Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/10

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Ce que je voudrais écrire, ce n’est pas le roman : c’est l’histoire d’un de ces hommes souverainement sensibles et souverainement intelligents, dont la vie mystérieuse touche à tout et ne se mêle à rien ; qui ne communiquent avec le monde matériel que par les rapports qu’imposent le devoir ou le besoin, et qui embrassent le monde moral dans leurs conceptions ; qui ne tiennent sur la terre que la place d’un enfant naïf et timide, qui n’y exercent que les droits limités de l’ilote et du paria, et dont la parole fera un jour la loi aux sages et aux potentats : histoire ordinairement simple dans les événements, mais étrange et variée dans les sensations ; pleine d’espérances dont l’objet nous échappe, de luttes et de triomphes, d’entreprises et de conquêtes, de joies indicibles et de profondes douleurs que nous connaissons à peine, parce qu’elles appartiennent à une espèce plus relevée que la nôtre ; immense, enfin, dans ses tentatives, dans ses déceptions, dans ses jouissances, dans ses péripéties, dans son cours et dans sa fin, comme la nature, comme la poésie, comme l’âme, parce que l’histoire de la nature, de la poésie, de l’âme, c’est l’histoire même du poëte, parce que le cœur du poëte contient, et bien plus encore, tout ce que l’humanité a senti, aime tout ce qu’elle a aimé, possède tout ce qu’elle envie, souffre, quand il s’y condamne par la libre action de la pensée, tout ce qu’elle est capable de souffrir. J’exprimerais dans un seul type tous les traits dont se compose la physionomie mobile et presque insaisissable de l’homme. J’écrirais l’histoire d’Olivier Goldsmith.

Il suffit de jeter les yeux sur la forme de cet écrit pour