Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/225

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’il est consolé ; qu’il a su ce que c’est que la misère et qu’il sent ce que c’est que le bonheur.

« Vous le voyez, mes amis, la religion fait ce que ne peut faire la philosophie ; elle montre l’équité du ciel dans la répartition du bonheur et de la misère ; elle ramène au même niveau à peu près toutes les joies de l’humanité ; elle donne au riche et au pauvre le même bonheur dans l’autre vie ; elle leur donne un égal espoir de l’obtenir. Si le riche a, dans cette vie, l’avantage de plaisirs immédiats, le pauvre, dans l’autre vie, quand il se voit couronné d’une félicité éternelle, a l’éternelle satisfaction de savoir ce que c’est que le malheur. Triste avantage, dira-t-on ; oui ! mais, comme il est éternel, sa durée compense l’excédant d’intensité du bonheur temporel des grands sur la terre.

« Voilà les consolations spéciales qui placent au-dessus du reste de l’espèce humaine le malheureux, au-dessous d’elle à tous autres égards. Pour connaître les misères du pauvre, il faut vivre de sa vie, il faut en souffrir. Déclamer sur ses avantages temporels, c’est répéter ce que nul ne croit, ce que nul ne pratique. Tant qu’on a le nécessaire, on n’est pas pauvre ; quand on ne l’a plus, on est nécessairement misérable. Oui, mes amis, nous sommes nécessairement misérables. Tous les efforts de l’imagination la plus féconde ne peuvent faire taire les besoins de la nature, ne peuvent donner chaleur et élasticité à l’humide vapeur d’un cachot, ou calmer les battements d’un cœur brisé. Laissons le philosophe, sur sa molle couche, nous dire que ce sont choses auxquelles on peut résister. Hélas ! les efforts qu’exige cette résistance sont le pire des maux. La mort est peu de chose, et chacun peut la supporter. Mais les tourments !… ils sont terribles, et nul ne peut les endurer.

« C’est pour nous, surtout, mes amis, que la promesse du bonheur dans le ciel est précieuse ; car si nous n’avons de récompense que