À un jeune ami qui était sur le point de se consacrer à la philosophie

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Poésies
Traduction par Adolphe Régnier.
Hachette (1p. 338).

À UN JEUNE AMI QUI ÉTAIT SUR LE POINT DE SE CONSACRER À LA PHILOSOPHIE[1]


LE JEUNE Grec avait à soutenir de rudes épreuves avant que le temple d’Éleusis reçût l’initié reconnu digne. Es-tu prêt et mûr pour pénétrer dans le sanctuaire, où Pallas Athéné garde le dangereux trésor ? Sais-tu ce qui t’y attend ? à quel prix tu achètes ? Sais-tu que tu payes un bien incertain d’un bien assuré ? Te sens-tu assez de force pour combattre le plus rude des combats, celui qui s’engage quand l’esprit et le cœur, le sentiment et la pensée se divisent ? Te sens-tu assez de courage pour lutter contre l’hydre immortelle du doute, et pour marcher virilement à l’ennemi, au dedans de toi-même ? pour démasquer, d’un œil sain et d’un cœur saintement innocent, l’erreur qui te tente comme vérité ? Fuis, si tu n’es pas sûr du guide que tu portes dans ton sein, fuis ces bords séduisants, avant que l’abîme t’engloutisse. Bien d’autres ont marché vers la lumière, et n’ont fait que tomber dans une nuit plus profonde ! L’enfance chemine sûrement à la lueur du crépuscule.

  1. Heures de 1795.