Épîtres (Voltaire)/Épître 50
ÉPÎTRE L.
Charmante Iris, qui, sans chercher à plaire,
Savez si bien le secret de charmer ;
Vous dont le cœur, généreux et sincère,
Pour son repos sut trop bien l’art d’aimer ;
Vous dont l’esprit, formé par la lecture,
Ne parle pas toujours mode et coiffure ;
Souffrez, Iris, que ma muse aujourd’hui
Cherche à tromper un moment votre ennui.
Auprès de vous on voit toujours les Grâces :
Pourquoi bannir les Plaisirs et les Jeux ?
L’Amour les veut rassembler sur vos traces :
Pourquoi chercher à vous éloigner d’eux ?
Du noir chagrin volontaire victime,
Vous seule, Iris, faites votre tourment,
Et votre cœur croirait commettre un crime
S’il se prêtait à la joie un moment.
De vos malheurs je sais toute l’histoire ;
L’Amour, l’Hymen, ont trahi vos désirs[1] :
Oubliez-les ; ce n’est que des plaisirs
Dont nous devons conserver la mémoire.
Les maux passés ne sont plus de vrais maux ;
Le présent seul est de notre apanage,
Et l’avenir peut consoler le sage,
Mais ne saurait altérer son repos.
Du cher objet que votre cœur adore
Ne craignez rien ; comptez sur vos attraits :
Il vous aima ; son cœur vous aime encore,
Et son amour ne finira jamais.
Pour son bonheur bien moins que pour le vôtre,
De la Fortune il brigue les faveurs ;
Elle vous doit, après tant de rigueurs,
Pour son honneur rendre heureux l’un et l’autre.
D’un tendre ami, qui jamais ne rendit
À la Fortune un criminel hommage,
Ce sont les vœux. Goûtez, sur son présage,
Dès ce moment le sort qu’il vous prédit.
- ↑ La mère de M. le président Rougoot s’était opposée au mariage de son fils avec Mlle de Lubert, parce qu’elle ne voulait point avoir, disait-elle, une bru bel esprit. Voyez aussi l’épître xxxv, page 272.