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DISSOLUTION DE L’EMPIRE CARLOVINGIEN

exemple de souffrance et de patience, dans cet homme injurié, conspué, et bénissant tous les outrages, on croyait reconnaître la patience de Job, ou plutôt une image du Sauveur ; rien n’y avait manqué, ni le vinaigre ni l’absinthe.

Ainsi le vieil empereur se trouva relevé par son abaissement même : tout le monde s’éloigna du parricide. Abandonné des grands (834-5), et ne pouvant cette fois séduire les partisans de son père[1], Lothaire s’enfuit en Italie. Malade lui-même, il vit, dans le cours d’un été (836), mourir tous les chefs de son parti, les évêques d’Amiens et de Troyes, son beau-père Hugues, les comtes Matfried et Lambert, Agimbert de Perche, Godfried et son fils, Borgarit, préfet de ses chasses, une foule d’autres. Ebbon, déposé du siège de Reims, passa le reste de sa vie dans l’obscurité et dans l’exil. Wala se retira au monastère de Bobbio, près du tombeau de saint Colomban ; un frère de saint Arnulf de Metz, l’aïeul des Carlovingiens, avait été abbé de ce monastère. Wala y mourut l’année même où périrent tant d’hommes de son parti, s’écriant à chaque instant : « Pourquoi suis-je né un homme de querelle, un homme de discorde[2] ? » Ce petit-fils de Charles-Martel, ce moine politique, ce saint factieux, cet homme dur, ardent, passionné, enfermé par Charlemagne dans un monastère, puis

  1. Tous se trouvaient d’accord, sans doute par mécontentement contre Lothaire, c’est-à-dire contre l’unité de l’Empire. Bernard semble pour l’empereur contre ses fils, mais pour Pepin, c’est-à-dire pour l’Aquitaine, même contre l’empereur. App. 163.
  2. App. 164.