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HISTOIRE DE FRANCE

l’avait tenu à l’autel pleurant et balayant la poussière de ses cheveux blancs ; comment il s’était enquis des péchés de son père, nouveau Cham qui livrait à la risée la nudité paternelle ; comment il avait dressé sa confession : quelle confession ! toute pleine de calomnies et de mensonges. C’était l’archevêque Ebbon, condisciple de Louis et son frère de lait, l’un de ces fils de serfs qu’il aimait tant[1], qui lui avait arraché le baudrier et mis le cilice. Mais en lui enlevant la ceinture et l’épée, en lui ôtant le costume des tyrans et des nobles, ils l’avaient fait apparaître au peuple comme peuple, comme saint et comme homme. Et son histoire n’était autre que celle de l’homme biblique : son Ève l’avait perdu ; ou si l’on veut, l’une de ces filles des géants qui, dans la Genèse, séduisent les enfants de Dieu. D’autre part, dans ce merveilleux

  1. Plusieurs faits témoignent de la prédilection de Louis pour les serfs, pour les pauvres, pour les vaincus. Il donna un jour tous les habits qu’il portait à un serf, vitrier du couvent de Saint-Gall. (Moine de Saint-Gall.) — On a vu son affection pour les Saxons et les Aquitains ; il avait dans sa jeunesse porté le costume de ces derniers. « Le jeune Louis, obéissant aux ordres de son père, de tout son cœur et de tout son pouvoir, vint le trouver à Paderborn, suivi d’une troupe de jeunes gens de son âge, et revêtu de l’habit gascon, c’est-à-dire portant le petit surtout rond, la chemise à manches longues et pendantes jusqu’au genou, les éperons lacés sur les bottines, et le javelot à la main. Tel avait été le plaisir et la volonté du roi. » (L’Astronome.) — « De plus, et se trouvant absent, le roi Louis voulut que les procès des pauvres fussent réglés de manière que l’un d’eux qui, quoique totalement infirme, paraissait doué de plus d’énergie et d’intelligence que les autres, connût de leurs délits, prescrivit les restitutions de vols, la peine du talion pour les injures et les voies de fait, et prononçât même, dans les cas plus graves, l’amputation des membres, la perte de la tête, et jusqu’au supplice de la potence. Cet homme établit des ducs, des tribuns et des centurions, leur donna des vicaires, et remplit avec fermeté la tâche qui lui était confiée. » (Moine de Saint-Gall.) — App. 162.