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En additionnant donc la valeur de l’augmentation qui réſulte de chaque expérience, & en diviſant la ſomme par 8, nombre des expériences, on a la valeur de l’augmentation moyenne ; de ſorte qu’une colonne de mercure étant ſuppoſée à la température de 10,000 parties, devient de 10,159 parties, lorſqu’elle eſt tranſportée à la température de l’eau bouillante. Ces réſultats ſont auſſi conformes à ceux du chevalier de Lorgna, que la nature des objets peut le comporter. Toute la différence conſiſte en qui eſt ſi petite qu’on doit la négliger ; différence qui peut provenir de ce que M. de Lorgna a peut-être pris de l’eau bouillante, le baromètre étant à 27 pouces de hauteur, tandis que dans les expériences du père de Saint-Martin, il étoit à 28 pouces.

Les expériences rapportées ayant fait connoître que la dilatation que le mercure subit de la congellation à l’eau bouillante, eſt comme 10,000 à 10,159 , il eſt aiſé d’en faire l’application à la colonne de mercure du baromètre. En effet, que l’on ſuppoſe qu’au degré de la congellation le baromètre ſoit ſuſpendu par la gravité de l’air à la hauteur moyenne de 28 pouces, c’eſt-à-dire, de 33 points ; ſi la même preſſion demeurant conſtante, on tranſportoit le baromètre dans une liqueur, dont la température ſeroit égale à celle de l’eau bouillante, alors, par la ſeule chaleur, la colonne de mercure devroit ſe prolonger de 53-48 points, ou de cinq lignes trois points, & 48 centièmes de points ; en ſorte que ſa hauteur totale, en commençant par la ſuperficie inférieure du mercure renfermé dans la boule, juſqu’à la ſuperficie ſupérieure de celui contenu dans le tube, n’iroit plus à 3360 points, mais à 3413,48, ſelon l’analogie ſuivante, 10,000 : 10,159  : : 3360 : 3413 à-peu-près. Ainſi, il faudroit ôter l’augmentation des 53-48 points, comme le ſeul effet de la chaleur, & il reſteroit la hauteur de 3360 points, c’eſt-à-dire, de 28 pouces, comme un effet du poids ſeul de l’atmoſphère.

Si une colonne de mercure de 3360 points devient de 3413,48, lorſqu’il paſſe du zéro de Réaumur à la chaleur de 80 degrés, on peut en déduire l’allongement que ſubit cette colonne à un degré intermédiaire quelconque, de là régler la correction que l’on doit faire au baromètre, ſur les mêmes degrés du thermomètre de Réaumur ; attendu que, ſi à 80 degrés de ce thermomètre, il falloit à la hauteur apparente du baromètre 5 lignes 3,48 points ; par exemple, à 35 degrés du même thermomètre, il faudroit diminuer 16,71 points, c’eſt-à-dire, une ligne ſix points & 71 centièmes ; parce que 80 : 53,48 : : 25 : 16,71. C’eſt auſſi ce que l’on peut dire dans la même proportion des autres degrés.

De la meſure des hauteurs par le baromètre. Il eſt peu d’inſtrumens de phyſique qui aient des usages auſſi importans que celui de la meſure des hauteurs. Deſcartes paroît avoir eu la première idée de cet uſage des baromètres (Voyez AIR, peſanteur de l’air), ainſi qu’il l’atteſte dans une lettre écrite le 13 juin 1649, à M. de Cascavi. Paſcal communiqua enſuite à M. Perrier, ſon beau-frère, le plan de l’expérience du Puy-de-Dôme, qui fut faite, le 19 ſeptembre 1648, & dont nous avons ſuffiſamment expoſé les détails. Le mercure qui, au bas de la montagne, n’étoit dans le tube qu’à 26 pouces 3 lignes , deſcendit au ſommet du Puy-de-Dôme à 23 pouces 2 lignes ; d’où M. Perrier eſtima la hauteur de la montagne d’environ 500 toiſes. Par le même moyen, il conclut la hauteur d’une tour de la ville de Clermont, de 20 toiſes ; le mercure ayant baiſſé dans cette expérience de 2 lignes, M. Pascal conclut, à Paris, que la tour de Saint-Jacques-la-Boucherie étoit élevée de 24 toiſes, en employant le baromètre de la même manière que dans les expériences précédentes. D’où il conclut que ce ſeroit un moyen de niveller les lieux quelqu’éloignés qu’ils fuſſent, et auſſi facilement qu’exactement. Il ſe trompoit en penſant que cette meſure des hauteurs étoit très-aisée, car cette méthode entraîne beaucoup plus de difficultés qu’on n’eſt tenté de le croire.

Dès que les premières expériences ſur la peſanteur de l’air furent connues, Kepler chercha à évaluer la hauteur totale de l’atmoſphère ; mais il ſe trompa beaucoup dans ſon eſtimation, car il ne la fixa qu’à deux ou trois milles : Boyle qui entreprit auſſi cette recherche, reconnut l’erreur de Kepler dans la détermination du rapport des peſanteurs ſpécifiques du mercure & de l’air. Boyle le trouva de 14000 à 1 ; et en conclut qu’en ſuppoſant l’atmoſphère également denſe, ſa hauteur ſeroit au moins de 35000 pieds : mais conſidérant d’un autre côté la dilatabilité de l’air, il aſſura que l’atmoſphère devoit avoir une étendue beaucoup plus grande. Boyle & Townley, ſon diſciple, découvrirent la loi des condenſations & des dilatations de l’air, mais ils ne firent pas des expériences ſur l’air libre.

Mariotte de ſon côté découvrit auſſi la loi des dilatations & des condensationsde Tair, qu’il appliqua le premier à l’air de l’atmoſphère. C’eſt en 1776 qu’il publia un excellent ouvrage sur la nature de l’air, plein d’expériences ingénieuſes. On y voit que la force élaſtique de l’air eſt en raison inverſe de l’eſpace qu’il occupe ; que la condenſation eſt proportionnelle au poids ; & que les dilatations ſuivent toujours ſenſiblement la raiſon inverſe des poids qui le compriment.

Cet illuſtre phyſicien chercha par ces loix qu’elle devoit être la hauteur de l’atmoſphère ; & il penſa le premier à l’uſage des logarithmes pour calculer les abaiſſemens du mercure. Il conclut enſuite que ſi l’air eſt ſuſceptible de ſe raréfier 4032 fois plus qu’il ne l’eſt à la ſurface de la terre l’at-