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M. HUMBERT FERRAND


troisième lettre
Pesth.


Quand on voyage en Autriche, il faut absolument visiter au moins trois de ses capitales : Vienne, Pesth et Prague. À la vérité, certains esprits chagrins prétendent bien que Pesth est en Hongrie et que Prague est en Bohême ; mais ces deux États n’en font pas moins parties intégrantes de l’empire d’Autriche auquel ils sont attachés et dévoués corps, âmes et biens à peu près comme l’Irlande est dévouée à l’Angleterre, la Pologne à la Russie, l’Algérie à la France, comme tous les peuples conquis ont dans tous les temps été attachés à leurs vainqueurs. Ainsi donc partons pour Pesth, grande ville d’Autriche, en Hongrie. Je ne suis pas heureux dans mes relations avec le Danube. Ainsi que je vous l’ai dit, il avait emporté son dernier bateau à vapeur quand je voulus m’embarquer à Ratisbonne pour Vienne ; il se couvrit de brouillards pour m’empêcher de descendre son cours jusqu’à Pesth, et vous allez voir que le vieux fleuve ne borna pas là ses mauvais procédés à mon égard. Il semble qu’il ait été tout à fait mécontent de me voir arriver dans ses domaines, et qu’il ait voulu non-seulement ne pas m’en faciliter l’accès, mais me l’interdire même tout à fait. Et pourtant combien je l’ai admiré, comme je l’ai loué ce puissant et majestueux fleuve ! Il aurait dû être sensible à mon admiration. Mais loin de là, plus je m’extasiais devant ses magnificences, et plus il me devenait hostile ; et je pourrais dire de lui ce que La Fontaine disait de son lion :

Ce monseigneur du lion-là
Fut parent de Caligula.