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HISTOIRE DE FRANCE

raient tout le jour se tailler en pièces, et s’asseoir ensuite au banquet du soir. Sur la terre, il leur parlait d’une ville sainte, d’une cité des Ases, Asgard, lieu de bonheur et de sainteté, patrie sacrée d’où les races germaniques avaient été chassées jadis, et qu’elles devaient chercher dans leurs courses par le monde[1]. Cette croyance put exercer quelque influence sur les migrations barbares ; peut-être la recherche de la ville sainte n’y fut-elle pas étrangère, comme une autre ville sainte fut plus tard le but des croisades.

Entre les tribus odiniques, nous remarquons une différence essentielle. Chez les Goths, Lombards et Burgondes, prévalait l’autorité des chefs militaires qui les menaient au combat, celle des Amali, des Balti[2]. L’esprit de la bande guerrière, du comitatus, aperçu déjà par Tacite dans les premiers Germains, était tout-puissant chez ces peuples. « Le rôle de compagnon n’a rien dont on rougisse. Il a ses rangs, ses degrés, le prince en décide. Entre les compagnons, c’est à qui sera le premier auprès du prince ; entre les princes, c’est à qui aura le plus de compagnons et les plus ardents. C’est la dignité, c’est la puissance d’être toujours entouré d’une bande d’élite ; c’est un ornement dans la paix, un rempart dans la guerre. Celui qui se distingue par le nombre et la bravoure des siens, de-

  1. Dans la Saga de Regnar Lodbrog, les Normands vont à la recherche de Rome, dont on leur a vanté les richesses et la gloire ; ils arrivent à Luna, la prennent pour Rome et la pillent. Détrompés, ils rencontrent un vieillard qui marche avec des souliers de fer ; il leur dit qu’il va à Rome, mais que cette ville est si loin qu’il a déjà usé une pareille paire de souliers, ce qui les décourage.
  2. App. 63.