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MONDE GERMANIQUE

vient glorieux et renommé, non seulement dans sa patrie, mais encore dans les cités voisines. On le recherche par des ambassades ; on lui envoie des présents ; souvent son nom seul fait le succès d’une guerre. Sur le champ de bataille, il est honteux au prince d’être surpassé en courage ; il est honteux à la bande de ne pas égaler le courage de son prince. À jamais infâme celui qui lui survit, qui revient sans lui du combat. Le défendre, le couvrir de son corps, rapporter à sa gloire ce qu’on fait soi-même de beau, voilà leur premier serment. Les princes combattent pour la victoire, les compagnons pour le prince. Si la cité qui les vit naître languit dans l’oisiveté d’une longue paix, ces chefs de la jeunesse vont chercher la guerre chez quelque peuple étranger ; tant cette nation hait le repos ! D’ailleurs, on s’illustre plus facilement dans les hasards, et l’on a besoin du règne de la force et des armes pour entretenir de nombreux compagnons. C’est au prince qu’ils demandent ce cheval de bataille, cette victorieuse et sanglante framée. Sa table, abondante et grossière, voilà la solde. La guerre y fournit, et le pillage[1]. »

Ce principe d’attachement à un chef, ce dévouement personnel, cette religion de l’homme envers l’homme, qui plus tard devint le principe de l’organisation féodale, ne paraît pas de bonne heure chez l’autre branche des tribus odiniques. Les Saxons semblent ignorer d’abord cette hiérarchie de la bande

  1. Tacite.