Épîtres (Voltaire)/Épître 90

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Œuvres complètes de VoltaireGarniertome 10 (p. 371-372).


ÉPÎTRE XC.


À MONSIEUR LE PRÉSIDENT HÉNAULT,
SUR SON BALLET DU TEMPLE DES CHIMÈRES,
Mis en musique par M. le duc de Nivernais, et représenté chez M. le maréchal de Belle-Isle en 1760.


Votre amusement lyrique
M’a paru du meilleur ton,

Si Linus[1] fit la musique,
Les vers sont d’Anacréon.
L’Anacréon de la Grèce
Vaut-il celui de Paris ?
Il chanta la double ivresse[2]
De Silène et de Cypris ;
Mais fit-il avec sagesse
L’histoire de son pays ?
Après des travaux austères,
Dans vos doux délassements
Vous célébrez les chimères.
Elles sont de tous les temps :
Elles nous sont nécessaires.
Nous sommes de vieux enfants ;
Nos erreurs sont nos lisières,
Et les vanités légères
Nous bercent en cheveux blancs.



  1. Poëte chanteur de l’époque orphique.
  2. Beaucoup d’éditions portent :
    Il chanta la douce ivresse.

    Je n’ai pas hésité à préférer double. Voltaire a, plus tard (voyez épître xcvii, page 390), parlé du

    .....triple délire
    Des vers, de l’amour et du vin. (B.)