ne manquait pas de lui proposer de prendre les fleurets ; il lui arrivait toujours, après un combat plus ou moins long, d’être victorieux. Aussi, en considération de tant de triomphes, le bon sir Henri lui avait pardonné ses péchés de rébellion et de puritanisme. Si ses pas lents et mesurés se faisaient entendre dans les corridors voisins de la galerie, le docteur Rochecliffe, quoique ne le laissant jamais pénétrer dans son cabinet particulier, s’empressait d’aller trouver maître Tomkins dans quelque appartement intermédiaire, et là il s’engageait entre eux de longues conversations qui paraissaient les intéresser vivement tous deux.

L’indépendant était aussi bien accueilli au rez-de-chaussée que dans les étages supérieurs. Jocelin lui témoignait la plus franche cordialité ; le pâté et la bouteille étaient mis sur-le-champ en réquisition, et la bonne chère était leur mot d’ordre. Sur ce dernier point on peut faire observer que le château de Woodstock était abondamment pourvu depuis le retour du docteur Rochecliffe, qui, en sa qualité d’agent d’un grand nombre de royalistes, avait à sa disposition des sommes assez considérables. Il est probable que fidèle Tomkins avait aussi quelque part à ces fonds secrets.

Quand il s’abandonnait à ce qu’il appelait une fragilité charnelle (pour laquelle, disait-il, il avait obtenu une dispense), qui n’était après tout qu’un goût très prononcé pour les liqueurs fortes, sa langue, ordinairement d’une réserve et d’une chasteté remarquables, devenait aussi animée que licencieuse. Quelquefois il parlait avec l’onction d’un vieux débauché, de ses anciens exploits, tels que le vol d’un daim dans la forêt, le pillage d’un verger, des folies d’ivrognes, des batteries à mort auxquelles il avait pris part dans sa jeunesse. Il chantait des chansons bachiques et amoureuses, et racontait quelquefois des aventures qui chassaient Phœbé May-Flower de sa chambre, et qui produisaient même un tel effet sur dame Jellicot, malgré sa surdité, que la pauvre vieille était réduite à quitter l’office où Tomkins racontait tous ces récits scandaleux.

Au milieu de ces discours extravagants, Tomkins deux ou trois fois s’était interrompu tout-à-coup pour entamer des conversations religieuses. Il parlait mystérieusement, mais d’un ton animé et avec une éloquence entraînante, des bienheureux saints, qui, disait-il, étaient réellement saints, des hommes qui avaient pris d’assaut le fort où était déposé le trésor céleste, et s’étaient emparés de ses joyaux les plus précieux. Il parlait de toutes les autres sectes avec le plus profond mépris ; suivant lui, elles se querellaient comme des pourceaux autour d’une auge pour des glands et des cosses de pois. Par ces termes insultants, il voulait sans doute désigner les rites et les cérémonies ordinaires du culte public, la discipline religieuse des diverses Églises chrétiennes, les règles ou même les défenses imposées aux chrétiens de ces différentes sectes. L’écoutant rarement, et ne le comprenant jamais, Jocelin, à qui s’adressaient souvent de pareils discours, s’efforçait ordinairement de le rappeler à sa gaîté grossière ou au souvenir de ses débordements d’avant les guerres civiles, ne tenant aucun compte, et ne voulant pas faire l’examen des opinions de ce saint de nouvelle mode, mais ne songeant qu’à la protection que sa présence assurait à Woodstock. D’ailleurs, il était bien persuadé de la pureté des intentions d’un homme à qui l’ale et l’eau-de-vie, quand on ne lui donnait rien de meilleur, semblaient les principaux objets de la vie, et qui buvait à la santé du roi ou de tout autre, pourvu que son verre fût toujours rempli jusqu’au bord. Ces doctrines particulières, qui étaient observées par une secte appelée quelquefois la Famille de l’amour[1], mais plus communément les Ranters, s’étaient propagées, à une époque où des opinions religieuses si diverses s’étaient répandues ; et ces hommes avaient poussé ces hérésies discordantes entre elles jusqu’aux dernières limites de l’impiété et du délire. Le secret avait été recommandé à ces disciples extravagants d’une doctrine blasphématoire, pour éviter les dangers qu’elles eussent attirés sur eux s’ils les eussent publiquement avouées. M. Tomkins avait grand soin de cacher la liberté spirituelle dont il prétendait avoir acquis le privilège, à tous ceux dont il avait à craindre le ressentiment s’il eût été moins prudent ; rien n’était plus facile, car leur profession de foi leur permettait, leur enjoignait même de se conformer extérieurement à toutes les sectes ou doctrines religieuses qui pouvaient être les plus influentes.

Aussi Tomkins avait-il toujours su se faire passer aux yeux du docteur Rochecliffe pour un zélé membre de l’Église d’Angleterre, et en servant sous les bannières de l’ennemi, comme un espion dans son camp ; et parce qu’en différentes circonstances il avait donné au docteur des renseignements véridiques et utiles, cet actif intrigant croyait sans peine ses protestations. Néanmoins, de peur que la présence accidentelle de cet homme à la Loge, dont il était peut-être impossible de lui fermer la porte sans exciter de soupçon, ne mît en danger la personne du roi, Rochecliffe, malgré toute sa confiance en Tomkins, avait recommandé au roi de faire son possible pour se soustraire à ses regards ; et si par hasard il en était aperçu, de se comporter comme devait le faire Louis Kerneguy : Joseph Tomkins, disait-il, et il le croyait fermement, était l’honnête Joë ; mais l’honnêteté est un cheval à qui l’on donne quelquefois un trop lourd fardeau à porter, et d’ailleurs pourquoi chercher à tenter son voisin ?

Il semblait que Tomkins se fût résigné aux bornes que l’on mettait à la confiance qu’on lui témoignait, ou qu’il voulût paraître plus aveugle qu’il ne l’était réellement sur la présence de cet étranger dans la famille. Jocelin, qui ne manquait pas de pénétration, avait remarqué qu’une ou deux fois Tomkins ayant, par un hasard inévitable, rencontré Kerneguy, avait fait moins d’attention à lui qu’on ne devait s’y attendre, d’après le caractère de Tomkins, homme de son naturel observateur et curieux. « Il ne m’a pas questionné sur ce jeune étranger, dit Jocelin ; fasse le ciel qu’il ne sache pas qui il est, ou même qu’il ne le soupçonne pas ! » Mais ces craintes furent dissipées quand, causant ensemble peu de temps après, Tomkins parla de l’embarquement du roi à Bristol, comme d’une chose indubitable ; nomma le vaisseau sur lequel il était parti ; le capitaine qui le commandait. Ses manières le faisaient croire si bien convaincu de la vérité de ces nouvelles, que Jocelin jugea impossible qu’il eût le moindre soupçon de la réalité.

Malgré cette persuasion et la bonne intelligence qui s’était établie entre eux, le fidèle garde-chasse résolut de veiller de près sur son ami Tomkins, et de donner l’alarme si l’occasion l’exigeait. Au fait, il croyait pouvoir considérer son dit ami, malgré son ivrognerie et son fanatisme, comme un homme honnête et loyal, et était sous ce rapport de l’avis du docteur Rochecliffe ; mais après tout, il le regardait comme un aventurier dont le manteau était doublé et bordé de deux couleurs différentes, et il pensait que l’appât d’une forte récompense, ainsi que le pardon de certaines peccadilles d’autrefois, pourraient l’engager à retourner encore une fois son habit. Toutes ces considérations étaient plus que suffisantes pour que Jocelin épiât attentivement toutes les démarches de Fidèle Tomkins.

Nous avons dit que le discret sénéchal était toujours bien accueilli à Woodstock, soit à la Loge, soit dans le village, et que Jocelin Joliffe prenait soin de déguiser, sous les démonstrations de l’hospitalité la plus cordiale, les soupçons dont il ne pouvait se défaire. Mais deux individus, pour des raisons bien différentes, conservaient une aversion personnelle contre un homme si généralement bien accueilli.

Le premier était Néhémiah Holdenough, qui ne pouvait lui pardonner la manière brutale dont il l’avait chassé de sa chaire, et qui en particulier parlait de lui comme d’un missionnaire de mensonge en qui Satan avait placé un esprit séducteur ; et en outre il avait prêché un sermon solennel sur les faux prophètes de la bouche desquels, disait-il, il sortait des grenouilles. Le discours eut le plus grand succès auprès du maire et d’autres personnes de distinction, qui trouvèrent que leur ministre avait porté un coup mortel sur la racine même de l’indépendantisme. D’un autre côté, ceux de ce dernier parti soutenaient que Joseph Tomkins avait fait une réplique irrésistible et triomphante, le soir du même jour, dans une exhortation où il avait démontré à un grand nombre d’artisans que le passage de Jérémie : « Les prophètes prophétisent faussement, et les prêtres gouvernent par leur moyen, » était entièrement applicable au système presbytérien, en ce qui concernait le gouvernement de l’Église. Le ministre adressa une relation de la conduite de son adversaire au révérend maître Édward, pour qu’il le signalât, dans la prochaine édition de la Gangrène, comme un hérétique pestilentiel. Tomkins, de son côté, recommanda le théologien à son maître Desborough, comme un homme à qui on pouvait imposer une bonne amende pour avoir persécuté la secte des indépendants, l’assurant en même temps que bien que le ministre parût pauvre, cependant si l’on laissait loger quelques soldats chez lui jusqu’à ce que l’amende fût intégralement acquittée, les femmes de tous les riches boutiquiers du village voleraient leurs maris pour qu’on leur rendît leur Mammon d’iniquité et pour tirer leur pasteur de souffrance ; pensant comme Laban, disait-il : « vous m’avez pris mes dieux, que me reste-t-il ? » Il existait, comme on peut le voir, peu de cordialité entre les deux antagonistes en polémique.

Mais Joseph Tomkins était plus affligé de la mauvaise opinion que paraissait avoir de lui une personne aux bonnes grâces de qui il tenait beaucoup plus qu’à celles de Néhémiah Holdenough. Cette personne n’était autre que la jolie mistress Phœbé May-Flower, dont il aurait désiré entreprendre la conversion, depuis qu’il lui avait entendu faire cette sortie contre Shakspeare, le premier jour de son arrivée à la Loge. Il semblait pourtant souhaiter de mettre son projet à exécution, surtout dans le tête-à-tête, et principalement le cacher à Jocelin Joliffe, de peur que par hasard il n’en devînt jaloux. Mais ce fut en vain qu’il prêcha la fidèle suivante, tantôt en lui récitant des cantiques, tantôt avec des passages extraits de l’Arcadie de Green[2], ou avec des citations de Vénus et d’Adonis, ou bien encore des doctrines d’une nature plus abstraite, tirées d’un ouvrage populaire intitulé le Chef-d’Œuvre d’Aristote[3]. Mais que sa galanterie parlât un langage sacré ou profane, physique ou métaphysique, elle n’en état pas mieux écoutée de Phœbé May-Flower.

D’un côté, la jeune fille aimait Jocelin Joliffe ; de l’autre, si Joseph Tomkins, le premier jour qu’elle l’avait vu, lui avait déplu comme un puritain rebelle, elle n’était point revenue de son aversion depuis qu’elle avait des raisons pour le regarder comme un libertin hypocrite. Elle le haïssait donc doublement ; elle ne souffrait jamais qu’il lui parlât que quand elle ne pouvait pas faire autrement ; et si elle était obligée de rester avec lui, elle l’écoutait seulement parce qu’elle le savait dépositaire de secrets si importants, que son ressentiment pourrait compromettre la sûreté de la famille dans laquelle elle était née et avait été élevée, et qui lui inspirait un attachement sans bornes. C’est peut-être par la même raison qu’elle ne laissait jamais éclater son aversion contre le maître d’hôtel en présence de Jocelin Joliffe qui, en qualité de forestier et de soldat, aurait probablement eu avec lui une explication dans laquelle son couteau de chasse et son gourdin auraient été des armes inégales contre la longue rapière et le pistolet que son dangereux rival portait toujours à sa ceinture. Mais il est difficile d’aveugler la jalousie quand elle a quelque sujet de doute ; et peut-être l’active surveillance de Jocelin sur son camarade avait pour cause non seulement son dévouement à la personne du roi, mais encore quelques vagues soupçons que Tomkins était assez disposé à braconner sur son domaine.

Phœbé, en fille prudente, se faisait, autant que possible, un rempart de la présence de Goody Jellicot. Mais l’indépendant, ou quel qu’il fût, n’en continuait pas moins ses frais de galanterie, mais inutilement ; car Phœbé paraissait aussi sourde que la vieille matrone qui l’était sans le vouloir. Cette indifférence irritait l’ardeur de son nouvel amant : aussi épiait-il avec le plus grand soin le temps et le lieu où il pourrait faire valoir ses prétentions sur le cœur de Phœbé avec une énergie qui commandât l’attention. Mais la fortune, cette divinité perfide qui souvent nous perd en nous accordant l’objet de nos vœux, lui procura enfin l’occasion qu’il avait si long-temps convoitée.

C’était vers le coucher du soleil ou un peu après : Phœbé, qui était chargée de presque tous les soins du ménage, était allée jusqu’à la fontaine de Rosemonde puiser de l’eau pour le repas du soir ; il lui fallait se conformer aux préjugés du vieux chevalier, qui prétendait qu’il était impossible de trouver de l’eau aussi pure ailleurs que dans cette précieuse source : le respect que tous les membres de la famille avaient pour lui était si grand que négliger de lui plaire, eût-on dû en éprouver soi-même quelque inconvénient, eût semblé aussi coupable que l’omission d’un devoir religieux.

Comme nous l’avons déjà fait remarquer, il n’était pas facile de remplir la cruche ; mais l’industrieux Jocelin avait aplani la difficulté en réparant grossièrement une partie du bassin ruiné de l’ancienne fontaine, de sorte que l’eau, rassemblée et coulant dans un tuyau de bois, tombait d’une hauteur d’environ deux pieds. On pouvait donc placer sa cruche au dessous du conduit, qui laissait tomber l’eau presque goutte à goutte, et attendre qu’elle fût remplie.

Le soir en question, Phœbé May-Flower voyait pour la première fois cette petite amélioration, et l’attribuant avec raison à une galanterie de son admirateur champêtre qui avait voulu lui rendre moins pénible sa tâche quotidienne, elle employa, en fille reconnaissante, les instants de loisir dont elle put disposer, à réfléchir sur le bon caractère et l’habilelé de l’obligeant ingénieur, et peut-être à penser qu’il aurait aussi bien fait de l’attendre auprès de la fontaine pour qu’elle pût le remercier de la peine qu’il avait prise. Mais elle se rappela qu’il était retenu à l’office par cet odieux Tomkins ; et plutôt que de voir l’indépendant avec lui, elle renonça au plaisir qu’elle aurait eu de rencontrer Jocelin.

Mais pendant qu’elle faisait ces réflexions, la fortune fut assez malicieuse pour envoyer Tomkins à la fontaine, et sans Jocelin avec lui. Quand elle le vit dans le sentier par où elle était venue, l’inquiétude s’empara de son cœur. Elle était seule dans les environs de la forêt, où en général il était défendu d’entrer de peur de troubler les dames qui s’y retiraient pour se livrer au repos. Cependant elle s’arma de courage et résolut de ne pas paraître effrayée, quoiqu’à mesure que Tomkins approchait elle aperçût dans ses traits et dans ses yeux une expression qui n’était pas faite pour dissiper ses alarmes.

« Fasse que le ciel répande sur vous ses bénédictions du soir ! ma jolie fille, lui dit-il ; je vous trouve ici comme le chef des serviteurs d’Abraham, qui était, ainsi que moi, l’intendant de son maître, et qui rencontra Rebecca, fille de Bathuel, fils de Milcah, au puits de la cité de Naor en Mésopotamie. Ne dois-je pas vous dire : Baisse ta cruche pour que je puisse boire. — La cruche est à votre service, maître Tomkins, répliqua t-elle ; vous pouvez boire autant que vous voudrez ; mais vous avez bu, j’en suis sûre, quelque chose de meilleur, et il n’y a pas long-temps. »

En effet il était visible que maître Tomkins sortait de faire une orgie, car ses traits étaient enluminés, quoiqu’il ne fût pas encore complètement ivre. L’effroi que Phœbé avait ressenti en l’apercevant s’accrut quand elle le vit dans cet état.

« Je ne fais qu’user de mon privilège, ma jolie Rebecca : la terre est donnée aux saints avec tous les biens qui s’y trouvent ; ils doivent s’emparer et jouir des richesses qu’elle renferme et des trésors du vin ; ils doivent se livrer à l’allégresse, et leur cœur sera joyeux. Tu as encore à apprendre les priviléges des saints, ma Rebecca. — Mon nom est Phœbé, » répondit la jeune fille pour apaiser le transport d’enthousiasme qu’il ressentait ou affectait.

« Phœbé d’après la chair, mais Rebecca selon l’esprit ; car n’es-tu pas une brebis errante et égarée ? et ne suis-je pas envoyé pour te ramener au bercail ? Sans cela, pourquoi serait-il dit : « Tu la trouveras assise près le puits dans le bois auquel l’ancienne prostituée Rosemonde a donné son nom ? — Vous m’avez trouvée assise, il est vrai ; mais si vous tenez à m’accompagner, il faut que vous reveniez à la Loge avec moi, et vous porterez ma cruche, si vous le voulez bien. J’écouterai toutes les aimables choses que vous avez à me dire chemin faisant, car sir Henri demande son verre d’eau tous les soirs avant la prière… — Quoi ! le vieillard aux mains sanglantes et au cœur pervers t’a-t-il envoyée ici pour y travailler comme une esclave ! Tu l’en retourneras affranchie, et l’eau que tu as puisée pour lui sera répandue ainsi que David l’ordonna pour l’eau du puits de Bethléem. »

En même temps il vida la cruche en dépit des cris et des supplications de Phœbé ; et la replaçant ensuite sous le petit tuyau, il continua :

« Sache que ceci sera un signe pour toi. L’eau qui remplit cette cruche sera comme le sable qui passe à travers le sablier. Si pendant qu’elle va s’emplir tu écoutes les paroles que je te dirai, alors tu t’en trouveras bien, et tu pourras prendre place parmi ceux qui, dédaignant l’instruction qui n’est bonne qu’à allaiter les enfants à la mamelle, mangeait la nourriture dont se nourrissent les forts ; mais si l’eau déborde la cruche avant que ton oreille ne m’entende et ne me comprenne, tu seras livrée comme une esclave à ceux qui possèdent les richesses et les trésors de la terre. — Vous m’effrayez, maître Tomkins, je suis sûre que vous n’en avez pas l’intention. Je m’étonne que vous osiez prononcer des paroles qui aient autant de ressemblance avec celles de la Bible, quand vous savez combien vous avez ri de votre maître et de tous ceux qui la citent lorsque vous avez aidé à faire paraître des fantômes à la Loge. — Penses-tu donc, pauvre innocente, qu’en me moquant d’Harrison et des autres, j’excédais mes privilèges ?… Non, vraiment !… Écoute-moi, fille insensée. Quand autrefois je vivais comme le mécréant le plus effréné et le plus libertin de l’Oxfordshire, fréquentant les veillées et les foires, dansant autour des mais, déployant ma vigueur à la paume et au jeu du bâton… oui, quand j’étais appelé dans le langage des incirconcis, Philippe Hazeldine, et que j’étais un des chantres du chœur, un des sonneurs de cloche ; que je servais ce prêtre nommé Rochecliffe, je n’étais pas plus éloigné du droit chemin que quand, après de longues études, je trouve enfin un guide aveugle. Je les ai tous abandonnés l’un après l’autre ; ce pauvre fou d’Harrison a été le dernier. Soutenu de ma seule force et sans autre appui, je me suis ouvert un passage vers cette lumière céleste dont toi aussi, Phœbé, tu jouiras. — Je vous remercie maître Tomkins, » répliqua Phœbé déguisant sa crainte sous un air d’indifférence. « J’aurai assez de lumière pour porter ma cruche à la maison, si vous me permettez de la prendre, et ce soir je n’aurai pas besoin d’autre lumière. »

Alors elle se baissa pour prendre sa cruche ; mais il la saisit par le bras et l’en empêcha. Phœbé était fille d’un hardi forestier, et prompte à concevoir un plan de défense personnelle ; et voyant qu’elle ne pouvait pas prendre sa cruche, elle ramassa en place un gros caillou qu’elle tint caché dans sa main droite.

« Arrête, fille insensée, et écoute, » dit l’indépendant d’une voix sombre. « Sache d’un seul mot que le péché pour lequel tu as encouru la vengeance du ciel consiste, non dans l’acte matériel, mais dans la pensée du pécheur : apprends, aimable Phœbé, que tous les actes sont purs pour ceux qui le sont, que le péché existe dans nos intentions et non dans nos actions ; de même que l’éclat du jour n’est que ténèbres pour un aveugle, tandis que celui dont les yeux en sont frappés le voit et en jouit. Beaucoup est ordonné, beaucoup est défendu à celui qui ne sait pas faire mouvoir tous les ressorts de l’esprit. Il se nourrit de lait comme les petits enfants… c’est pour lui que sont faits les règles, les prohibitions, les commandements. Mais le saint est au dessus des commandements et de ces prohibitions ; lui, comme l’enfant gâté de la maison, a reçu le passe-partout pour ouvrir toutes les portes qui l’empêcheraient de satisfaire les désirs de son cœur. C’est dans ces bois du plaisir que je te guiderai, aimable Phœbé ; et dans la joie, dans une innocente liberté, tu jouiras de tous les plaisirs qui sont interdits comme des péchés à ceux qui ne sont point privilégiés. — Je désire sincèrement, maître Tomkins, que vous me laissiez retourner à la maison, » lui répondit Phœbé qui ne comprenait pas le sens de sa doctrine, mais à qui ne plaisaient ni ses manières ni ses discours. Il n’en continua pas moins à lui expliquer sa doctrine impie et blasphématoire, qu’ainsi que d’autres prétendus saints il avait adoptée après avoir erré long-temps de sectes en sectes, jusqu’à ce qu’il se fût arrêté à cette opinion horrible : que le péché, étant de sa nature exclusivement spirituel, n’existait que dans la pensée, et que les actions les plus perverses étaient licites pour ceux qui étaient parvenus à se croire au dessus de toute règle. « Ainsi, ma Phœbé, continua-t-il en s’efforçant de la tirer à lui, « je puis t’offrir plus qu’on n’offrit jamais à une femme depuis qu’Adam prit pour la première fois sa fiancée par la main. Laissons les autres demeurer les lèvres sèches, faisant pénitence comme les papistes par l’abstinence, quand la coupe du plaisir s’offre à eux. Aimes-tu l’argent, j’en ai, et je puis m’en procurer davantage. J’ai le droit de m’en procurer de toute main et par tous moyens : la terre est à moi avec tous ses biens. Désires-tu ce pouvoir… Duquel de ces misérables commissaires convoites-tu les biens… je me les procurerai pour toi, car j’habite avec un esprit plus puissant qu’aucun d’eux ; et ce n’est pas sans motif que j’ai aidé le malveillant Rochecliffe et l’imbécile Joliffe à les effrayer et à les abuser comme ils ont fait. Demande-moi ce que tu voudras, Phœbé ; je puis te le donner ou je puis me le procurer pour toi. Entre donc avec moi dans une vie de délices en ce monde, qui ne sera qu’une anticipation des joies qui nous sont réservées en paradis. »

Ce fanatique débauché essaya de nouveau d’attirer à lui la jeune fille. Celle-ci alarmée, mais ne perdant pas sa présence d’esprit, tâchait, par ses prières les plus pressantes, de le décider à la lâcher. Mais sa figure, naturellement insignifiante, avait pris une expression terrible, et il s’écria : « Non, Phœbé, ne pense pas m’échapper ; tu m’as été donnée comme une captive ; tu as négligé l’heure de grâce ; elle est passée. Vois, l’eau se répand par dessus les bords de la cruche. Tu sais quelle doit en être la conséquence… Ainsi je ne serai pas plus pressant en paroles, tu n’en es pas digne, mais je te traiterai comme celle qui refuse la grâce qui lui était offerte. — Maître Tomkins, » dit Phœbé d’une voix suppliante, « considérez, au nom de Dieu ! que je suis une orpheline. Ne m’outragez pas. Ce serait une honte pour un homme de votre force et de votre caractère. Je n’entends rien à vos belles paroles. Demain j’y réfléchirai. » Alors sa colère s’enflammant, elle ajouta avec plus de véhémence : « Je ne veux point être maltraitée ; retirez-vous, ou vous vous en repentirez… » Mais, comme il la prenait avec une violence dont le but n’était que trop évident, et qu’il s’efforçait de s’emparer de sa main droite, elle s’écria : « Recevez cela, et… » En même temps, elle lui porta de toutes ses forces un coup au visage avec le caillou dont elle n’avait l’intention de se servir qu’à la dernière extrémité.

Le fanatique la lâcha et chancela en arrière à demi étourdi. Alors, Phœbé prit la fuite, appelant au secours tout en se sauvant, mais conservant toujours à la main le caillou qui l’avait sauvée. Tomkins, furieux du coup qu’elle venait de lui porter, la poursuivit ; les plus noires passions bouleversaient son âme et ses traits, et, de plus, il craignait que sa brutalité ne fût découverte. Il cria à Phœbé de s’arrêter, et il eut la lâcheté de la menacer d’un de ses pistolets si elle continuait de fuir. Elle ne tint pas compte de sa menace, et il l’aurait exécutée ou bien il l’aurait vue s’échapper, et porter à la Loge la nouvelle de son infamie, si par malheur, se heurtant le pied contre une racine de sapin qui faisait saillie, elle ne fût tombée. Mais au moment où il s’elançait sur sa proie pour la saisir, un sauveur intervint, c’était Jocelin Joliffe, son gourdin sur l’épaule. « Comment ! qu’est-ce que cela veut dire ? » s’écria-t-il, se plaçant entre Phœbé et celui qui la poursuivait. Tomkins, furieux, ne répondit qu’en déchargeant sur Joliffe le pistolet qu’il tenait à la main. La balle effleura la figure du forestier, qui lui répondit en disant : « Ah ! ah ! que le bois réponde au fer ! » et il appliqua en même temps un si vigoureux coup de bâton sur la tête de l’indépendant, que, la tempe gauche ayant été atteinte, pour un instant il le crut mort.

Quelques convulsions de l’agonie furent accompagnées de ces mots entrecoupés : « Jocelin…je suis perdu… je te pardonne… le docteur Rochecliffe… j’aurais voulu finir… oh !… le ministre… le service funèbre… » En prononçant ces paroles qui semblaient indiquer un retour aux idées religieuses qu’il n’avait pas abjurées peut-être aussi complètement qu’il se l’était persuadé à lui-même, sa voix se perdit dans un sourd gémissement qui retentit dans la gorge, et sembla ne pouvoir arriver jusqu’aux lèvres. Ce furent là les derniers signes de vie qu’il donna ; ses mains serrées se relâchèrent, ses yeux fermés se rouvrirent et se fixèrent vers le ciel, comme une masse informe et sans vie, ses jambes s’étendirent et se roidirent ; ce corps, animé peu d’instants avant, n’était plus qu’une masse de chair insensible, et l’âme, dégagée de sa prison terrestre dans un moment si périlleux, était en présence de son juge.

« Oh ! qu’avez-vous fait !… Qu’avez-vous fait, Jocelin, s’écria Phœbé, vous l’avez tué ! — Mieux vaut que ce soit lui que moi, répondit Jocelin, car il n’est pas du nombre de ces tireurs qui manquent leur coup deux fois de suite. Cependant j’en suis fâché pour lui. Nous avons fait de bien joyeuses folies ensemble quand il était Philippe Hazeldine, il ne valait pas grand’chose alors, mais depuis qu’il avait recouvert ses vices d’hypocrisie, il paraissait être devenu bien pire encore. — Oh ! Jocelin, allons-nous-en ; ne le regardez pas ainsi. » Car le forestier, appuyé sur son bâton meurtrier, demeurait immobile, les yeux fixés sur le cadavre, comme à demi étourdi par l’événement.

« Cela vient de la cruche à l’ale, » continua-t-elle dans le véritable style d’une consolation de femme ; « je vous l’ai dit bien souvent. Pour l’amour du ciel, venez à la Loge ! et examinons ce qu’il y a de mieux à faire. — Un instant, jeune fille ; laissez-moi le retirer du sentier ; il ne faut pas qu’il soit ainsi en vue de tout le monde… Ne m’aiderez-vous pas, mon enfant ? — Je ne le puis, Jocelin… Je ne toucherais pas un cheveu de sa tête pour tout Woodstock. — Il faut donc que je fasse cela tout seul, » dit Jocelin qui, quoique soldat et forestier, n’éprouvait pas moins beaucoup de répugnance à s’en charger. Les dernières paroles du mourant, et son regard, avaient produit une profonde impression de terreur sur l’âme assez peu sensible de Jocelin. Cependant il se résigna ; il retira feu Tomkins du sentier, et le cacha sous un buisson de ronces et d’épines, de manière à ce qu’on ne pût le voir. Il revint ensuite près de Phœbé, qui, pendant ce temps-là, était demeurée muette sous l’arbre dont la racine avait occasionné sa chute. — Retournons à la Loge, fille, et voyons un peu ce que nous pourrons dire sur cet accident… Sa mort est un malheur qui va terriblement augmenter notre péril… Mais que te voulait-il donc pour le fuir ainsi comme une folle ?… Mais je puis deviner… Philippe a toujours été un diable avec les demoiselles, et je pense, comme dit le docteur Rochecliffe, que, depuis qu’il s’était sanctifié, il avait dix diables au corps, pires que lui-même… C’est précisément ici l’endroit où je l’ai vu l’épée à la main, la lever contre le vieux chevalier, et lui, un enfant de charité !… C’était une haute trahison pour le moins… Mais, par ma foi, il l’a payé belle. — Mais, hélas ! Jocelin, comment avez-vous pu admettre à vos conseils un homme si pervers, et lui prêter la main dans tous ses complots pour effrayer ces messieurs les Têtes-rondes ? — Ma foi, voyez-vous, ma fille, à notre première rencontre il me sembla que je le connaissais, surtout, parce que Bévis, qu’on élevait ici quand il était piqueur, ne s’élançait pas sur lui ; et lorsque nous renouâmes notre vieille connaissance à la Loge, je m’aperçus qu’il entretenait une correspondance secrète avec le docteur Rochecliffe, qui était convaincu que c’était un partisan du roi, et restait, par conséquent, en bonne intelligence avec lui. Le docteur se vante d’avoir appris beaucoup de choses par lui ; je demande au ciel que lui, de son côté, il n’ait pas été aussi communicatif. — Ah ! Jocelin, vous n’eussiez jamais dû lui permettre de passer le seuil de la Loge ! — Il ne l’eût jamais passé, si j’avais su comment l’en empêcher… Mais quand il donna si franchement dans notre projet, et me dit comment je me devais habiller pour ressembler au comédien Robinson, dont l’esprit visitait Harrison… puisse cet esprit ne jamais me visiter !… quand il me montra comment il fallait m’y prendre pour effrayer son maître, que pouvais-je penser ?… J’espère seulement que le docteur ne lui aura rien communiqué du grand secret… Mais nous voilà arrivés à la Loge… Va-t’en à ta chambre, Phœbé, et remets-toi ; il faut que je trouve le docteur Rochecliffe, il parle toujours de ses habiles et promptes inventions… Voici, je pense, l’occasion de s’exécuter.

Phœbé se rendit donc à sa chambre ; mais la force que lui avait donnée l’imminence du péril disparaissant avec le danger, elle tomba bientôt dans des accès nerveux qui demandèrent l’attention constante de dame Jellicot, et les soins moins inquiets, mais plus judicieux de miss Alice.

Le sous-garde porta la nouvelle au politique docteur, qui fut extrêmement déconcerté, effrayé, et fâché même contre Jocelin, parce qu’il avait tué un homme sur les communications duquel il avait pris l’habitude de compter. Cependant à le voir, on aurait dit qu’il se demandait intérieurement s’il n’avait pas placé trop témérairement sa confiance… soupçon qui l’accablait d’une inquiétude d’autant plus vive, qu’il ne voulait pas l’avouer ; car c’eût été faire mentir la réputation d’adresse dont il se vantait.

Cependant la confiance du docteur en la fidélité de Tomkins paraissait bien fondée. Avant les guerres civiles, comme on a déjà pu s’en faire une idée par tout ce que nous avons dit, Tomkins, sous son véritable nom d’Hazeldine, avait été sous la protection du recteur de Woodstock ; il lui servait à l’occasion de clerc, était un membre distingué de son chœur, et, en sa qualité de gaillard vigoureux et expérimenté, il avait eu l’honneur d’aider le docteur Rochecliffe dans ses recherches d’antiquités. Lorsqu’il suivit la bannière du parti opposé pendant la guerre civile, il continua encore ses intelligences avec le ministre, auquel il procurait de temps à autre des renseignements qui lui semblaient précieux. Son assistance avait été dernièrement d’une grande utilité pour aider le docteur, avec le secours de Jocelin et de Phœbé, à concevoir et exécuter les différents expédients au moyen desquels les commissaires du parlement avaient été expulsés de Woodstock. À la vérité, ses services en cette occasion avaient paru dignes d’une non moins grande récompense que celle qu’on lui avait promise, et qui consistait en toute la vaisselle qui restait à la Loge. Le docteur en avouant donc que c’était un méchant homme, le regrettait comme un agent utile, dont la mort, si on venait à en rechercher la cause, pouvait mettre dans de nouveaux embarras une maison que le danger environnait déjà, et que renfermait un dépôt si précieux.


  1. Les famillistes avaient eu pour premier fondateur David George de Delft, enthousiaste qui croyait être le Messie ; ils se séparèrent en différentes sectes : les grindletoniens ; les famillistes des montagnes, des vallées ; les famillistes de l’ordre du collet, ceux du troupeau épars. Entre autres principes trop extravagants et trop pervers pour être cités ici, ils prétendaient qu’il état légitime de se conformer extérieurement à toute secte prédominante, quand on y trouvait son avantage ; d’obéir aux ordres de tout magistrat, de toute autorité supérieure, quand même ces ordres seraient contraires à la justice. Ils désavouaient les principales doctrines du christianisme, comme une loi abrogée par la venue de David George. Ils s’abandonnaient aux instincts effrénés des passions les plus criminelles, et entre eux se livraient, dit-on, au plus horrible libertinage. Voyez la Gangrène d’Edward, l’Hérésiographie de Pagell, et un ouvrage très curieux de Ludovic Clarton, un des chefs de la secte, ayant pour titre, la Brebis perdue et retrouvée, petit in-4o, Londres, 1660. a. m.
  2. Auteur du temps. a. m.
  3. Une des premières compositions de Shakspeare. a. m.