À S. M. Louis-Philippe Ier (O. C. Élisa Mercœur)
De ces jours effacez l’histoire ; |
Élisa Mercœur. |
Sous les efforts du temps si le héros succombe, |
Non, tu n’es pas la Liberté,
Toi qu’enfanta la haine et que l’opprobre adore,
De nos Républicains, loi sombre Déité.
Ce bonnet phrygien dont leur main te décore,
Cet emblème imposteur de ta divinité
Pare en vain de ton front la hideuse beauté ;
Toi, qui viens sous son nom pour nous tromper encore,
Non, tu n’es pas la Liberté !
Non, tu ne fus pas la déesse
Qui vit naître son culte au bord de l’Eurotas,
Celle pour qui sont morts, aux beaux jours de la Grèce,
Thémistocle et Léonidas.
Plus tard, tu ne fus pas l’Idole
Qu’invoquait dans sa gloire, aux pieds du Capitole,
L’éternelle cité des fils de Romulus.
Non, tu n’es pas la vierge austère, et noble et belle,
Dont l’amour fécondant leurs stoïques vertus
Brûlait d’une flamme immortelle
Le cœur de Paul-Émile et du premier Brutus !
Synonyme du crime, anarchie ou licence,
C’est en vain que, dans leur démence,
Tes coupables adorateurs,
Des droits les plus sacrés ardens profanateurs,
Osent proclamer ta puissance.
Toi, qui d’un Robespierre inspiras les forfaits,
Divinité du sang, ton culte fanatique
N’a plus droit de cité sous le doux ciel français.
Arrière, loin de nous sois bannie à jamais,
Liberticide République !
Et vous, de la Patrie enfans dégénérés,
Vous, contre la raison et les lois conjurés,
Quoi ! c’est en invoquant les noms les plus sublimes,
Les noms de Liberté, de Patrie et d’Honneur,
Mots divins, mots puissans, compris de tout grand cœur,
C’est au nom des vertus que vous courez aux crimes !
Arrêtez, arrêtez, fougueux Républicains !
Qu’ils tombent ces poignards qui brillent dans vos mains !
Arrêtez, arrêtez ! il en est temps encore !
Comprimez ce brûlant accès
De la fièvre qui vous dévore ;
Frémissez de passer de l’erreur aux forfaits,
Malheureux !… Mais eu vain la raison vous éclaire.
Eh bien ! déshonorés, vaincus ou triomphans.
Donnez-le, le signal de cette horrible guerre,
Et sur le sein de votre mère,
Courez vous égorger, parricides enfans !
Ô douleur ! la lutte s’engage,
Le défi du combat dans les rangs est porté.
Généreux champions du pouvoir insulté,
Accourez venger son outrage.
Aux armes, citoyens ! aux armes, Liberté !
Défends-toi ! relève le gage
Que la licence t’a jeté.
Aux armes ! sauvez la Patrie,
Vous, citoyens-soldats, vous, soldats-citoyens !
Unissez-vous, nobles soutiens
De sa cause sainte et chérie !
De l’honneur et des lois, ô vous les défenseurs,
Venez ! combattez-les ces futurs sénateurs,
Prêchant l’égalité, mais dont chacun espère,
Dans ce sang plébéien que répand leur fureur,
Tremper sa toge consulaire
Ou son manteau de dictateur.
Mais du pays le chef suprême
Ignore-t-il votre danger ?
Ou, dégénéré de soi-même,
Loin d’accourir le partager,
De son poste royal chassé par la tempête,
En se découronnant aurait-il mis sa tête
Sous l’abri d’un ciel étranger ?
Fuir ! ah ! par ce soupçon gardez-vous d’outrager
Sa patriotique vaillance !
Fuir ?… quand on meurt pour lui !… Regardez qui s’avance,
Le reconnaissez-vous ? c’est lui !… Voici le Roi [1] !
Le Roi, plus digne encor de régner sur la France.
Et ceux qui l’accusaient d’avoir trahi sa foi,
Confrontés avec lui, trop aisés à confondre,
Accusateurs vaincus, n’osent voir sans effroi
L’accusé qui vient leur répondre.
Français, ouvrez vos rangs au monarque-soldat.
Citoyen comme vous, pour défendre l’État,
C’est la liberté qui l’amène.
De votre fier courage entourez sa valeur ;
Réunissez-vous à la peine,
Pour vous retrouver à l’honneur.
C’en est fait, la raison a vaincu la démence ;
Le courage de la vertu
A vu, désabusé de sa noire espérance,
Le courage du crime à ses pieds abattu.
Vous qui la remportez, d’une telle victoire
Si l’envie ose encor vous dénier la gloire,
Rappelez-vous ces insulteurs [2]
Qui, dans Rome suivant la marche des vainqueurs,
Mêlaient des cris d’injure à la publique joie,
Et, pour les arrêter, se plaçaient sur la voie
Où passaient les triomphateurs.
Vous qui, d’une main parricide,
Aiguisiez de Sylla le stylet homicide,
Pour graver de nouveau les tables de nos lois,
Et du vote de tous vous croyant sûrs d’avance,
Prétendant au pouvoir, vouliez remettre aux voix
Le droit de gouverner la France,
Répondez maintenant, vos vœux sont secondés,
Les partis ont voté sur le champ du carnage :
Dépouillez les scrutins, comptez chaque suffrage,
La France marchait-elle avec vous, répondez ?
Et vous qui, déplorant l’erreur de leur courage,
De ces Républicains condamnez les fureurs ;
Vous du moins, purs adorateurs
De la Divinité qu’insulte leur hommage,
Croyez-le, quelque espoir qui charme vos esprits,
Vous attendez en vain son retour dans cet âge.
Ne vous fatiguez pas à chercher les débris
De ses autels brisés, de ses temples détruits.
Aux jours où c’était elle, et non plus la licence
Dont le culte sacré s’étendit sur la France,
Alors, sans doute alors, comme au temps des Romains,
Le titre de Républicains
À des héros français honoré la vaillance.
En suivant ses drapeaux, alors nos fiers guerriers
Trouvaient les champs féconds en civiques lauriers.
Au passage d’un peuple libre
Dans trois mondes frayant mille chemins divers,
D’un bruit de gloire alors éveillant l’univers,
Ils ont courbé les flots de la Meuse et du Tibre,
Puis du Nil, du Jourdain, vieux fleuves des déserts !
Eh bien ! ces défenseurs de la cause commune,
Qu’un triomphe nouveau couronnait chaque jour,
Ces stoïques humains, éprouvés tour à tour
Par le malheur et la fortune,
Ces généreux Républicains,
Dont l’exemple vivant vous séduit, vous attire,
Se sont inclinés sous l’Empire.
Ah ! si de tels guerriers, si ces Français-Romains,
Ont pu laisser tomber les faisceaux de leurs mains,
Jeunes gens, c’est qu’il faut se dire :
Que, quelque bras puissant qui conduise son char.
Si jamais dans nos murs revient la République,
Pour la frapper encor de son fer despotique,
Des rangs de nos Brutus doit surgir un César !
Et toi, Monarque élu par le vœu populaire,
Toi, de nos libertés royal dépositaire,
Ah ! qu’importe dans leur fureur,
Dans leur fanatique délire,
Si de vils factieux, qu’un Dieu de haine inspire,
Prophètes insensés, du nom d’usurpateur
Osent jeter sur toi l’anathème imposteur !
Au banc des souverains ta place est légitime.
Tu n’as pas dit, vainqueur par la force ou le crime,
À la France, contrainte à ployer devant toi :
Sois mon peuple, je viens t’imposer ma puissance.
Mais lui-même, l’offrant sa libre obéissance,
Ton peuple t’a dit : Sois mon Roi !
Et tu l’es, et tu veux la France noble et belle,
Appuyant ton pouvoir sur les lois et l’honneur,
Protecteur de ses droits, fier et jaloux pour elle
De sa force et de sa grandeur.
Tu rougirais de voir la nation captive,
Dans cette obéissance et muette et passive,
D’un cœur qui n’a plus rien pour sentir un affront.
En rivant à ses bras la chaîne féodale,
Se courber devant toi comme une humble vassale,
Et placer tes pieds sur son front.
Non, tu n’as point rêvé ce gothique esclavage ;
Tu veux la liberté, mais la liberté sage.
Ah ! poursuis, accomplis ta haute mission !
Le succès appartient au zèle qui t’anime.
Séparés de la nation,
Des partis opposés que rassemble le crime,
En vain la coupable union
Voudrait tenter encor d’ébranler ta puissance :
Garant d’une immortelle foi,
Rien ne peut déchirer le pacte d’alliance
Formé par la raison entre ton peuple et toi.