Œuvres (Ferrandière)/Fables/Fable 152

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Janet et Cotelle (Première partie : Fables — Seconde partie : Poésiesp. 163-164).

FABLE CLII.

LES DEUX VIEILLARDS.


Deux vieillards assis à l’ombrage
Devisoient sur plus d’un objet ;
Des nids d’oiseaux suspendus au feuillage
De leurs réflexions devinrent le sujet.
Pinsons, linottes, hirondelles,
Rossignols, fauvettes, moineaux,
À peine éclos,
Tous essayoient déjà leurs ailes,
Déjà vouloient courir les champs.
Un de nos vieux, qui les regardoit faire,
En soupirant disoit à son confrère :
Oh ! les cruels ! Oh ! les maudits enfans !

Qu’ils sont ingrats ! Ils vont quitter leur mère ;
Dans quelques jours un peu plus grands,
Ils oublîront les soins de leurs tendres parens ;
À quoi sert à ceux-ci d’avoir progéniture ?
L’ingratitude, hélas ! est donc dans la nature ?
Mais, dit l’autre vieillard ? chez tous les animaux
On agit comme ces oiseaux ;
L’un va chercher sa nourriture,
L’autre suit un mari, l’autre guette un amant.
Chacun y fuit les vieux en grandissant ;
Plaisir de liberté c’est tout ce que l’on aime.
Votre humeur sur ce point semble hors de saison :
Bien souvent parmi nous n’en fait-on pas de même ?
Et l’on vante pourtant son cœur et sa raison.
— Ah ! voilà le sujet de ma tristesse extrême :
Je suis père et faisois cette comparaison.