Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/175

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Voici les preuves sur lesquelles on établit cette théorie. Elles sont dispersées dans les différents ouvrages de M. Cousin. Je vais les exposer avec toute la rigueur dont je suis capable.

On ne peut tirer d’une chose que ce qu’elle contient ; on ne peut donc tirer des jugements portés par les sens et par la conscience autre chose que ce qu’ils renferment. Ils ne renferment qu’un rapport de contingence, et ne renferment pas de rapport nécessaire. Dans ces deux jugements : «Je souffre ; cette pierre est ronde, » il n’y a qu’un rapport contingent, il n’y a point de rapport nécessaire. On ne peut donc tirer d’eux un rapport nécessaire. Donc les axiomes ou jugements nécessaires ne peuvent être tirés des jugements portés par la conscience et les sens.

Autre point de vue : additionnez tous les cas où par les sens et la conscience vous avez remarqué que le tout est plus grand que la partie, qu’une qualité suppose une substance, et autres vérités semblables. Votre vie a commencé ; donc vous n’avez remarqué qu’un nombre limité de cas ; donc le total de votre addition ne comprendra qu’un nombre limité de cas. Mais l’axiome : toute qualité suppose une substance, s’applique à la totalité des cas, non-seulement à tous ceux que vous avez remarqués, mais à tous ceux qui vous ont précédé, à tous ceux qui paraîtront après