Acadie/Tome II/13

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Texte établi par Henri d’Arles, J.-A. K.-Laflamme (Tome 2p. 261-271).

CHAPITRE VINGT-QUATRIEME



Situation des Acadiens à Beauséjour. — Vénalité de De Verger et des officiers Français. — Le Loutre.


Revenons un peu sur nos pas, afin de passer brièvement en revue les faits les plus saillants qui se sont produits à Beauséjour, du côté des Français. Nous avons signalé les efforts de Le Loutre pour porter les Acadiens de Beaubassin à traverser la frontière. Ce missionnaire avait reçu, du gouverneur du Canada, l’assurance que ceux des habitants qui émigreraient seraient compensés des pertes qu’ils auraient subies. L’on devait exécuter des travaux d’endiguement, qui permettraient d’offrir à la plupart d’entre ceux-ci des terres excellentes, toutes prêtes à être cultivées. Malheureusement, les plans de Le Loutre paraissent avoir été longtemps frustrés par les exactions et la vénalité des officiers français.

La France traversait alors l’une des époques les plus honteuses de son histoire ; elle courait à sa ruine par tous les chemins. Tout ce qui fait surgir les grands mouvements, les nobles entreprises ; tout ce qui avait jusque-là commandé le respect, provoqué l’enthousiasme, s’en allait ou s’était déjà évanoui sous le persiflage d’aimables vauriens, dont l’esprit amusait la France et lui tenait lieu de gloire. L’on détruisait sans édifier. Un souffle de mort emportait ce qui avait fait la force de la nation, faisant comme un désert partout où il passait. Tout se mesurait par la jouissance. L’exemple partant du trône, se répandait dans les classes élevées. Au milieu de cette course aux plaisirs, le trésor mal gardé devenait la proie des favoris ; les charges les plus importantes tombaient aux mains vénales[1].

L’intendant Bigot était, en Canada, le vampire qui, en épuisant la France, la conduisait promptement à la ruine et au déshonneur[2]. Non satisfait d’agir mai, il conviait ses amis à la curée. C’est ainsi qu’il écrivait à de Vergor, commandant à Beauséjour :

« Profitez, mon cher Vergor, profitez de votre place ; taillez, rognez, vous avez tout pouvoir, afin que vous puissiez bientôt me venir joindre en France, et acheter un bien à portée de moi[3]. »

Comme on peut le penser, cette invitation au pillage ne pouvait manquer de trouver un écho dans cette âme basse ; et c’est ainsi que les promesses d’assistance faites aux Acadiens émigrés se trouvaient frustrées.

En butte à tous ces obstacles, Le Loutre passa en France pour s’y procurer directement les secours nécessaires. Une somme de cinquante mille francs lui fut confiée ; et à son retour, les travaux d’endiguement furent poussés avec vigueur. Pour se protéger contre la vénalité des intermédiaires officiels, il se procura lui-même les approvisionnements dont il avait besoin, les distribuant en personne aux Acadiens qu’il employait à ces constructions[4]. C’est là, croyons-nous, ce qui a servi de prétexte à l’imputation que ce missionnaire exerçait le commerce pour son propre compte. L’on comprend la jalousie que l’influence dont il jouissait devait faire naître chez les officiers, surtout lorsqu’il privait ceux-ci des gains qu’ils réalisaient aux dépens de l’État. L’on devait le redouter et le haïr. Ainsi s’explique la phrase de Pichon : « Il avait à ce point conquis la faveur du marquis de la Galissonnière qu’il était regardé comme un crime de parler contre lui[5]. » Il peut paraître étrange que Parkman ait omis de mentionner cette accusation de négoce portée contre Le Loutre. Peut-être l’ignorait-il, car nous ne voyons pas qu’elle soit dans Pichon. Il est vrai qu’après avoir trouvé le moyen d’impliquer ce missionnaire dans une affaire de meurtre, l’autre accusation perdait de son importance.

Les secours n’arrivèrent que dans l’automne de 1753, trop tard pour que l’on pût commencer les opérations cette année-là.

Peu de chose avait encore été fait pour tirer de la misère les Acadiens émigrés. Ces habitants étaient dans une situation assez précaire, travaillant tantôt pour les Français de Beauséjour, tantôt pour les Anglais du Fort Lawrence ; leurs regards se portaient sur le sol qu’ils avaient arrosé de leurs sueurs, où ils avaient passé des jours heureux dans l’abondance et la tranquillité. Si du moins l’avenir qu’on leur faisait entrevoir se fût présenté à leur esprit avec quelque apparence de certitude ! Mais la partie du pays qu’on leur offrait était disputée. La commission chargée de délimiter les frontières était en session : elle déciderait peut-être que les nouveaux biens sur lesquels ils s’étaient établis appartenaient au domaine britannique ; il leur faudrait alors subir une nouvelle expatriation avec son cortège de tribulations et de misères, ou accepter les conditions qu’ils venaient de refuser au prix de si grands sacrifices. Les circonstances qui avaient accompagné leur départ, cette expropriation forcée, après la destruction de leurs habitations, étaient autant de souvenirs qui pesaient lourdement sur eux. La tempête que Cornwallis avait soulevée au sujet du serment, était depuis longtemps apaisée. Leurs parents, leurs frères, leurs amis de Grand-Pré, de Piziquid, d’Annapolis, n’étaient plus inquiétés, mais vivaient au contraire dans la paix et l’abondance, comme aux jours heureux qui avaient précédé la fondation d’Halifax. Ils se reprenaient donc à espérer que la question du serment ne viendrait plus sur le tapis. À Corwallis, qui s’était d’ailleurs considérablement adouci pendant les deux dernières années de son administration, avait succédé un homme bienveillant et sensible, dont on vantait les intentions et les procédés. Tous ces motifs se combinaient pour augmenter, d’un côté leurs craintes, de l’autre leurs regrets. Beaucoup se transportèrent, avec leurs familles et leurs bestiaux, sur l’Ile Saint-Jean (Prince-Édouard.) Comme cette île appartenait sans conteste à la France, ils pourraient y occuper des terres, sans courir le risque de retomber dans la situation qui avait été cause de leur départ. Là encore, cependant, leur position serait longtemps dangereuse et précaire. Cette île, longue et étroite, les laisserait sans cesse exposés, en cas de guerre, aux déprédations des corsaires et aux horreurs d’une invasion. Comme ils n’avaient pas le choix, le grand nombre préféra pourtant cette alternative[6].

Ainsi que nous l’avons vu, ceux des Acadiens qui étaient restés à Beauséjour avaient adressé une requête au gouverneur Hopson, exprimant leur désir de retourner sur leurs terres, si on les exemptait de porter les armes. Leur proposition avait été rejetée. Dans les premiers mois de son administration, alors qu’il n’avait pas encore formé[7] ses sinistres projets, Lawrence leur avait fait des ouvertures par l’intermédiaire du commandant du Fort Lawrence ; il avait autorisé ce dernier à leur déclarer qu’il n’avait pas l’intention, pour le présent, de les obliger à porter les armes. Les garanties qu’offrait sa parole avaient été jugées insuffisantes.

Écrivant aux Lords du Commerce pour leur rendre compte de ces négociations, Lawrence disait :

« …Les habitants de Chignecto ont de nouveau présenté une pétition à l’effet d’être admis à reprendre possession de leurs terres, laquelle pétition a été encore une fois rejetée ; et on leur a fait savoir que, tant qu’ils ne voudraient pas se soumettre aux conditions exigées, il était inutile d’y penser. J’ai été informé privément qu’à leur retour, ils manifestèrent beaucoup de mécontentement contre le missionnaire Le Loutre et le Commandant Français, et qu’ils leur représentèrent les graves difficultés auxquelles ils se trouvaient en butte par le fait d’avoir été empêchés d’accepter les propositions des Anglais : leur mauvaise humeur, paraît-il, tourna presque à la mutinerie[8]. »

Ces informations venaient de Pichon.

Quelques mois plus tard, lorsque l’abbé Daudin fut arrêté, Pichon, écrivant au capitaine Scott, lui disait « que l’affaire Daudin faisait beaucoup de bruit à Beauséjour ; que Le Loutre avait fait un sermon violent, dans lequel il avait malmené les Anglais, et représenté aux Acadiens ce qu’ils pouvaient attendre d’une nation perfide, capable d’expulser ainsi un saint prêtre ; que le même sort était réservé aux autres missionnaires ; et que, s’ils retournaient de l’autre côté de la frontière, ils périraient misérablement, privés des sacrements et des secours de leur religion ». — Le Loutre pria les habitants, disait encore en substance Pichon, de se réunir chez le commandant après la messe, pour recevoir communication d’une lettre du gouverneur du Canada. Les réfugiés ne vinrent cependant pas. M. de Vergor envoya par deux fois un sergent pour les notifier. Une poignée seulement se rendirent. Et comme ils ne semblaient pas se hâter d’entrer, le commandant, impatienté, leur ordonna de le faire sans tarder, sinon qu’ils seraient mis aux fers. Cette lettre du gouverneur du Canada, — que Pichon disait être fausse, — leur fut lue[9]. Elle leur promettait assistance de diverses manières. « Vous devez savoir, continuait Pichon, que le 21 du mois dernier, quatre-vingt trois des réfugiés acadiens envoyèrent deux des leurs porter une requête au gouverneur du Canada, dans laquelle ils le priaient de leur permettre de retourner sur leurs anciennes terres, vu que nous ne pouvions leur en donner de propres à la culture, celles qu’on leur offrait étant disputées par le gouvernement anglais ; la requête ajoutait qu’ils ne se croyaient pas relevés de leur serment de fidélité au Roi de la Grande Bretagne, et qu’on les menaçait de les traiter en criminels si on les prenait parmi les Français[10]. »

Les moyens de contrôle faisant ici défaut, nous ne pouvons contredire ni confirmer les affirmations de Pichon, que nous venons de rapporter. Nous l’avons cité, parce que les faits qu’il narre ne sont pas invraisemblables ; ils sont, au contraire, conformes à l’idée que nous nous faisons de la situation de Le Loutre et des motifs qui l’inspiraient. À cette date, du moins, Pichon était, non pas loin des lieux, comme dans l’affaire du meurtre de Howe, — d’où la nature très-problématique de ses accusations à ce sujet, — mais à Beauséjour même, et, par conséquent, en mesure de parler en pleine connaissance de cause. La vérité pouvait ici suffire[11].

Après l’agitation provoquée par la conduite de Cornwallis, à son débarquement à Halifax, Le Loutre s’était considérablement calmé, et cela parce que les dangers qu’il avait prévus s’étaient pour le moment dissipés. Mais, lorsqu’il s’aperçut que Hopson ne revenait pas, et que Lawrence, qu’il avait été à même de juger, devenait gouverneur en titre, et qu’il donnait cours à ses instincts cruels, le missionnaire prit de nouveau l’alarme. Et quand son confrère Daudin eût été traîné à Halifax et condamné à quitter le pays, nous ne doutons pas un instant que son zèle impétueux n’ait trouvé dans cet incident tout l’aliment qui pouvait à nouveau échauffer son caractère facilement bouillant[12]. À son point de vue, et nous inclinons à croire qu’il n’avait pas tort, Daudin était victime de la persécution. Cet acte d’emprisonnement et d’ostracisme à l’égard d’un missionnaire était pour lui, comme le lui fait dire Pichon, le commencement d’un régime, qui, en peu de temps, priverait les Acadiens de leurs prêtres et du libre exercice de leur région. Se trompait-il ? Certainement non ! Et cela deviendra plus évident à la lumière des événements subséquents. Il en savait assez sur le caractère de Lawrence pour qu’il lui fut permis de supposer tout de sa part. L’impétuosité de la nature de Le Loutre, son exaltation religieuse, son fanatisme, si l’on préfère ce mot, pouvaient, à la vérité, en obscurcissant son jugement, lui faire supposer des intentions qui n’existaient pas, ou s’exagérer des intentions réelles. Mais nous croyons que, nouveau Cassandre, il vît clairement les malheurs qui allaient fondre sur le peuple acadien, si les Français étaient délogés de leur position sur la Baie de Fundy. L’abbé Le Guerne, qui était aussi missionnaire près de Beauséjour, du côté des Français, sans avoir la véhémence et l’exaltation de Le Loutre, après la prise de Beauséjour, et en quittant le pays, recommanda fortement aux Acadiens d’être bien soumis aux Anglais, afin de détourner, s’il était possible, les calamités qu’il voyait déjà amoncelées au dessus de leur tête[13].



  1. Voici un couplet qui sent son rhétoricien, animé d’ailleurs des plus excellentes intentions. Il y a là une soi-disant vue d’ensemble dont la forme ampoulée, le vague des insinuations, la banalité des aperçus, le manque de nuances, trahissent une connaissance imparfaite de la véritable histoire. Nous n’avons pas le moins du monde l’intention de justifier les écarts du 18e siècle français ; mais nous ne saurions nous contenter à son sujet d’un morceau fait d’idées reçues. Nous renvoyons le lecteur qui voudrait acquérir une notion sérieuse de cette époque, entr’autres au tome VIII de la grande Histoire de France, par E. Lavisse, Le Régime de Louis XV, par H. Carré. Nous lui conseillerions également de lire les magistrales considérations de M. Charles Maurras, dans son Enquête sur la Monarchie : « Pas une fois, sous son règne (Louis XV) fort long (1715-1774,) ne se sont produits des désastres comparables aux trois invasions de 1814, de 1815 ou de 1870. Quelle plaisanterie que Rosbach en regard de Sedan et de Waterloo, ou de l’unification de l’Allemagne et de l’Italie, beaux ouvrages de l’empire libéral ou de la démocratie libérale. En politique, on considère, non la moralité des rois ni même leur gloire, mais le résultat de leur règne. Louis XV a accru le territoire français de la Corse et de la Lorraine. Voilà son trait de continuité capétienne : le nationalisme. Nos souverains les plus différents se ressemblent tous en ce point que, bon an, mal an, bon ou mauvais règne, ils ont augmenté notre capital national, et, comme disent nos paysans, ils ont fait du meilleur. (Nous ferons remarquer cependant à M. Charles Maurras que sa thèse serait beaucoup plus consistante s’il pouvait nous expliquer comme il se fait que le nationalisme de Louis XV n’ait pas jugé à propos de faire les sacrifices nécessaires pour conserver à la France le Canada.) Si Louis XVI fait une exception apparente, ne convient-il pas de se rappeler tout ce que durent à son règne les armées de terre et de mer ? S’il céda lamentablement à nos ennemis de l’intérieur, il prépara tous les éléments de la défense nationale contre l’ennemi du dehors. Ses armées furent les chefs-d’œuvre de l’art. Plus que le grand Carnot, Louis XVI a été l’organisateur des victoires. » — {Paris, Nouv. Libr. Nation., p. 127-8)
  2. « François Bigot appartenait à une famille de robe ; son père et son grand père avaient occupé des positions importantes au parlement de Bordeaux. Entré de bonne heure dans l’administration, il remplit les fonctions de commissaire ordonnateur à Louisbourg, de 1739 à 1745, de manière à provoquer des accusations sérieuses. En 1746, il fut nommé intendant de la flotte lors de l’expédition funeste du duc d’Anville. Et depuis 1748, il était intendant de la Nouvelle-France. Faire fortune le plus promptement possible, tel fut son grand objectif. Avide de plaisirs, joueur et dissolu, fastueux dans ses goûts et poussant l’amour du luxe jusqu’au plus incroyable excès, il lui fallait faire vite beaucoup d’argent pour goûter et épuiser tous les plaisirs de la vie. Avec cela intelligent, actif, travailleur au besoin, plein de ressources et d’adresse, il savait tourner les obstacles, et rendait de réels services dans les moments difficiles. » (Chapais. Montcalm, ch. X, p. 336.)
  3. Richard n’indique pas d’où provient cette citation. Elle se trouve dans Ferland (tome II, ch. 35e, p. 511,) et non plus sans indication de source. Parkman est plus précis. Voici ce que nous trouvons à ce sujet dans Montcalm et Wolfe, vol. I, ch. VIII. Removal of the Acadians, p. 251 :

    « Bigot, sailing for Europe in the summer of 1754, wrote thus to his confederate :

    « Profit by your place, my dear Vergor ; clip and cut, — you are free to do what you please — so that you can corne soon to join me in France and buy an estate near me. » — Et une note au bas de la page porte que cela est tiré de Mémoires sur le Canada, 1749-1760. This letter is also mentioned in another contemporary document. Mémoire sur les fraudes commises dans la colonie. — Ferland (loc. cit.) dit que « de Vergor était un officier de peu de capacité ; mais il était fils du sieur Duchambon, ancien commandant de Louisbourg, qui avait été l’ami et l’un des protecteurs de Bigot, et dont la famille était restée dans la pauvreté. »

  4. Cf. Murdoch. II, p. 214, citant à cet endroit les Mém. sur le Canada.
  5. Nova Sco. Doc. Akins. « A short account, etc. by a French officer. » P. 196.
  6. Cf. Can. Arch. (1887) Île Roy. C. G. 1751, vol. 30. M. Desherbiers, gov. Nov. 1/1751. M. Prévost to Minister « …the refugee Acadians amount this year to 2,000 on the two Islands… »

    Arch. Can. (1905) vol. II. p. 378. Bigot au Ministre. Québec, 20 Aoust 1750.

    « M. de Bonnaventure commandant à l’Isle St-Jean m’écrit du 22 juillet que les Acadiens se réfugiaient dans cette Isle avec grande précipitation, qu’ils y amènent même leurs bestiaux, il y a cinq ou six batimens qui ne sont occupés qu’à ces transports… »

    Id. Ibid. P. 380-1.

  7. Le mot formé ne nous semble pas juste (MS. fol. 470). — Car l’idée de la déportation, comme seule mesure propre à résoudre radicalement la question acadienne, s’était présentée dès la première heure à l’esprit de Lawrence. Ce que Richard a voulu dire ici, c’est plutôt que le gouverneur n’avait pas encore, à l’époque dont il parle, arrêté les détails de son plan, la manière exacte, les circonstances de temps et de lieu selon lesquelles il l’exécuterait. Par les extraits de sa correspondance avec les Lords du Commerce, cités dans un précédent chapitre, nous avons pu voir que le plan même était conçu.

    Au lieu du mot formé, que donne le texte, nous suggérerions donc le mot déclaré. Ou, si l’on tient à formé, l’on pourrait y ajouter : de façon définitive.

  8. Nova Sco. Doc. Akins. Exts. from a lett. of gov. Lawrence to Lords of Trade. Halifax. Aug. 1st 1754. — (P. 214.)
  9. Le texte de Pichon ne dit pas que cette lettre était fausse, mais qu’elle avait été préparée sur — les instances de Le Loutre : « The letter, as you may well imagine, had been prepared at the instance of Moses himself. »

    Pichon appelle toujours Le Loutre Moïse, par une moquerie où il n’y a guère de finesse, ou qui serait plutôt à la gloire de ce missionnaire. De même que Moïse a tiré les Hébreux de la servitude d’Égypte, ainsi Le Loutre s’efforçait d’arracher ses compatriotes à la persécution britannique et au danger de l’apostasie.

  10. Nova Scotia Doc. Akins. Thomas Pichon to captain Scott. October 14th 1754. — P. 229-30-1. — Il a déjà été question, dans un ch. préc, de cette arrestation de l’abbé Daudin par le capitaine Murray, dont parle Pichon au commencement de cette lettre.
  11. Mais la question est de savoir si un personnage tel que Pichon, absolument dénué de sens moral, était jamais capable de dire la vérité ? Pour nous, son témoignage est absolument nul en toute matière.
  12. Le MS. original — fol. 472 — porte ici : « nous ne doutons pas un instant que son zèle impétueux trouva dans cet incident tout l’aliment qui pouvait mettre en ébullition sa bouillante nature. »

    Cette phrase, grammaticalement incorrecte, l’est encore par l’incohérence de l’image, car on ne met pas en ébullition ce qui bout déjà. Et ceci est pour l’édification des amis de Richard qui nous ont reproché d’avoir retouché son texte. Pouvions-nous faire autrement ? Les reproches de ces messieurs procèdent d’un zèle peu discret pour la mémoire de l’auteur d’Acadie. Ce serait le cas de répéter le mot célèbre de Talleyrand : Messieurs, pas trop de zèle !

  13. « Messieurs de Vergor et Le Loutre avaient dit en partant qu’il était de l’intérêt de l’habitant d’être bien soumis… »

    (Copie d’une lettre écrite par monsieur l’abbé Le Guerne, missionnaire des sauvages à l’Acadie, à Monsieur Prévost, ordonnateur à L’Île Royale, et dont la pareille a été aussi adressée à monsieur le chevalier de Drucour, gouverneur.

    (Belair vers Cocagne ce 10 mars 1756.)

    Arch Can. 1905. P. 409 et suiv. L’extrait cité plus haut est page 413.

    Nous reviendrons sur cet abbé Le Guerne.