À tire-d’aile (Jacques Normand)/18

La bibliothèque libre.
Calmann Lévy, éditeur (p. 81-82).

XVII

LA MOUCHE.


Contre le vitrail perfide
D’un vol bruyant et rapide

Cent fois répété,

La mouche se jette, lasse,
Ardente, avide d’espace

Et de liberté.


Elle sent, séparé d’elle
Par un invisible mur,
Le grand ciel libre où son aile
Pourrait voler dans l’air pur.


Soudain, contre la croisée
Elle tombe… puis, brisée,

Elle meurt, sans voir,

Que par la porte béante
Elle eût pu sortir vivante

De son cachot noir.


Trop souvent l’homme est semblable
À cette mouche : ébloui,
Il voit le bonheur probable
Qui rayonne devant lui :

Si quelque obstacle l’arrête,
Comme un fou, perdant la tête

Il veut s’acharner,

Et tombe — navrant spectacle ! —
Renversé par un obstacle

Qu’il pouvait tourner !