Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/115

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lecteur un second nuage. Pendant qu’incertain, fatigué, il tâtonnera dans les ténèbres, nous emporterons prestement la difficulté ; à la phrase suivante, nous lui dirons : « J’ai gagné la bataille. » Comme il est bon homme, il nous croira. Et voilà comment on fonde une philosophie.

Page 20. Plus que jamais, fidèle à la méthode psychologique, au lieu de sortir de l’observation, je m’y enfonçai davantage, et c’est par l’observation que, dans l’intimité de la conscience et à un degré où Kant n’avait pas pénétré, sous la relativité et la subjectivité apparentes des principes nécessaires, j’atteignis et démêlai le fait instantané, mais réel, de l’aperception spontanée de la vérité, aperception qui, ne se réfléchissant point elle-même, passe inaperçue dans les profondeurs de la conscience, mais y est la base véritable de ce qui, plus tard, sous une forme logique et entre les mains de la réflexion, devient une conception nécessaire. Toute subjectivité avec toute réflexivité expire dans la spontanéité de la perception.

La métaphore est magnifique. On se croit au fond d’un trou, (en effet on y est). On plonge dans cette sombre cave, et on cherche des mains l’entrée du précieux et nouveau souterrain où M. Cousin dit avoir trouvé son trésor. En même temps tous ces grands mots, relativité, subjectivité, réflexivité, spontanéité, font un cliquetis qui berce agréablement l’oreille, étourdit la pensée, et fait supposer au lecteur qu’il écoute un concert chi-