Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/59

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sans abolir la vie ni les sensations brutes ! Vous attachez tel groupe de facultés à tel morceau de pulpe cérébrale ! Vous préparez les expériences de ce médecin, qui, pressant ou lâchant la cervelle saillante d’un trépané, supprimait et ranimait en lui la pensée, à l’instant, d’un coup de pouce, ouvrant et fermant tour à tour l’intelligence aussi sûrement qu’un robinet ! Cessez de compromettre l’immortalité de l’âme ; et quand vous ouvrez votre trousse, songez que vous allez trancher dans les croyances morales du genre humain. »

Nous remontons en cabriolet, et nous arrivons chez M. Élie de Beaumont. « Ah ! monsieur, quelle pernicieuse doctrine que celle du soulèvement des montagnes ! Quoi ! indiquer l’âge des chaînes, marquer la succession des continents, prouver les convulsions périodiques du globe ? L’homme n’est donc plus le propriétaire d’un sol destiné, préparé, assuré à sa race, le roi paisible d’une nature qui a travaillé et qui s’est pacifiée pour lui ? C’est l’hôte passager d’une terre vingt fois fracassée, le jouet fragile des forces souterraines qui font bouillonner des tempêtes de lave sous ses pieds. Notre civilisation n’est donc qu’une jolie fleur éclose entre deux éruptions au bord d’un cratère ! Cessez de décourager le travail et l’espérance, et choisissez une hypothèse consolante pour le genre humain. »

Nous courons rue Saint-Jacques ; nous grim-