Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/176

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vous, à tous ceux que vous ne connaissez pas. Donc vous ne l’avez pas formé en additionnant vos expériences, c’est-à-dire les jugements portés par votre conscience et par vos sens. Donc vous ne l’avez pas tiré de ces jugements. — De même, additionnez toutes les étendues finies que vous avez observées. Votre vie a commencé ; donc vous n’avez pu en observer qu’un nombre fini ; donc en les joignant bout à bout, vous n’avez encore qu’une quantité finie. Mais l’espace est une quantité infinie. Vous n’avez donc pas formé son idée en additionnant toutes les étendues que vos sens ont observées. Donc vous n’avez pas tiré sa notion des notions que vous acquérez par les sens.

En résumé, on ne tire pas l’universel du particulier, l’infini du fini, le nécessaire du contingent, par cette raison très-simple qu’on ne tire pas d’une chose ce qu’elle ne contient pas.

Appelons ces axiomes vérités absolues ; à l’instant la théorie se complète. « Comme tout phénomène a son sujet d’inhérence, comme nos facultés, nos pensées, nos volitions et nos sensations n’existent que dans un être qui est nous, de même la vérité suppose un être en qui elle réside, et les vérités absolues supposent un être absolu comme elles, où elles ont leur dernier fondement. Cet être absolu et nécessaire, puisqu’il est le sujet des vérités