Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/224

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promet le plus. Partout le fondateur de notre religion se proclame lui-même l’ami du pauvre, et, bien différent des faux amis de ce monde, il prodigue, lui, toutes ses caresses à celui que le monde abandonne. Les esprits légers le lui reprochent comme un acte de partialité, comme une préférence qu’aucuns mérites ne justifient ; mais ils n’y songent pas ; le ciel lui-même ne peut faire que l’offre d’une éternelle félicité ait, pour les heureux de la terre, le même prix que pour les malheureux. L’éternité en effet, pour les premiers, c’est simplement du bonheur, tout au plus du bonheur ajouté à celui qu’ils possèdent déjà ; pour les autres, c’est un double trésor ; car ici-bas elle allège leurs maux, et, plus tard, elle les récompense par toutes les félicités du ciel.

« La Providence est, à un autre point de vue, plus propice au pauvre qu’au riche ; car, en rendant plus désirable la vie qui commence à la mort, la pauvreté adoucit le passage de la mort à cette vie. Le malheureux est depuis longtemps familiarisé avec tous les genres de terreur. La mort, pour l’homme qui souffre, c’est un lit sur lequel il se couche tranquillement ; pour lui, pas de biens à regretter, pas de liens qui arrêtent son départ ; une seule crise dans la séparation dernière, celle de la nature ; et cette crise n’est pas plus forte que celle sous lesquelles il s’est plus d’une fois senti défaillir ; car, après certain degré de douleur, chaque nouveau coup que la mort porte à l’organisme, la nature, dans sa prévoyante tendresse, l’amortit par l’insensibilité.

« Ainsi la Providence a donné au pauvre deux avantages sur le riche ; dans ce monde, plus de bonheur à mourir ; dans le ciel un sentiment du plaisir rendu plus exquis par le contraste de la jouissance et de la misère. Et ce sentiment, mes amis, n’est pas un mince avantage. C’est l’un des plaisirs du pauvre de la parabole ; déjà dans le ciel, déjà enivré de toutes les joies qu’on y peut goûter, l’Écriture remarque, comme un surcroît de bonheur pour lui, qu’il a été dans la douleur et