Épîtres (Voltaire)/Épître 34

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Œuvres complètes de VoltaireGarniertome 10 (p. 271-272).


ÉPÎTRE XXXIV.


À MONSIEUR LE COMTE DE TRESSAN.


Tressan, l’un des grands favoris
Du dieu qui fait qu’on est aimable,
Du fond des jardins de Cypris,
Sans peine, et par la main des Ris,

Vous cueillez ce laurier durable
Qu’à peine un auteur misérable,
À son dur travail attaché,
Sur le haut du Pinde perché,
Arrache en se donnant au diable.
Vous rendez les amants jaloux ;
Les auteurs vont être en alarmes ;
Car vos vers se sentent des charmes
Que l’Amour a versés sur vous.
Tressan, comment pouvez-vous faire
Pour mettre si facilement
Les neuf pucelles dans Cythère,
Et leur donner votre enjouement ?
Ah ! prêtez-moi votre art charmant,
Prêtez-moi votre main légère.
Mais ce n’est pas petite affaire
De prétendre vous imiter :
Je peux tout au plus vous chanter ;
Mais les dieux vous ont fait pour plaire.
Je vous reconnais à ce ton
Si doux, si tendre, et si facile :
En vain vous cachez votre nom ;
Enfant d’Amour et d’Apollon,
On vous devine à votre style.