À travers l’Afrique/Chapitre26

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Traduction par Henriette Loreau.
Librairie Hachette (p. 369-381).

CHAPITRE XXVI


Grande médecine contre l’incendie. — Cérémonie compliquée. — Mendicité de Kassonngo. — Conduite révoltante des gens d’Alvez. — Sans pitié pour le faible, rampants devant le fort. — Générosité de Djoumah Méricani. — La rivière du Diable. — Arbres étrangers. — Mes gens prennent du pommbé pour de l’eau. — Marais et fondrières. — Fourmilières gigantesques. — Monarque redouté de son peuple. — Présent bien accueilli. — Effroi d’un chef. — Tactique d’Alvez. — Un nouvel arrivant. — Détresse. — Je me décide à partir seul. — Résultat de la fermeté.


Avant de consentir à se mettre en route, Alvez avait déclaré qu’il fallait se préserver de l’incendie par une grande médecine, le feu étant fort à craindre dans la saison sèche où l’on se trouvait alors ; nous étions payés pour le savoir.

Malgré sa qualité de chrétien, le chef de notre caravane paraissait croire fermement à l’incantation, et avait engagé à Bihé un féticheur pour toute la durée du voyage. Les services divinatoires et magiques de cet individu étaient payés le même prix que ceux d’un porteur, mais avec adjonction d’un casuel. C’était ce magicien qui devait nous prémunir contre le feu.

La cérémonie commença un peu avant la chute du jour, et se fit aussi près que possible de l’endroit où l’incendie avait éclaté. J’avais beaucoup ri d’abord en entendant Alvez donner l’ordre d’acheter la chèvre la moins chère qu’on pût trouver : cet animal était nécessaire à l’accomplissement des rites.

Au moment donc où le soleil allait se coucher, le féticheur et son acolyte arrivèrent avec tous les éléments de l’incantation, qui comprenait la susdite chèvre, une poule, un grand vase rempli d’eau, un panier contenant de l’argile, une balle faite avec des lambeaux d’écorce, de la boue et de la fiente, une sébile, des racines, des fragments de ramilles, une branche dépouillée de feuilles, une houe, des couteaux, une hache, de la terre de pipe, enfin une auge d’écorce au milieu de laquelle était fixé un bâton posé transversalement.

L’acolyte, un jeune garçon décoré de trois lignes blanches, — la première descendait du front au bout du nez, la seconde traversait la lèvre supérieure, la troisième était au milieu de la poitrine, — l’acolyte alla s’asseoir sur l’auge, en face du midi ; le féticheur s’assit de l’autre côté, et, lui tournant le dos, eut la figure au nord.

Ainsi placés, ils se frottèrent réciproquement les bras, tandis que le magicien marmottait des paroles mystiques. Le frottement terminé, l’acolyte se leva et posa la branche effeuillée sur l’auge. Ensuite, l’homme et l’enfant écorcèrent les brindilles et les racines, mirent l’écorce dans la sébile, la réduisirent en poudre et coupèrent les bûchettes en très petits morceaux.

Après cette opération, le féticheur traça sur le sol, avec son pied, une croix dont l’un des bras désignait le couchant ; il prit une poignée de la poudre d’écorce, en souffla une partie vers le soleil et le reste dans la direction contraire.

À la place où la croix avait été faite, on ouvrit alors une tranchée dans laquelle fut déposée l’auge magique. Le féticheur versa dans celle-ci une petite quantité d’eau et aspergea le sol, premièrement au nord, puis au midi. Il prit ensuite deux des racines qui avaient été pelées, cracha dessus, les déposa dans l’auge, chacun à un bout ; et se plaçant en face de l’extrémité méridionale, ramassa quelques-uns des fragments de brindilles qu’il jeta dans l’auge. Il accomplit cette opération en croisant les bras, de telle sorte que les petits morceaux de bois contenus dans la main gauche fussent jetés au levant du bâton lié en travers de l’augette, et ceux de la main droite au couchant du même bâton.

L’acolyte, placé au nord de l’auge, exécutait en même temps et strictement les mêmes actes. Puis tous deux allèrent se rasseoir, le féticheur à l’est, l’acolyte en face de lui. Une fois assis, ils prirent la poule, l’enfant tint les pattes et les ailes ; le féticheur saisit la tête, qu’il frotta avec de l’argile blanche, et coupa la gorge du volatile, en ayant soin de faire tomber le sang dans l’auge et sur la barre transversale.

Quand la poule fut morte, le magicien la posa par terre, au midi de l’augette, où le sol avait été aspergé, et lui tourna la tête au levant. La même cérémonie eut lieu à l’égard de la chèvre, que deux assistants aidèrent à maintenir, et dont le cadavre, placé au nord, à l’endroit également bénit, regarda le couchant.

Après s’être lavé la figure avec de l’eau mêlée au sang des victimes, le magicien prit dans sa bouche un peu de cette eau ensanglantée et la projeta d’abord vers le soleil, puis du côté du levant. Il se frotta ensuite la poitrine et les mains avec de la poudre d’écorce, prise dans la sébile, et avec de l’eau du sacrifice. Son acolyte répétait tous ses actes.

Une nouvelle quantité d’eau, tirée du vase apporté par le magicien, fut versée dans l’augette. Alvez et beaucoup de ses hommes se lavèrent la figure avec cette eau et se frottèrent les mains avec la poudre d’écorce. Plusieurs de mes gens, bien que disciples de Mahomet, suivirent leur exemple.

L’augette fut retirée de la tranchée, on mit dans la sébile un peu de son contenu, et le reste fut jeté dans la fosse, où l’on jeta également les petits morceaux de bois et les boules de fiente et d’argile.

Le féticheur ayant couvert tout cela avec l’auge, planta la branche nue au levant de cette couverture. Enfin, il prit la sébile remplie d’eau lustrale, et faisant le tour du camp, il aspergea les huttes devant lesquelles il passait. La chèvre et la poule lui restèrent comme gratification.

Toute la cérémonie, évidemment, s’adressait au soleil, qu’elle avait pour but de nous rendre propice.

Je me flattais de m’être débarrassé de Kassonngo en refusant de répondre à sa mendicité ; mais au milieu de la nuit je fus réveillé par un bruit de paroles assez vives ; c’était lui qui était en marché avec Alvez pour l’acquisition du raïfle, que, par parenthèse, il paya deux dents d’éléphant.

Dès qu’il m’aperçut, il vint à moi et me pria de lui donner des cartouches. Sans l’écouter, je lui tournai le dos et rentrai dans ma case.

Il fut bientôt à ma porte, criant du dehors : « Bouana Camroni, vissonnghi, vissonnghi ! » (Maître Cameron, cartouches, cartouches !)

Je me mis à rire, et criai à mon tour : « Kassonngo, Kassonngo, vissonnghi, vissonnghi. » Mais il continua sa requête, posant un chiffre de plus en plus bas et finit par en demander une seule.

Le lendemain de bonne heure, nous étions en route pour le village de Lounga Mânndi, situé, disait-on, à dix jours de marche, près de la frontière occidentale de l’Ouroua. La caravane devait y acheter des vivres pour la traversée de l’Oussoumbé.

Les quatre premières étapes se firent dans un pays de bois et de montagnes, où les villages, presque tous fortifiés, étaient en grand nombre. Beaucoup de ces villages refusèrent de nous recevoir ; ils étaient dévoués à Déiyai, et craignaient que nous ne fussions envoyés par Kassonngo pour les attaquer.

Je ne saurais dire à quel point la conduite des gens d’Alvez était révoltante. Ils attaquaient toutes les petites bandes d’indigènes que nous rencontrions et les dépouillaient de leurs charges, composées principalement de grain et de poisson sec, que ces pauvres gens portaient à Kassonngo pour s’acquitter du tribut.

Pas une terre cultivée qui fût à l’abri de leurs ravages ; ils s’y abattaient comme une nuée de sauterelles, et, jetant leurs ballots, ils arrachaient les patates, déracinaient les arachides, dévastaient les moissons dont les épis n’étaient pas mûrs : tout cela pour s’amuser. Dans les villages, ils coupaient les bananiers, effeuillaient les élaïs pour construire leurs cabanes, faisant ainsi un tort irréparable aux villageois.

À mes remontrances, ils répondaient que Kassonngo les avait autorisés à prendre tout ce qui leur serait nécessaire. Mais, privés de leurs fusils, ils n’auraient pas agi de la sorte ; dès que nous entrâmes dans la région où les habitants avaient des armes à feu, ces bandits effrénés devinrent aussi doux que des colombes et cédèrent à toutes les demandes des indigènes.

Par suite de ce brigandage, on ne voyait plus dans les bourgades ouvertes ni femmes, ni enfants, ni chèvres, ni volailles ; on ne trouvait là qu’un petit nombre d’hommes, restés dans l’espoir de préserver les cases, et dont la présence ne servait à rien.

Ces courses n’avaient lieu qu’en pays découvert. Pas un de nos brigands ne se serait éloigné de la caravane, lorsqu’ils traversaient la jungle ; car on la disait remplie d’hommes armés qui s’emparaient des traînards ; le bruit courait que c’était pour les manger.

Je gardais autant que possible mes gens autour de moi, pour les empêcher de faire comme les autres ; mais cette précaution même les obligeait d’acheter les vivres volés que rapportaient les pillards. Je serais mort de faim cent fois pour une, si je n’avais pas rencontré Djoumah Méricani. Jamais on ne se montra plus généreux que celui-ci ne le fut à mon égard. Il m’avait approvisionné pendant tout mon séjour à Totéla, — trois mois et demi, alors que je n’étais plus son hôte, — et à l’instant même où nous partions, je vis arriver quatre de ses hommes chargés, non seulement de sacs de riz et de farine qu’il m’envoyait, mais encore d’une provision de tabac.

Dans ces quatre premières marches, nous avions passé de nombreux cours d’eau et suivi pendant quelque temps le Kilouïlouï ou Rivière du Diable, un nom bien mérité.

Le Kilouïlouï se rue au fond d’une crevasse, dont les parois de grès n’ont pas entre elles un écart de plus de vingt yards, crevasse profonde d’où la lumière est exclue par les branches des arbres qui croissent sur les deux rives, et qui forment une voûte impénétrable aux rayons du soleil. Vue d’en haut, toute la gorge semble aussi noire que l’Érèbe. Près du bord, la falaise est couverte de fougères, puis descend à pic jusqu’au torrent qui rugit à quelque cinquante pieds du jour et que signalent des étincelles d’écume, dans les endroits où le roc entrave sa course impétueuse vers le Lovoï.

Les arbres superbes abondent dans la forêt. Entre tous, le mpafou se fait remarquer par sa taille et par sa beauté. D’autres ont pour soutènement un cône formé de quatre ou cinq contreforts, ayant six pieds de tour, et allant en diminuant jusqu’à vingt pieds du sol ; de cette base, le tronc s’élève, droit et cylindrique, à une hauteur de soixante-dix à quatre-vingts pieds avant d’émettre sa première branche.

Ainsi qu’il arrivait toujours après un repos trop prolongé, mes hommes étaient incapables de faire une longue marche. Dix furent bientôt dans l’impossibilité de prendre leurs charges ; l’un d’eux était si faible qu’on fut obligé de le porter. Ils attribuaient leur maladie à la mauvaise qualité de l’eau de Totéla ; mais je crois qu’ils n’avaient guère absorbé de cette eau impure : la bière et le vin de palme abondaient, et ils avaient tous, dans le village, des amis qui leur en donnaient à discrétion. Chose assez curieuse, tous ceux que j’avais envoyés à Kanyoka faisaient partie des malades.

Au pays montagneux, succéda une série de plaines qui doivent être des marais à peu près infranchissables dans la saison des pluies et qui, à l’époque de sécheresse où nous les rencontrions étaient encore spongieuses. De grands trous, dus au passage des éléphants, en criblaient la surface. En différents endroits, les empreintes étaient fraîches, et, à en juger par leur nombre et par les dégâts commis sur les arbres et sur les arbustes, quelques-unes des bandes devaient avoir compté plus de cinq cents bêtes.

Il nous fallut traverser de nombreux cours d’eau qui passent entre ces plaines, parmi de petites ondulations, et que bordent fréquemment des marais d’un mille de large. Le Ndjivé surtout fut difficile à franchir : du bois sur les deux rives, et des berges couvertes d’arbres tombés, entre lesquels nous avions de la boue, souvent jusqu’à la ceinture. Voulait-on profiter du point d’appui illusoire que paraissaient offrir ces troncs glissants, ils tournaient sous l’effort que vous faisiez pour garder votre équilibre et vous précipitaient dans une eau stagnante et putride. Un ou deux exemples du fait nous apprirent qu’il valait mieux passer à gué, dans l’eau jusqu’à la taille, que de risquer un plongeon qui vous en mettait par-dessus la tête.


Les marais de Ndjivé.

Venait ensuite un espace herbu et sec, puis le marais proprement dit, traversé par un sentier où l’on enfonçait jusqu’aux genoux dans une bourbe tenace. Quelques-uns de nos gens essayèrent d’éviter cette chaussée boueuse en sautant d’une touffe d’herbe à l’autre, herbe longue et raide qui croissait abondamment dans le marais. Mais ces touffes, qu’ils croyaient résistantes, flottaient sur une fange liquide et visqueuse ; elles chavirèrent au premier bond ; et les imprudents furent lancés dans la vase, d’où ils ne sortirent qu’à grand’peine, et avec l’aide de ceux qui suivaient prudemment la chaussée. On dit que beaucoup d’hommes se sont perdus dans ces fondrières.

Au milieu du marais, se trouvait un ruisseau limpide de dix pieds de large et de six de profondeur, courant sur un lit de sable jaune, qui paraissait ferme ; mais ce lit doré n’avait qu’une épaisseur de quelques pouces, et reposait sur la vase mouvante,

Çà et là de grands arbres minces, formant des bouquets aussi serrés que possible et enveloppés d’un réseau de lianes, sortaient brusquement de la nappe herbue, sans bordures, sans buissons d’aucune sorte.

Vues d’une faible distance, ces fondrières ont l’aspect de vertes prairies, dont ces bouquets d’arbres rehaussent grandement la beauté. Ce n’est qu’en entrant dans ces marais que l’illusion se dissipe. Au moment où j’en approchai, la scène avec son tapis et ses îlots de verdure, avec la caravane, en file indienne, s’y déroulant comme un énorme serpent noir, me parut saisissante.

Environ à quinze milles avant d’atteindre la résidence de Lounga Mânndi, on me montra l’endroit où le premier traitant de race blanche, qui pénétra dans l’Ouroua, établit son camp. D’après les rapports des indigènes, ce traitant, qui venait du Bihé, dirigeait sa caravane à la manière d’Alvez ; et je crois que sa visite fut peu goûtée des habitants.

À mesure que nous avancions, nos malades allaient de mieux en mieux ; tous avaient recouvré la santé quand nous arrivâmes chez Lounga Mânndi.

Le village de Lounga se trouvait dans une vallée riche en bois et en eaux courantes, où il s’élevait parmi des collines de grès, à cime plate. C’est dans cette vallée que, pour la première fois, j’ai vu des fourmilières pareilles à celles du midi de l’Afrique[1]. J’en avais rencontré précédemment, et en grand nombre, de dix pieds de hauteur ; mais là, je voyais tout à coup des édifices de quarante à cinquante pieds d’élévation ; et si l’on compare le résultat aux moyens qui l’ont produit, ces fourmilières sont plus étonnantes que les pyramides d’Égypte : comme si un peuple avait bâti le mont Everest.

Campés à peu de distance du village, nous vîmes bientôt accourir les habitants. Les uns venaient par simple curiosité, la plupart pour vendre leurs marchandises, les autres pour voir les petits profits qu’ils pourraient faire. Il n’y avait que des hommes ; le bruit s’étant répandu que Kassonngo et Coïmbra étaient avec nous, les femmes et les enfants, ainsi que les animaux domestiques, avaient été envoyés de l’autre côté du Lovoï.

Ces gens-là considéraient évidemment la visite de leur souverain comme la plus grande des catastrophes. Il suffisait de leur nommer Kassonngo pour faire naître immédiatement une pantomime expressive d’amputation de nez, de mains, d’oreilles, et tous déclaraient qu’à son approche ils iraient se cacher dans la jungle.

Lounga Manndi envoyait le tribut, ou le portait lui-même, pour éviter le malheur d’une visite royale ; et revenir sain et sauf de cette expédition, était regardé comme une bonne fortune particulière.


Scène dans le camp.

À peine le camp était-il dressé, que Lounga vint nous voir. C’était un homme d’un grand âge ; mais à part l’affaiblissement de ses yeux, rien, chez lui, n’annonçait la vieillesse ; il marchait d’un pas aussi léger, aussi élastique que celui de tous les jeunes gens de son escorte.

Lounga était déjà chef du même canton sous le grand-père de Kassonngo, et nous disait que ce dernier dépassait en barbarie tous ses prédécesseurs. Quant à moi, il était sûr de ma bonté, ayant entendu dire que je ne permettais pas à mes gens de faire des esclaves, et que je les obligeais à payer leurs provisions.

Ici, Alvez apprit à ses dépens ce qu’il y a de désagréable à être volé. Un de ses neveux, qu’il avait laissé chez Lounga avec trois sacs de perles destinées à l’achat des vivres nécessaires pour le retour, s’était approprié les trois sacs ; et bien hautes, bien amères étaient les lamentations d’Alvez au sujet de ces « tre saccos, per gustare cominho ». Mais je me réjouis en apprenant que, par suite de l’indélicatesse du neveu, nous serions obligés de précipiter notre marche.

Le lendemain, quelle ne fut pas ma surprise en voyant arriver des gens de Méricani : leur maître ayant appris que ma tente avait été brûlée, m’en envoyait une en étoffe d’herbe. Il avait donné l’ordre aux porteurs de continuer leur route jusqu’à ce qu’ils m’eussent rencontré, ne voulant pas qu’il fût dit qu’un Anglais avait voyagé sans avoir de tente, et ajoutant ainsi à la reconnaissance que je lui devais pour ses bontés sans nombre.

Lounga Mânndi semblait avoir à mon égard des dispositions amicales ; il me fit présent d’un mouton gras, m’en vendit un autre et se déclara très satisfait de ce que je lui donnai en échange. Mais il voulut connaître l’effet de mes raïfles, et ayant entendu parler des balles explosibles, il insista pour qu’une de ces balles fût envoyée dans un arbre : le résultat l’effraya tellement qu’il prit la fuite. J’ai su plus tard qu’il était allé se cacher dans la jungle, tenant pour certain que Kassonngo m’avait chargé de le tuer. Alvez le confirma dans cette opinion, et je ne le revis plus. Toutefois, ses fils, avec, lesquels je restai en bons rapports, me dirent que la vieillesse avait rendu leur père craintif ; mais qu’après notre départ ils lui persuaderaient aisément que je n’avais aucune intention de lui faire du mal.

La veille du jour où nous devions partir, j’appris qu’on attendait un groupe d’individus qui étaient restés en arrière. Ce groupe n’arriva que le surlendemain ; il eut besoin de la journée suivante pour avoir des vivres ; puis Alvez me dit que rien ne l’arrêtait plus, et qu’on se mettrait en marche au lever du soleil.

Quand le soleil fut levé, beaucoup de gens de la caravane refusèrent de partir sans Coïmbra, qui chassait toujours l’esclave avec Kassonngo. Je rappelai à Alvez qu’au départ de Coïmbra pour cette chasse il avait été convenu que l’on n’attendrait pas ce digne homme. Alvez me répondit que ce n’était pas Coïmbra qu’il attendait, mais les gens qui étaient avec lui.

Une petite bande indépendante venait d’arriver ; je tâchai de persuader à Bastian José Pérez, son conducteur, de venir avec moi. C’était l’esclave d’un traitant portugais des environs de Donndo ; il y avait trois ans qu’il était parti avec des hommes du Lovalé pour chercher de l’ivoire ; de proche en proche, il avait gagné l’Ouroua ; et trop faible pour retourner seul avec sa cargaison, il avait attendu notre caravane afin de se joindre à elle pour traverser l’Oussoummbé et l’Oulônnda.


Un fils de Lounga Mânndi.

Marcher avec moi lui agréait ; mais Alvez devant partir presque immédiatement, il pensa qu’il valait mieux faire route tous ensemble.

Beaucoup de nos compagnons étaient fatigués de ces retards ; mais ils n’osaient pas se fier à leurs propres forces, et attendaient quand même. Je les engageai à se plaindre ; il y eut à ce sujet palabres sur palabres qui n’avancèrent à rien.

Les jours s’écoulaient, nous ne bougions pas. Je résolus, à tout hasard, de partir seul ; les mécontents promirent de me suivre. L’idée de me voir lui glisser entre les doigts mit Alvez en fureur, Il vint me trouver ; la discussion fut orageuse ; puis il demanda un sursis de trois jours, promettant de partir ensuite, que les autres fussent arrivés ou non.

Je ne voulus rien entendre, et me mis en route le 7 juillet, accompagné de Bastian et d’Alvez.

  1. Here for the first time I saw ant-hills similar to those in South Africa. À quelles fourmilières du midi de l’Afrique est-il fait allusion ? Le termite belliqueux est celui qui passait jusqu’à présent pour avoir les plus grandes retraites, et la hauteur de ses édifices sud-africains est généralement de dix à douze pieds. Ce dernier chiffre est celui de Smeathman ; Jobson a dit vingt pieds, le maximum des citations n’arrive pas à vingt-cinq. La similitude est-elle dans la forme ? Ces monuments de plus de seize mètres de haut sont-ils des cônes entourés de clochetons, comme les plus grandes fourmilières qu’on ait décrites, ou des tourelles à large toiture, comme celles du Termes mordax ? La muraille est-elle d’argile rouge, ainsi que l’est toujours la bâtisse du belliqueux, où de terre d’alluvion grise ou noire, comme le sont les demeures de l’atroce ou du mordant ? Nous avons bien, page 304, le croquis d’une fourmilière qui, d’après la hauteur des herbes, pourrait avoir une trentaine de pieds, et qui paraît être recouverte en chaume. Est-ce de celle-là qu’il est ici question ? Nous regrettons vivement que l’auteur n’en ait pas dit davantage sur ces merveilles du monde animal. (Note du traducteur.)