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DISSOLUTION DE L’EMPIRE CARLOVINGIEN

composaient l’empire de Charlemagne sont de nouveau séparés ; et non seulement les royaumes, mais bientôt les duchés, les comtés, les simples seigneuries.

L’année même de sa mort (877), Charles-le-Chauve avait signé l’hérédité des comtés ; celle des fiefs existait déjà. Les comtes, jusque-là magistrats amovibles, devinrent des souverains héréditaires, chacun dans le pays qu’ils administraient. Cette concession fut amenée par la force des choses. Charles-le-Chauve avait au contraire défendu d’abord aux seigneurs de bâtir des châteaux, défense vaine et coupable au milieu des ravages des Northmans. Il finit par céder à la nécessité : il reconnut l’hérédité des comtés (877)[1] ; c’était résigner la souveraineté. Les comtes, les seigneurs, voilà les véritables héritiers de Charles-le-Chauve. Déjà il a marié ses filles aux plus vaillants d’entre eux, à ceux de Bretagne et de Flandre.

Ces libérateurs du pays occuperont les défilés des montagnes, les passes des fleuves ; ils y dresseront leurs forts, ils s’y maintiendront à la fois, et contre les barbares, et contre le prince, qui, de temps en temps, aura la tentation de ressaisir le pouvoir qu’il abandonne à regret. Mais les peuples n’ont plus que haine et mépris pour un roi qui ne sait point les défendre. Ils se serrent autour de leurs défenseurs, autour des seigneurs et des comtes. Rien de plus populaire que la féodalité à sa naissance. Le souvenir confus de cette popularité est resté dans les romans,

  1. Il assure l’héritage au fils, lors même qu’il est encore enfant à la mort du père. S’il n’y a point de fils, le prince disposera du comté.