Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/152

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l’univers dans ses conséquences. Ne pouvant se donner ce plaisir lui-même, il appelle les autres à son aide ; il expose un, deux, dix, vingt systèmes. Chaque philosophie, en coulant sur son esprit, dépose en lui quelques débris d’elle-même. Naturellement tous ces débris s’assemblent, emportés par un courant d’éloquence, et dirigés à peu près dans le même sens par les habitudes françaises et par l’éducation psychologique de l’auteur. Vous voyez que tout s’accorde et s’explique. Il n’est pas philosophe, et il est poète : de là son histoire de la philosophie et son éclectisme. Il est orateur : en attendant que le génie oratoire l’envahisse tout entier et lui façonne sa métaphysique, il se contente d’être le plus grand et le plus admirable des professeurs.

Ce fut le premier âge de sa pensée, et c’est alors qu’il fut pris par la philosophie allemande. Il alla à Munich en 1818, connut Schelling et Hégel, devint leur disciple. Faute d’invention personnelle, il s’abandonnait au mouvement de la pensée publique ; or la pensée publique aboutissait à ce système le plus audacieux et le dernier du siècle. On comprend qu’il ait fait plus d’impression qu’un autre dans un esprit qui recevait, traduisait ou interprétait la métaphysique, mais ne la créait pas.

J’ai lu Hégel, tous les jours, pendant une année entière, en province ; il est probable que je ne re-