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ARISTÉE.

soit fondé sur quelque aventure véritable pourraient supposer qu’Aristée, ayant fait semblant d’être mort dans le logis du foulon, trouva moyen d’en sortir pendant l’absence du maître, et de s’évader secrètement de la ville ; qu’il y retourna après s’être tenu caché quelques années : et qu’il produisit un poëme, où il débita ses extases [1], qu’il fut bien aise que l’on prit au sens littéral, et non pas au sens poétique, auquel nous prenons ces vers d’Horace :

Quò me Bacche rapis tuî
Plenum, quæ in nemora aut quos agor in specus
Velox mente novâ [2],


et plusieurs autres que M. Huet allègue [3]. Je ne saurais bien comprendre comme lui que Maxime de Tyr confirme cette conjecture, c’est qu’Aristée ne prétendit pas que l’on prît ses expressions au pied de la lettre [4]. Maxime de Tyr suppose tout le contraire, comme on l’a vu ci-dessus [5]. Pour ce qui regarde l’apparition aux Métapontins, on peut supposer qu’un fourbe leur persuada facilement ce qu’Hérodote raconte ; car ils étaient pythagoriciens, et par conséquent ils croyaient la métempsycose.

(D) On a dit que son âme sortait de son corps, et y rentrait à sa fantaisie. ] C’est ce qu’a dit Hésychius Illustrius, et après lui Suidas. Voici leurs paroles : Ἀριςέου τοῦ Προκοννήσιου ϕασὶ τὴν ψυχὴν ἐξιέναι ὅτε ἐϐούλετο, καὶ ἐπανιέναι πάλιν [6]. Aristeas Proconnesius, cujus animam corporis domicilio excessisse, rursùsque ubi vellet subisse fabulantur. Τούτου ϕασὶ τὴν ψυχὴν ὅταν ἐϐούλετο ἐξιέναι καὶ ἐπανιέναι πάλιν [7]. Hujus animam quoties voluisset exiisse et rediisse dicunt.

(E) Le Giraldi a fait quelques fautes touchant notre Aristée. ] 1o. Il fait dire à Strabon que l’éloquence et les caresses d’Aristée avaient une grande force : Strabo Aristeam facundiâ et blanditiis vehementem fuisse prodidit [8]. C’est n’entendre rien dans ce grec : ἀνὴρ γόης ἔι τις ἄλλος [9], fuit præstigiis nemini secundus. 2o. Il fait dire à Hérodote qu’Aristée ayant ordonné aux Métapontins d’ériger tout à la fois un autel et une statue à lui Aristée et à Apollon, et leur ayant enfin déclaré qu’il était un corbeau, fut enlevé de devant leurs yeux. C’est mal entendre la narration d’Hérodote : consultez-la [10]. 3o. Il dit que Plutarque approuve la narration d’Hérodote. Cela est faux : Plutarque n’en touche qu’une très-petite partie, et y change même notablement les circonstances du lieu, et puis il rejette cela comme une fable.

  1. Ἔϕη δὲ Ἀριςέης..... ἀπίκεσθαι ἐς Ἰσσηδόνας ϕοιϐόλαμπτος γενόμενος. Aristæus memoravit se Phœbo instinctum venisse ad Issedonas. Herodot., lib. IV, cap. XIII.
  2. Horat., lib. III, Od. XXV.
  3. Huet., Demonstr. Evangel., pag. 1038.
  4. Idem, ibid., pag. 1039.
  5. Citations (8) et (9).
  6. Hesych. Illustrius de his qui Eruditionis famâ claruêre, pag. 7.
  7. Suidas, in Ἀριςέας.
  8. Lilius Gregorius Giraldus, Dialog. III de Historiâ Poëtarum, pag. 85.
  9. Strabo, lib. XIII, pag. 405.
  10. Dans la remarque (C), depuis le commencement jusqu’à la citation (13).

ARISTÉE, le géomètre, a vécu avant Euclide, et composa des ouvrages que l’on estima. Voyez ci-dessous un bon passage de Pappus (A).

(A) Voici, touchant notre Aristée, un bon passage de Pappus. ] Je le qualifie ainsi, parce qu’il nous apprend une chose très-curieuse touchant Euclide, c’est que ce grand géomètre, par honnêteté pour Aristée, ne voulut point paraître plus savant que lui dans les coniques. J’en ai déjà parlé ci-dessus [1]. Voyons les paroles de Pappus : Aristæus autem, qui scribit ea quæ ad hoc usque. tempus tradita sunt, solidorum libros quinque, conicis cohærentes vocavit.... Éuclides autem secutus Aristæum scriptorem luculentum in iis quæ de conicis tradiderat, neque antevertens neque volens eorum tractationem destruere, cùm mitissimus esset et benignus erga omnes, præsertìm eos qui mathematicas disciplinas aliquâ ex parte augere et amplificare

  1. Dans la remarque (D) de l’article d’Appollonius de Perge, citation (31).