À S. M. Amélie, Reine des Français (O. C. Élisa Mercœur)

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Mlle ÉLISA MERCŒUR
À SA MAJESTÉ
AMÉLIE, REINE DES FRANÇAIS.

 

        Heureux à qui le Temps amène
Un moment à passer prés de leur Souveraine !
...............
Esclave du malheur, est-ce à moi, pauvre Muse,
        De franchir le seuil des palais ?
...............
Et, pour moi, du matin sois la douce rosée
Qui baigne en l’entr’ouvrant une timide fleur.

Élisa Mercœur.
 

        Toi qui sais joindre au rang suprême
        Une touchante majesté,
Reine dont la vertu, dont l’auguste bonté,
Fleuronnent de bienfaits le royal diadème.

        Bientôt honorés en ce jour
        De la faveur de ta présence,
Les interprètes de la France
Vont t’offrir de ton peuple et les vœux et l’amour.
        Heureux à qui le Temps amène
Un moment à passer près de leur Souveraine !
Noble instant !… Si le sort me l’apportait jamais…
Qu’ai-je dit ! non ! silence à l’espoir qui m’abuse !…
Quels que soient mes désirs, quels que soient mes regrets,
Esclave du malheur, est-ce à moi, pauvre Muse,
        De franchir le seuil des palais ?

Mais si je dois rester de tes regards absente,
J’éprouve le besoin de te parler de moi,
Et mon âme confie à ma plume tremblante
L’expression des vœux qu’elle forme pour toi.
En faveur d’un tel jour pardonnant ce message,
Puisses-tu d’un poète accueillir l’humble hommage.
Excuser son audace et daigner excuser
Ce souhait que pour moi j’ose enfin l’adresser.

Toi qu’on dirait un ange exilé sur la terre ;
Toi dont le ciel lui-même a su rendre le cœur
Des plus douces vertus l’auguste sanctuaire,
Ah ! lorsque, par l’effet d’un prestige enchanteur.
Aux yeux de l’orphelin tu parais une mère,
À ceux du malheureux tu sembles une sœur !
Daigne, daigne à ma vie accorder un sourire ;

Mon aurore est, hélas ! plus sombre que le soir ;
Fleur que bat l’ouragan j’ai besoin d’un zéphyre,
        J’ai besoin d’un rayon d’espoir.
Ah ! sois le souffle heureux que j’attends pour éclorre ;
        Ce bonheur qui me fuit encore
Viendrait s’il entendait un accent de ta voix ;
Un seul de tes regards tombant sur ma misère
Embellirait soudain mon chemin solitaire,
De ma lourde existence allégerait le poids.
Ah ! ranime en mon sein l’espérance épuisée,
Fais entendre à mon âme un mot consolateur ;
Et, pour moi, du matin sois la douce rosée
Qui baigne en l’entr’ouvrant une timide fleur.


(1er janvier 1834.)