Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 06/Analise transcendante, article 3

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ANALISE TRANSCENDANTE.

Du calcul des dérivations, ramené à ses véritables
principes, ou théorie du développement des fonctions,
et du retour des suites ;

Par M. J. F. Français, professeur à l’école royale
de l’artillerie et du génie.
≈≈≈≈≈≈≈≈≈

Depuis l’invention du Théorème de Taylor, sur le développement des fonctions d’un binôme, et du Théorème de Lagrange, sur le retour des fonctions et des séries, bien des géomètres se sont occupés d’étendre et de généraliser les découvertes de ces deux géomètres célèbres ; et, sous le rapport de la théorie générale, on peut dire que les résultats auxquels ils sont parvenus ne laissent plus rien à désirer ; mais les formules qui les contiennent, quelques précieuses qu’elles soient comme solutions générales, ne font qu’indiquer une suite d’opérations ultérieures, souvent si compliquées qu’elles découragent le calculateur le plus intrépide. Il restait donc à trouver une méthode simple, facile et uniforme, pour exécuter complètement et immédiatement tous ces développemens, tant directs que de retour. Les géomètres allemands sont les premiers qui ont réussi dans cette recherche : leurs travaux ont donné naissance à un nouveau calcul, appelé Analise combinatoire par son inventeur Hindenhurg. Ce calcul résout à la vérité la question, mais d’une manière trop disparate avec les procédés ordinaires de l’analise : il oblige à former d’abord séparément les groupes de lettres, et ensuite leurs coefficiens numériques, pour lesquels on a besoin de tables de combinaisons calculées d’avance. Il était réservé à Arbogast de donner la solution générale, complète et analitique de cette question difficile, dans son Calcul des dérivations. Malheureusement cet ouvrage est entaché de plusieurs défauts très-graves, qui ont dégoûté les géomètres de sa lecture, et ont empêché qu’il ne fût étudié et connu autant qu’il le mérite. Ces défauts sont 1.o de n’avoir pas assez justifié l’introduction de ses nouvelles notations ; 2.o de n’avoir pas défini assez nettement ses dérivées et ses dérivations ; 3.o de déduire sa théorie d’un principe qui n’est ni assez clair ni assez évident (n.o 6) ; 4.o de l’exposer d’une manière trop longue et trop embarrassée ; 5.o enfin d’avoir noyé des résultats vraiment remarquables dans une foule de choses qui sont, pour ainsi dire, hors d’œuvre, et sans liaison avec l’objet principal de son ouvrage ; de sorte que ce qui pouvait être présenté dans quelques feuilles d’impression est devenu un gros in-4.o .

Je me propose, dans ce petit écrit, de remédier, le mieux que je pourrai, à ces défauts de l’ouvrage d’Arbogast, en déduisant la véritable théorie du calcul des dérivations du seul théorème de Taylor, sans l’emploi d’aucun principe nouveau ; de sorte que ce calcul ne sera, à proprement parler, qu’une extension de ce théorème.

Afin de rendre l’exposition de cette théorie plus rapide, et de présenter de suite aux géomètres toute la partie usuelle de ce calcul, je me contenterai quelquefois de généraliser les résultats par des conclusions d’induction ; sauf à démontrer ces conclusions dans un article à part. Pour la même raison, je réléguerai dans des remarques toutes les observations ; soit sur les notations, soit sur le fond même de la théorie.

Article premier.

Développement des fonctions selon les puissances ascendantes
de la variable.

1. On sait, par le théorème de Taylor, que toute fonction d’un binôme ( étant une variable qui reste indéterminée), peut être développée en une série de cette forme (1)

(1)

les coeffiiens étant déterminés par les valeurs que prennent la fonction et ses coefficiens différentiels

lorsqu’après la différentiation on y fait

Nous représenterons ces valeurs particulières des coefficiens différentiels par et nous appellerons, avec Arbogast, les quantités dérivées, première, seconde, troisième,… de Ainsi la dérivée d’un ordre quelconque n’est autre chose que ce que devient le coefficient différentiel lorsqu’on y fait Nous aurons donc

Les valeurs (2) étant substituées dans l’équation (1) donnent

(4)

(4)

Mais ici il faut observer que ce développement peut devenir impossible ; ce qui arrive toutes les fois que et ses déîivées deviennent infinies : ce cas a lieu pour la fonction par exemple.

2. Remarque. La loi des Dérivations, ou de la formation des dérivées successives, est évidemment la même que celle des differentiations, à la seule exception près que nous supprimons les dénominateurs inutiles ce qui revient à supposer En effet, on sait, et il est d’ailleurs évident que le coefficient différentiel d’un ordre quelconque de la fonction d’un binôme est le même, soit qu’on la différencie en regardant comme variable et comme constant, soit qu’on la différencie en regardant comme variable, et comme constant ; on a donc or, en faisant dans on obtient Il est donc démontré que la loi des dérivations est la même que celle des différentiations ; et il s’ensuit aussi que les dérivées d’un ordre quelconque ne sont autre chose que les coefficiens différentiels du même ordre, pris relativement à la quantité constante que l’on feint être variable.

Il se présente ici naturellement une objection que l’on a faite, dès l’origine, contre la notation du calcul des dérivations : c’est que les opérations dérivatives étant les mêmes que celles du calcul différentiel, il fallait les indiquer par les mêmes notations. Je réponds d’abord qu’absolument parlant la chose eût été possible ; mais que, pour l’ordre et la précision, et d’après les règles d’une saine logique, des opérations qui, bien qu’identiques pour la forme, diffèrent entièrement pour le fond, doivent être représentées par des signes différens. Je dis que ces opérations diffèrent entièrement pour le fond ; car les signes différentiels se rapportent aux variables et à leurs variabilité de grandeur, tandis, que les signes dérivatifs ne se rapportent qu’aux seules constantes, et que les dérivées successives n’indiquent qu’une dépendance d’ordre et de succession dans les termes d’un développement. Si Lagrange a été autorisé à introduire une notation nouvelle, dans le calcul des variations, pour indiquer une opération entièrement identique avec la différentiation, et qui se rapporte aux variables même, seulement parce qu’elle ne se rapporte pas à leur variabilité de grandeur, mais à leur variabilité de forme ; à plus forte raison sera-t-il permis, ou plutôt nécessaire, de représenter par une notation particulière une opération qui ne se rapporte pas même aux variables, ni à aucune espèce de variabilité.

Une autre raison, qui suffirait à elle seule pour justifier l’introduction d’une notation particulière pour les dérivations, c’est qu’elles peuvent se trouver, et se trouvent réellement souvent combinées avec les différentielles, dans une même formule ; il faut donc qu’on ne puisse pas les confondre : ce qui arriverait infailliblement, si elles étaient représentées par une même notation.

Quant à la suppression des dénominateurs leur inutilité seule suffit pour la justifier. Si des personnes habituées aux considérations d’infiniment petits tiennent à conserver ces dénominateurs, dans le calcul différentiel, où leur considération abrège quelquefois les raisonnemens dans des questions de géométrie et de mécanique, mais où elle peut aussi égarer ; il n’y a pas la moindre raison de les conserver dans l’analise pure, ni, à plus forte raison, dans les dérivations où toute idée d’infiniment petit serait plus que déplacée.

3. Réciproquement, tout polynôme de la forme (terminé ou non), peut être représenté par où, entre les coefficiens et les dérivées successives de , on a les relations (3).

En effet, en supposant, ce qui est toujours permis,

(5)

on a, d’après la définition des dérivées (n.o 1),

d’où l’on tire les relations (3).

Si le polynôme est terminé, et n’a qu’un nombre de termes, sera le dernier des coefficlens ; et tous les suivans ainsi que leurs valeurs correspondantes, en dérivées de seront égaux à zéro.

4. Remarque. Il est bon d’observer que l’équation (5) peut être satisfaite d’une infinité de manières, et que est entièrement indéterminé. En supposant on a

ce qui donne encore les relations (3).

5. Proposons-nous maintenant de développer la fonction d’un polynôme quelconque, ordonné selon les puissances ascendantes de la variable, en une série qui procède selon les mêmes puissances ; c’est-à-dire, de déterminer les coefficiens du second membre de l’équation suivante :

(6)

D’après le n.o 3, le polynôme sous le signe de la fonction peut être représenté par  ; le premier membre de cette équation, peut donc être mis sous la forme Il suffit donc de substituer, dans l’équation (4), au lieu de  ; ce qui donne

en observant cependant que, dans ce cas, chacun des signes de dérivation indique des opérations ultérieures à exécuter, que nous expliquerons dans la remarque suivante : c’est pourquoi nous avons mis un point après chaque signe de dérivation, pour marquer cette différence.

En comparant terme à terme l’équation (7) avec celle (6), on en tire les valeurs suivantes :

(8)

et par conséquent

(9)

6. Remarque. Nous avons démontré, dans la remarque du n.o 2, qu’on a, en général, on a donc aussi

Or, d’après les règles ordinaires de la différentiation des fonctions de fonctions, ou des fonctions de variables qui sont elles-mêmes fonctions de la variable principale, on a

ou, en mettant au lieu de

Passant donc aux notations dérivatives, en supprimant les dénominateurs, nous aurons

et

Le développement de ces deux premières dérivées suffit pour expliquer la différence qui existe entre les dérivées sans point et celles qui sont suivies d’un point ; entre et Les premières sont les dérivées de en supposant et les autres sont les dérivées de en supposant que est fonction de que ses dérivées successives sont et qu’elles ne sont pas toutes égales à zéro. En un mot, les dérivées sans point, sont les coefficiens du développement de et les dérivées suivies d’un point sont les coefficiens du développement de

7. En exécutant, d’après la remarque précédente, les opérations indiquées par les dérivées suivies d’un point, on obtient pour les six premières, en suivant les règles ordinaires de la différenciation, lorsqu’aucune différentielle n’est constante :

et ainsi de suite.

En substituant ces valeurs dans les équations (8), et remplaçant les dérivées de par leurs valeurs (3), on obtient

et ainsi de suite.

Nous voici donc parvenus au développement complet des sept premiers termes de la série (6), qui est l’objet fondamental du calcul des dérivations, sans supposer autre chose que le théorème de Taylor, et les règles ordinaires de la différentiation. En examinant de près la composition successive de ces termes, on en conclut aisément la règle pratique suivante, pour déduire immédiatement un terme quelconque de celui qui le précède.

RÈGLE FONDAMENTALE.

8. Pour déduire à développement de de celui de les lettres étant disposées d’après leur ordre de succession ;

1.o On ne fera varier, dans chaque terme, que la dernière lettre ou sa puissance, en suivant les règles ordinaires de la différentiation, et en mettant simplement pour pour pour sans autre coefficient que l’unité ;

2.o On fera varier de plus (d’après les mêmes règles de la différentiation) l’avant-dernière lettre, sa puissance ou sa fonction, si elle se trouve être la lettre qui, dans l’ordre numérique des indices, précède immédiatement la dernière du terme ; et comme la puissance de la dernière lettre augmente alors d’une unité, on divisera par son exposant ainsi augmenté.

Pour faire une application de cette règle, et pour mieux en faire comprendre l’usage, nous allons déduire le développement de de celui de [formules (10)].

Le premier terme donne, d’après la première partie de la règle, qui seule y est applicable, . Le second terme donne dont les deux premiers termes sont dûs à la première partie de la règle, et le dernier à la seconde partie. Le troisième terme donne dont les deux premiers termes d’après la première partie de la règle et le dernier d’après la seconde. Le quatrième terme donne dont le premier terme d’après la première partie de la règle et le suivant d’après la seconde. Enfin, le terme donne d’après la première parue de la règle et d’après la seconde. En rassemblant tous ces différens termes, on obtient exactement le développement de tel que nous l’avons donné [formules (10)].

On voit, d’après cet exemple, que la règle est d’une exécution très-facile, et qu’elle fournit immédiatement les termes successifs du développement, tout ordonnés et réduits à leur plus simple expression, sans qu’on ait, pour ainsi dire, d’autre peine que celle de les écrire. Il est vrai que, jusqu’à présent, cette règle n’est qu’une conclusion d’induction ; mais nous nous proposons de la démontrer dans un des articles suivant. Nous réservons pour le même article la règle pour former immédiatement un terme quelconque du développement, indépendamment de ceux qui le précèdent.

9. Remarque I. On a pu remarquer, en examinant la composition des formules (10), que le signe de fonction, ainsi que les signes de dérivation, n’affectent que la première lettre du polynôme dont il s’agit de développer la fonction. Arbogast appelle cette première lettre origine de dérivations ou premier terme de polynôme, et toutes les suivantes quantités polynômiales. Il résulte de cette observation que la composition des termes successifs du développement, en quantités polynômiales, reste la même, quelle que soit la fonction à développer ; et que toute la différence, dans le développement des diverses sortes de fonctions, consiste dans les valeurs des dérivées qui n’affectent que la première lettre du polynôme. Ainsi on a, pour

pour

pour

et ainsi de suite, pour d’autres formes de fonctions.

Si le polynôme sous le signe de fonction était terminé, et composé de termes, on aurait il suffirait donc alors de rejeter, dans les formules (10), tous les termes où il entrerait, comme facteur, une des quantités polynômiales dont l’indice serait supérieure à  ; et, dans l’application de la règle du n.o précédent, on s’arrêterait, dans chaque coefficient au terme affecté de

10. Remarque II. L’inspection des termes successifs (10) du développement de l’équation (6) fait aisément découvrir la loi remarquable qui y règne. Elle consiste en ce que est composé de termes, formés des dérivées successives

dont les coefficiens se composent de la manière suivante : 1.o le coefficient de

est composé de tous les produits de lettres qu’on peut former avec les quantités polynômiales de manière que la somme des indices de chaque produit soit chaque lettre étant supposée écrite autant de fois qu’il y a d’unités dans son exposant ; 2.o les coefficiens numériques de chaque produit indiquent le nombre de permutations dont les lettres de ce produit sont susceptibles. Ainsi, le coefficient de dans est composé des trois produits qui sont les seuls qu’on peut former avec trois lettres, de manière que la somme des indices dans chacun soit égale à  : leurs coefficiens numériques indiquent, comme on voit, le nombre des permutations dont les lettres qui les composent sont susceptibles.

Cette remarque, traduite en deux règles pratiques, l’une relative à la formation des groupes de lettres, et l’autre relative à celle des coefficiens numériques, d’après la théorie des combinaisons, constitue l’Analise combinatoire des géomètres allemands.

11. Si, au lieu de la fonction d’un polynôme on avait à développer la fonction d’une fonction de binôme, il suffirait, d’après le n.o 5, de substituer, dans les équations (10), ou dans les résultats obtenus par la règle du n.o 8, pour les quantités polynômiales leurs valeurs (2).

Enfin, si l’on avait à développer la fonction d’une fonction de polynôme on aurait, d’après le même, n.o 5,

et il suffirait de substituer, dans les équations (10), ou dans les résultats obtenus par la règle du n.o 8, pour les quantités polynômiales les dérivées correspondantes

qui doivent être elles-mêmes développées selon les règles du n.o 8.

Il serait même aisé, dans ce cas, d’obtenir immédiatement le développement de la fonction proposée ; car, en mettant dans l’équation (7) à la place de on obtiendrait

et au moyen d’une légère extension donnée à la règle du n.o 8, on trouverait

et ainsi de suite.

Le développement précédent équivaut à celui d’une fonction triple d’un binôme En effet, pour avoir le développement de cette fonction triple, il suffit de substituer, dans les formules précédentes, pour les valeurs (2), en fonction de

Nous ne pousserons pas plus loin ces observations, sur le développement des fonctions multiples ; ce que nous venons de dire suffit pour faire apercevoir la possibilité de cette extension, au moyen du calcul des dérivations.

12. Jusqu’à présent nous n’avons considéré que les fonctions d’un seul polynôme, et nous avons complètement résolu le problème de leur développement successif : il nous resterait maintenait à résoudre la même question pour les fonctions de plusieurs polynômes, ainsi que pour celles des polynômes à double ou à triple entrée ; mais les limites que nous avons dû prescrire à cet écrit, ne nous permettent pas d’entrer dans ces détails : nous nous contenterons d’ajouter encore le développement des produits de deux polynômes et de deux fonctions de polynômes, parce que nous en aurons besoin pour la théorie du retour des suites.

Proposons-nous d’abord de développer le produit

(11)

en une série de la forme

En effectuant [a multiplication, par le procédé ordinaire, on obtient

(12)

où la loi est évidente.

D’après le n.o 3, le problème peut se mettre sous la forme

En substituant donc, dans les équations (12), pour leurs valeurs en dérivées de et de d’après le n.o 3, on obtient

(14)

et (d’après les n.os 3 et 4)sont supposés être respectivement fonctions de deux quantités arbitraires et dont les dérivées sont

De la comparaison des formules (12) et (14) résulte la règle pratique suivante ;

Règle.

Pour déduire de [formules (12)], 1.o ne faites varier dans chaque terme, que et ses dérivées, en écrivant pour pour pour 2.o dans le dernier terme seulement, qui contient la plus haute dérivée de faites varier cette dérivée, en écrivant pour

13. Soit maintenant à développer le produit de deux fonctions de polynômes

(15)

D’après le n.o 5, cette équation peut être mise sous la forme

(16)

qui, étant comparée à celle (13), fait voir qu’il suffit de remplacer, dans celle-ci, par par et les signes de dérivation sans points par des signes de dérivation avec points ; on aura donc, d’après le même n.o 5, les équations analogues à celles (14), c’est-à-dire,

où chaque dérivée de et de doit être développée comme les équations (10) ; c’est-à-dire, d’après la règle du n.o 8. Les formules précédentes contiennent donc, au fond, tout ce qu’il faut pour la solution complète de la question ; mais, pour ne rien laisser à désirer, nous allons en déduire les moyens d’exécuter immédiatement le développement complet de ces formules.

14. En exécutant les dérivations indiquées, au moyen de la règle 8, effectuant les multiplications, et ordonnant le tout par rapport aux exposans des dérivées, on obtient

et ainsi de suite.

En examinant la composition successive de ces coefficiens, on en conclut la règle pratique suivante, pour déduire immédiatement un coefficient quelconque de celui qui le précède.

Règle.

15. Pour déduire le développement de de celui de les dérivées des fonctions étant disposées en colonnes, d’après les dimensions de leurs exposens, et les lettres d’après leur ordre de succession ;

1.o On ne fera varier, dans chaque terme de chaque colonne, que les coefficiens composés des quantités polynômiales d’après la règle du n.o 8 ; en observant, pour ceux qui contiennent à la fois des et des de ne faire varier d’abord que les et ensuite les mais dans le dernier terme seulement de chaque coefficient.

2.o On fera varier de plus, mais dans la dernière colonne seulement, la fonction dans tous les termes, et, comme la puissance de augmente alors d’une unité, on divisera par son exposant ainsi augmenté ;

3.o Enfin, on fera encore varier, mais dans le dernier terme de la dernière colonne seulement, la fonction et, comme la puissance de augmente alors d’une unité, on divisera par son exposant ainsi augmenté.

Donnons des exemples de chacune des trois parties de cette règles.

1.o Le coefficient de dans est Pour en déduire celui du même terme dans je fais d’abord varier les ce qui donne faisant ensuite varier les dans le dernier terme on a, d’après la première partie de la règle du n.o 8, et d’après la seconde partie de cette règle Rassemblant tous ces termes, on a le coefficient de dans

2.o En appliquant la seconde partie de la règle ci-dessus aux cinq termes de la dernière colonne de on obtient les cinq premiers termes de la dernière colonne de  ;

3.o Enfin, en appliquant la troisième partie de la règle ci-dessus au dernier terme de la dernière colonne de on obtient le dernier terme de la dernière colonne de

Cette règle est encore d’une exécution très-facile, et si expéditive qu’on peut écrire de suite, et sans s’arrêter, les termes successifs du développement. Elle n’est, jusqu’à présent, de même que celle du n.o 8, qu’une conclusion d’induction ; mais nous la démontrerons complètement dans la suite, et nous donnerons aussi une règle très-simple, pour écrire immédiatement un terme quelconque du développement, indépendamment de ceux qui le précèdent.

16. Remarque I. En examinant la composition des termes successifs (18) du développement de l’équation (15), on découvre la loi remarquable suivante qui y règne. Le terme général est composé de colonnes, ordonnées selon les dimensions des exposans des dérivées de et de manière que la m.me colonne contient les termes

Chacun de ces termes a pour coefficient une fonction des quantités polynômiales dont voici la formation : en supposant , le coefficient du terme est composé de tous les produits de lettres, dont un nombre des quantités polynômiales en et un nombre des quantités polynômiales en de manière qua la somme de tous les indices de chaque produit soit égale à Quant aux coefficiens numériques de chaque produit, on les obtient en multipliant l’un par l’autre le nombre qui indique celui des permutations qu’on peut faire, entre les quantités polynômiales en et le nombre qui indique celui des permutions qu’on peut faire entre les quantités polynômiales en

Ainsi, le coefficient de dans est

c’est-à-dire,

qui contient en effet tous les produits possibles de deux quantités polynômiales en et de trois en de manière que la somme des indices soit égale à  ; et qui a des coefficiens numériques qui suivent la loi que nous venons d’indiquer.

On pourrait donc, au moyen de cette loi, qui est d’ailleurs la même pour une fonction quelconque de deux polynômes indépendans, former immédiatement un terme quelconque du développement, par la théorie des combinaisons ; ce qui donnerait une extension considérable à l’analise combinatoire de Hindenburg ; mais le moyen que nous donnerons par la suite sera à la fois plus simple, plus direct et plus, analitique.

On remarquera sans doute que la simplicité de l’énoncé de cette loi, ainsi que de celle du n.o 10, n’est due qu’au choix que nous avons fait d’indices numériques, pour représenter les quantités polynômiales ; elle n’aurait pu s’énoncer que très-difficilement, avec les lettres dans l’ordre alphabétique, employées par Arbogast et Hindenburg. Ces lettres à indices ont encore l’avantage d’indiquer, de la manière la plus caractéristique, leurs relations avec les dérivées du premier terme du polynôme, puisqu’on a généralement tant il est vrai que souvent le plus léger changement dans les notations peut avoir l’influence la plus heureuse sur les méthode.

17. Remarque II. La théorie que nous venons d’exposer, contient tout ce qui est nécessaire pour le développement complet des fonctions d’un polynôme, et même, à la rigueur, pour celui d’une fonction quelconque de deux polynômes indépendans ; car il suffirait, pour le développement de de remplacer, dans les formules (18), les produits tels que par les dérivées partielles du même ordre de Mais, nous allons encore envisager cette théorie sous un autre point de vue, qui nous facilitera singulièrement l’exposition de celle du retour des fonctions et des séries, à laquelle nous nous proposons de consacrer l’article II.

18. On a, par le n.o I,

(19)

Si l’on suppose

(20)

où les coefficiens représentent des quantités quelconques et indépendantes, et qu’on substitue cette valeur de dans l’équation (19), son premier membre se transformera en celui de l’équation (7) ; on aura donc

(21)

Ces deux développements ne diffèrent l’un de l’autre qu’en ce que, dans les dérivées du premier, on suppose et dans, celle du second, La manière de déduire les dérivées suivies d’un point, de celles sans point a été exposée aux n.os 7 et 8.

L’équation (21) fournit donc le moyen de résoudre cette question : étant une fonction donnée de , ou un polynôme en  ; développer, selon les puissances de , une fonction quelconque  ? En effet, d’après le n.o 3, l’équation (20) peut être mise sous la forme

(22)

et l’on a

(23)

c’est-à-dire, que doit être considéré comme un premier terme de polynôme.

En substituant ces valeurs dans l’équation (21), on obtient

(24)

où, dans le développement du dernier membre, qu’on exécute d’après la règle du n.o 8, il faut substituer, pour leurs valeurs (23).

19. Si, dans la question du n.o précédent, la valeur de était donnée par l’équation suivante :

(25)

qui, d’après le n.o 5 devient

(26)

il faudrait faire, dans le développement du dernier membre de l’équation (24),

(27)

mais, conformément aux principes des n.os 5 et 6, ces dernières dérivées doivent être survies d’un point, et développées d’après le n.o 7.

20. Si l’on avait à développer, selon les puissances de  ; la fonction étant donné par l’équation

(28)

et par l’équation (22) ; on aurait

(29)

mais ici, dans le développement des dérivées du dernier membre, il faudrait remplacer par en observant de mettre, dans le développement de ces dernières dérivées, à la place de à la place de à la place de et ainsi de suite.

On pourrait aisément pousser plus loin ces substitutions de fonctions dans les fonctions, ou de séries dans les séries ; et l’on voit que le principe de leur développement par les dérivations est simple et uniforme : il ne reste que la complication des résultats, qui est inhérente à la chose même.

Article II.

Développement des fonctions selon les puissances d’une
fonction quelconque de la variable, ou retour des
fonctions et des séries.

21. Depuis le n.o 18 de l’article précédent, nous nous sommes occupés de la question suivante : le développement d’une fonction quelconque, selon les puissances d’une fonction donnée de la variable principale, étant supposé connu ; en déduire le développement selon les puissances de la variable principale ? Dans cet article, nous allons résoudre la question inverse, savoir : le développement d’une fonction quelconque, selon les puissances de la variable principale, étant donné, ainsi que la relation entre celle variable et une autre fonction ; en déduire le développement selon, les puissances de cette dernière fonction, Cette question contient le problème général du retour des fonctions et des séries.

22. Proposons-nous de transformer le polynôme

(30)

procédant selon les puissances de la variable principale , en un polynôme

(31)

procédant selon les puissances de dont la valeur est supposée donnée par l’équation (20)

En comparant le polynôme (30) avec l’équation (21), et le polynôme (31) avec l’équation (19), on obtient

(32)
(33)

Ici, ce sont les dérivées suivies d’un point qui sont données immédiatement ; et la question se réduit à en déduire celles sans points. On pourrait la résoudre en tirant les valeurs de ces dernières des équations (10), par des éliminations successives ; mais, outre que ce moyen serait trop long, il est peu propre à faire découvrir la loi qui y règne : il est bien plus simple de les former immédiatement de la manière suivante.

On a, d’après les n.os 6 et 7, et par conséquent donc, en répétant l’opération indiquée par cette équation, on obtient

(34)

mais ici il faut observer que la manière dont nous sommes parvenus à ces relations suppose que est un second terme de polynôme, c’est-à-dire que, d’après le n.o 1, on a

et par conséquent

ainsi, dans le développement des seconds membres des équations (34), il faudra substituer pour les dérivées de leurs valeurs précédentes.

Mais si, conformément au n.o 18, on veut considérer comme premier terme de polynôme, on a

en substituant ces valeurs dans les développemens des équations (34), ce qui revient à y écrire pour pour pour pour on pourra mettre ces équations sous la forme suivante ;

(35)

En substituant ces valeurs dans les équations (33), et remplaçant par ou obtient enfin

(36)

où, d’après l’observation du n.o 18, et d’après l’observation précédente, doit être considéré comme un premier terme de polynôme.

23. Si l’on fait attention que l’équation (20) peut être mise sous la forme (22), et que le polynôme (30), d’après le n.o 3, peut représenter une fonction quelconque  ; le problème du n.o précédent fournit la solution de la question suivante : étant donnée la relation développer la fonction quelconque, suivant les puissances de

D’après cela, si l’on substitue, dans le polynôme (31), les valeurs (36), et dans celle-ci pour et leurs valeurs et on aura

(37)

où l’on peut supprimer, si l’on veut, les points qui suivent les signes de dérivation qui affectent  ; car, dans le binôme on a et par conséquent

On aurait de même, dans la même hypothèse,

(38)

mais ici les points, après tous les signes de dérivation, sont indispensables, car on a et par conséquent

On aurait encore, de la même manière, et pour la même valeur de

(39)

où les points, après les signes de dérivation sont encore nécessaires : parce qu’on a

24. Si, dans la question du n.o  précédent, la valeur de était donnée par l’équation (25)

il faudrait substituer, dans les équations (36), pour sa valeur conformément au n.o 19 ; ce qui donnerait, d’après l’observation faite sur l’équation (37)

(40)

Dans le cas particulier où représente la puissance l’équation (25) devient

(41)

et alors l’équation (40) se change en

(42)

On aurait de même, pour la valeur de (25),

(43)

où la même observation n’a lieu qu’après l’équation (39).

25. Proposons-nous enfin de résoudre la question suivante : étant données les relations

(44)

développer la fonction selon les puissances de sans ni

En comparant les solutions des n.os  précédens avec la question du n.o 20, dont celle-ci est l’inverse, on obtient immédiatement

(45)

en observant seulement de mettre, dans le développement des dérivées de pour pour pour et ainsi de suite.

En se conformant à cette observation, on aurait de même

(46)

26. Remarque. La question traitée au n.o précédent est une espèce de retour double : on pourrait en former de pareilles sur des retours triples, quadruples, etc. : le principe de leurs solutions se déduit aisément de celle du n.o précédent ; et leur développement par les dérivations s’exécuterait aussi facilement que leur complication naturelle peut le permettre.

27. Depuis le commencement de cet article, nous n’avons fait qu’établir les formules générales du retour des fonctions et des séries ; occupons-nous maintenant de leur développement complet et effectif. Reprenons, à cet effet, les problèmes du n.o 23, et proposons-nous de développer complètement les coefficiens successifs de l’équation (38).

Comme nous avons vu, aux n.os 18 et 22, que devait être considéré comme un premier terme de polynôme, dans l’équation (20) ou (22), et que d’ailleurs les quantités peuvent être quelconques ; nous les remplacerons par afin de conserver la régularité dans les développemens ; ainsi, l’équation (20) ou (22) deviendra

(47)

Au moyen de cette observation, le problème en question se réduit à développer les termes des équations (36), en y substituant à la place de et de à la place de ce qui donne

(48)

En comparant ces termes avec la formule (17), on voit aisément que leur développement doit s’exécuter par la même règle, en observant cependant qu’ici la fonction est remplacée par une puissance négative de dont l’exposant est égal à l’indice du terme ; et que la fonction est remplacée par Avec cette attention, on aura, en suivant la règle du n.o 15, les développemens suivans, analogues à ceux (18)

(49)

et ainsi de suite.

Si l’on effectue les dérivations des puissances négatives de qui ne sont qu’indiquées, ainsi que celles de et qu’on ordonne selon les dérivées de on obtient

et ainsi de suite.

L’examen de la composition successive des termes fournit encore une règle pratique, pour déduire un terme quelconque de celui qui le précède.

Règle.

28. Pour déduire le développement de de celui de celui-ci étant ordonné en colonnes, par rapport aux dérivées successives de les termes de chaque colonne, par rapport aux puissances de et les quantités polynômiales d’après leur ordre de succession ;

1.o On divisera tous les termes de par on multipliera chacun par l’exposant de dans ce terme (abstraction faite du signe), et l’on augmentera cet exposant d’une unité (aussi abstraction faite de son signe) ;

2.o On ne fera varier, dans chaque ferme de chaque colonne, que les coefficiens composés des quantités polynômiales d’après la règle du n.o 8 ; en observant, pour ceux qui contiennent à la fois des et des de ne faire varier d’abord que les et ensuite les mais dans le dernier terme seulement de chaque coefficient.

3.o On fera varier de plus, mais dans le dernier terme seulement de chaque colonne, la puissance de  ; et, comme la puissance de augmente alors d’une unité, on divisera par son exposant ainsi augmenté ;

4.o Enfin, on fera varier dans le tout dernier terme seulement, en mettant pour et augmentant la puissance de d’une unité.

Cette règle est analogue à celle du n.o 15 : dans l’exécution, on n’a pas besoin de faire d’avance la préparation de la première partie ; elle peut se faire à mesure qu’on opère sur chaque terme.

29. Au moyen de la règle précédente, on peut écrire de suite les termes successifs du développement de l’équation (38) tout ordonnés et réduits à leur plus simple expression. Si l’on suppose on aura le cas de l’équation (37) ; et il n’en résulte d’autre changement à la règle précédente qu’une simplification dans la seconde partie, parce qu’il n’y a plus que des quantités polynômiales d’une seule espèce ; ainsi, les formules (50) deviendront, pour ce cas (en remplaçant les colonnes par des parenthèses),

et ainsi de suite.

Pour le développement de l’équation (39) ; comme on a, d’après le n.o 5,

la règle reste la même ; mais, au lieu de il faut écrire au lieu de au lieu de au lieu de et ainsi de suite.

Pour le cas de l’équation (40), comme il faudrait, en conservant la même règle, mettre partout à la place de à la place de à la place de à la place de en observant que ces dérivées doivent être elles-mêmes développées selon la règle du n.o 8 ; que et que, dans ces derniers développemens, il faut substituer pour pour pour pour

Pour le cas de l’équation (43), il faudrait tenir compte, à la fois, des deux observations précédentes, et écrire pour pour et pour pour

Mais, pour l’équation (42), la règle du n.o précédent s’emploie sans la moindre restriction, parce que cette équation ne diffère de celle (37) que par le signe des exposans de ou dont cette règle est indépendante.

Pour le développement de l’équation (45), il faudrait remplacer par en observant que

Enfin, pour le développement de l’équation (46), il faudrait tenir compte de l’observation précédente, et de plus mettre pour pour pour

Au moyen de ces observations, l’application de la règle du n.o précédent est générale.

30. Remarque. En effectuant les dérivations de indiquées dans les équations (49), on obtient nous avons préféré, dans les équations (50) et (51), d’écrire, à la place de ces résultats, parce que sont les coefficiens du développement de et que, par ce moyen, les coefficiens numériques sont mis en évidence : ainsi, pour le problème du n.o 22, on a

Nous avons déjà remarqué au n.o 27 que, d’après les n.os 18 et 22, devait être considéré comme premier terme de polynôme, et par conséquent comme indépendant de  ; c’est pourquoi, dès le n.o 23, nous avons remplacé partout cette lettre par sous les signes de fonction, afin de ne pas induire en erreur, par une prétendue dépendance qui n’existait plus. Cette observation deviendra encore plus claire par la théorie de l’article suivant.

C’est pour la même raison, et pour conserver la régularité de la loi des développemens, que nous avons remplacé, au n.o 27, le polynôme par celui Si, au n.o 18, nous avons préféré la première de ces deux formes, ce n’était que pour mieux faire apercevoir l’identité des développemens de et de et pour rendre plus palpable la dépendance mutuelle des coefficiens des développemens de et de dépendance qui nous a tant simplifié l’exposition de la théorie du retour des suites. On aura remarqué sans doute que la loi de cette dépendance est la même que celle du changement de la variable principale, dans la différentiation d’une fonction de deux variables.

Article III.

Démonstration des règles de développement, et règles
pour écrire immédiatement un terme quelconque des
développemens, tant direct que de retour.

31. Les règles des n.os 8, 15 et 28 ne sont que des conclusions d’induction, tirées de l’examen de la formation successive des termes d’un développement ; et, sous ce rapport, elles peuvent laisser-quelque doute sur l’exactitude des résultats qu’elles fournissent. Il est donc nécessaire de démontrer ces règles, afin que le calcul de dérivations soit non seulement un instrument commode et expéditif, mais encore sûr et rigoureux.

Ces mêmes règles n’offrent que le moyen de former successivement les termes du développement, en déduisant chacun de celui qui le précède ; de sorte que, pour avoir, par exemple, le vingtième terme du développement, il faut calculer auparavant les dix-neuf qui sont à sa gauche. Mais souvent on n’a besoin que d’un terme assez éloigné de l’origine du développement pour que le calcul préalable de tous ceux qui le précèdent exige une perte de temps aussi considérable qu’inutile à l’objet qu’on a en vue. Il est donc essentiel d’avoir le moyen de former immédiatement un terme quelconque, indépendamment de tous ceux qui seraient avant lui.

Tels sont les deux objets que nous nous proposons de remplir dans cet article.

32. Si, dans le polynôme on suppose l’équation (7) deviendra

(52)

mais, par la supposition que nous venons de faire, on a [équations (3)], ce qui donne, d’après les n.os 6 et 7, En substituant ces valeurs dans l’équation (25), on obtient

(53)

résultat identique avec celui qu’on aurait obtenu en mettant à la place de dans le théorème de Taylor.

Supposons maintenant que devienne  : les puissances de se changeront en puissances de qui, étant elles-mêmes des fonctions de binôme, peuvent être développées comme les équations (52) et (53) ; mais, dans ce cas, ces formules se termineront, parce que donnent, en général, et Substituant donc, avec cette attention, pour dans l’équation (53), on obtient

En effectuant les dérivations indiquées, d’après les règles ordinaires de la différentiation, et remplaçant par cette équation devient

En ordonnant cette équation par rapport aux puissances de on obtient

(54)

Si l’on suppose ensuite que devienne l’équation précédente deviendra, d’après les mêmes principes,

ou, en effectuant les dérivations indiquées, mettant pour et ordonnant par rapport à ,

(55)

En comparant les coefficiens des seconds membres des équations (53), (54), (55) avec les formules (10), on voit que les deux premiers termes de l’équation (53), les trois premiers de (54) et les quatre premiers de (55) sont déjà complets. En continuant ces substitutions, on obtiendrait chaque fois un terme complet de plus, et l’on arriverait enfin au développement entier de la fonction de polynôme Mais, sans aller plus loin, nous pouvons déjà observer, 1.o qu’on ne fait jamais varier, dans chaque terme, qu’une seule lettre à la fois, ou sa puissance, et que celle lettre est la dernière dans l’ordre des indices ; car, d’après la marche que nous venons de suivre, dans ces développemens successifs, il est évident que les dernières lettres, dans l’ordre des indices, ne proviennent que des variations qu’ont subies les lettres précédentes ; or, si l’on faisait encore varier celles-ci, il en résulterait que les mêmes lettres auraient subi plusieurs variations ; ce qui est contraire à la marche de ces substitutions successives, où l’on ne fait plus attention aux lettres qui ont déjà subi une variation ; et il s’ensuit que, dans chaque terme, on ne doit faire varier que la dernière lettre ou sa puissance ; 2.o que, dans ces variations successives, chaque lettre est considérée comme un premier terme de polynôme ; c’est-à-dire, qu’on écrit pour pour pour sans autre coefficient que l’unité.

Voilà donc les deux conditions principales de la première partie de la règle du n.o 8 justifiées. Mais examinons de plus près la formation de chaque terme du développement, en supposant que toutes les substitutions précédentes, au lieu d’être successives, soient faites à la fois.

33. Le terme ou le coefficient de dans le développement de ne peut être composé que des trois parties suivantes : 1.o du terme correspondant du développement de équation (53), c’est-à-dire, de 2.o des termes provenant de la substitution de pour de pour de pour et ainsi de suite, dans les dernières lettres (ou leurs puissances) de chaque terme de  ; 3.o enfin, de ceux provenant des mêmes substitutions, dans les puissances des dernières lettres des termes de en remontant. Examinons chacune de ces trois parties :

1.o La première partie a toujours évidemment lieu ; car il faut qu’elle subsiste quand deviennent nuls ; nous verrons tout à l’heure comment la règle du n.o 8 la fournit.

2.o En faisant la substitution indiquée, dans un terme de de la forme par exemple ; on obtient et il en résulte pour le terme ce qui revient à faire varier de et à écrire à la place de cette dérivée. Si le terme avait été de la forme on aurait obtenu et il en serait résulté, pour le terme cela revient donc encore à différencier d’après les règles ordinaires, et à écrire à la place de C’est ce qui constitue, avec l’observation de la fin du n.o précédent, la première partie de la règle du n.o 8.

3.o Il paraîtrait d’abord que, pour trouver les termes de cette troisième partie, on est obligé de recourir aux termes ou coefficiens antérieurs à celui de mais on peut s’en dispenser, au moyen de l’observation suivante. Si doit contenir un terme provenant d’une puissance de quantité polynômiale, qui a reçu un accroissement, contient aussi un terme dû à cette puissance, qui en est la dérivée immédiatement inférieure ; par exemple, si doit contenir contiendra de plus, ces termes, dus aux puissances des quantités polynômiales, sont toujours aisés à reconnaître, en ce que les deux dernières lettres se suivent, dans l’ordre des indices, et réciproquement ; car, on a évidemment ( étant un coefficient numérique convenable) Il ne reste donc que de savoir déduire d’un semblable terme dans son correspondant dans Soit donc ce terme dans  ; on a or, le terme correspondant dans sera ce qui revient à différencier l’avant-dernière lettre, ou sa puissance, à écrire pour et à diviser le résultat par l’exposant de la puissance de la dernière lettre, qui se trouve augmenté d’une unité. On ne fait donc autre chose qu’exécuter la seconde partie de la règle du n.o 8. Cette même partie de la règle, appliquée à la fonction dans le terme de fournit le terme dont nous avons parlé au commencement de ce n.o .

La règle du n.o 8 est donc parfaitement exacte, et fournit le moyen le plus simple pour déduire le développement d’un terme de celui du terme qui le précède immédiatement.

34. Proposons-nous maintenant de développer immédiatement, et indépendamment des termes qui précèdent, un terme quelconque de l’équation (6) ou (7).

En faisant

(56)

cette équation devient, d’après le n.o 32, équation (53)

(57)

Mais, étant lui-même un polynôme, ses puissances sont fonctions de polynômes qui, d’après le n.o 5, deviennent

doit être considéré comme un premier terme de polynôme ; c’est-à-dire, qu’on a

Substituant ces valeurs dans l’équation. (57), on obtient

(59)

d’où l’on tire

(60)

ou, en écrivant cette formule à rebours,

(61)

Les quantités qui restent à développer, dans cette dernière formule, se succèdent dans l’ordre suivant

(62)

Si tous les exposans de sous les signes de dérivation, étaient les mêmes et égaux à on appliquerait immédiatement, au développement de ces quantités, la règle du n.o 8 ; mais, comme ils vont toujours en diminuant, il est nécessaire, avant tout, de faire subir à chaque terme une préparation qui consiste à diminuer l’exposant de d’une unité, d’un terme au suivant, et à modifier en conséquence les coefficiens numériques provenant de ces exposans.

Pour trouver la règle de cette préparation, observons que les dérivées (62) se développent elles-mêmes selon la formule (61), et qu’on a, en général,

(63)

Or, pour déduire de ce développement celui de il suffit d’en déduire d’abord celui de et d’appliquer à ce dernier la règle du n.o 8. À cet effet, on changera, dans tous les termes de la formule (63), en  ; mais voyons ce qui en résultera pour un terme quelconque. On a, d’après les règles ordinaires de la différentiation,

Ainsi, pour déduire le développement de de celui de il suffit de diviser chaque terme de ce développement par de le multiplier par l’exposant de dans ce terme, et de diminuer cet exposant d’une unité ; ce qui fournit la règle pratique suivante.

Règle.

35. Pour déduire le développement de de celui de divisez chaque terme de ce dernier développement par multipliez-le par l’exposant de dans ce terme (en observant que, dans les termes sans cet exposant est zéro), et diminuez son exposant d’une unité. Après cette préparation, suivez la règle du n.o 8.

Pour donner un exemple de cette règle, nous allons l’appliquer au développement de dans l’équation (6) du (59). Les quantités à développer, dans ce cas, sont

La première de ces quantités reste la dérivée donne pour en déduire celle il faut la diviser par multiplier par exposant de et diminuer cet exposant d’une unité ; ce qui donne appliquant ensuite la règle du n.o 8 à ce terme ainsi préparé, on trouve Pour déduire de cette dérivée celle il faut diviser le tout par , multiplier respectivement les deux termes par et exposans de et diminuer ces exposans d’une unité ; ce qui donne appliquant la règle du n.o 8, on obtient Pour déduire de cette dernière celle il faut diviser le tout par multiplier les trois termes respectivement par exposans de et diminuer ces exposans d’une unité ; ce qui donne appliquant la règle du n.o 8, on obtient Enfin, pour déduire de cette dérivée celle il faut diviser tous les termes par les multiplier respectivement par exposans de et diminuer ces exposans d’une unité ; ce qui donne dont la dérivée est d’après la règle du n.o 8. En rassemblant tous ces termes, et les multipliant par leurs coefficiens respectifs (61), on aura le développement de écrit en sens inverse.

L’énoncé de ces opérations peut paraître un peu long ; mais leur exécution est très-expéditive. Après s’être exercé à calculer quatre ou cinq termes, on en a tellement l’habitude qu’il n’en coûte plus, pour ainsi dire, que la peine de les écrire.

36. Remarque. La règle précédente donne non seulement le moyen d’écrire immédiatement le coefficient d’une puissance quelconque de , dans le développement de mais encore une partie quelconque de ce coefficient, sans calculer le reste. Ainsi, si l’on demande le coefficient de dans le développement de l’équation (61) indiquera que ce coefficient est dont le développement peut s’exécuter immédiatement, d’après la règle précédente et l’équation (61). Cette observation peut avoir les applications les plus utiles, dans la théorie des hasards, et dans celle de la partition des nombres. Nous avons vu au n.o 10 que le coefficient de dans était composé de tous les produits de r lettres qu’on peut former avec les quantités polynômiales de manière que la somme des indices de chaque produit soit égale à et que les coefficiens numériques de chaque produit indiquaient le nombre des permutations dont les lettres de ces produits sont susceptibles : nous aurons donc immédiatement tous ces produits, avec leurs coefficiens numériques, en développant la dérivée De plus, le nombre des termes dont ce développement sera composé indiquera de combien de manières on peut composer le nombre avec nombres, égaux ou inégaux. Ainsi, en supposant on aura, pour le coefficient de dans

Ce coefficient étant composé de cinq termes, fait voir que le nombre peut être formé de cinq manières différentes, par l’addition de huit nombres, savoir :

lesquels sont donnés immédiatement par les indices et exposans des lettres des produits.

37. La règle du n.o 15 n’est qu’un corollaire de celle du n.o 8 et de celle du n.o 12, qui est une suite évidente des équations (12) : en effet, si dans l’équation (15) on suppose , , elle deviendra

(64)

or, le premier membre de cette équation devient, d’après l’équation (53),

(65)

Ce produit étant développé, d’après l’équation (13), donne

(66)

Ici les colonnes qui forment les coefficient de ne sont autre chose que les dernières colonnes des équations (18). Or, le produit (65) s’effectuant comme le produit (13), avec la seule différence qu’à la place de et de il faut écrire et et à la place de  ; il s’ensuit que, pour déduire la dernière colonne de de celle de [équations (18)], il faut faire varier dans tous les termes de cette colonne, et de plus faire varier dans le dernier terme de cette même colonne. Les deux premières parties du n.o 15 se trouvent donc démontrées.

Les autres colonnes qui composent n+l ne peuvent donc provenir que de la variation des quantités polynômiales c’est-à-dire, de la substitution de pour de pour de pour de pour dans les termes précédens. Il faut donc appliquer ici la règle du n.o 8, modifiée par la coexistance de deux polynômes indépendans, c’est-à-dire, par la règle du n.o 12 ; ce qui constitue la première partie de la règle du n.o 15. Cette règle se trouve donc entièrement justifiée.

38. Passons maintenant au développement immédiat, et indépendant des termes qui précèdent, d’un terme quelconque de l’équation (15), ou du terme général

En effectuant complètement le développement indiqué par la dernière des équations (17), d’après les n.os 34 et 35, et l’ordonnant selon la somme des exposans de dérivation, relatifs à et on peut le mettre sous la forme suivante :

(67)

Il n’y a plus, dans cette formule, dont la loi est très-élégante, que des fonctions de quantités polynômiales à développer ; et elles se succèdent par colonnes dans l’ordre suivant :

Si tous les exposans de sous le signe de dérivation, étaient les mêmes que dans les termes correspondons de la première colonne, on pourrait appliquer immédiatement au développement de ces quantités la règle du n.o 15 ; mais, comme ces exposans vont en diminuant d’une unité, d’une colonne à l’autre, comme au n.o 34, il est nécessaire de faire subir à chaque terme la même préparation que dans ce n.o ; c’est-à-dire, qu’il faut soumettre chaque terme à la règle du n.o 35, et ensuite y appliquer celle du n.o 15. Par ce moyen, on peut développer immédiatement un terme quelconque de l’équation (15), indépendamment de ceux qui le précèdent.

39. Remarque. On peut faire ici une observation analogue à celle du n.o 36. Par le procédé du n.o précédent, on peut aussi calculer immédiatement un terme quelconque de indépendamment des autres : ainsi le coefficient de sera dont le développement s’exécutera par le n.o précédent, en remplaçant par par et par et considérant et comme des premiers termes de polynômes. Supposant donc on aura, pour le coefficient de dans






D’après la remarque du n.o 17, qui s’applique également ici, le procédé du n.o précédent donne aussi le moyen de calculer immédiatement un terme quelconque du développement d’une fonction quelconque de deux polynômes indépendans il suffit pour cela de remplacer, dans la formule (67) les produits des dérivées de et par les dérivées partielles correspondantes de  ; et le n.o précédent fait voir avec quelle facilité le calcul des dérivations fournit la solution de ce problème compliqué, et intraitable par les méthodes ordinaires.

40. La règle du n.o 28 est un corollaire bien simple de celles des n.os 15 et 35 ; en effet, la forme du terme général (48), étant comparée à celle (17) fait voir qu’on obtient la première, en remplaçant, dans celle-ci par et par Les règles de développement doivent donc être les mêmes pour l’une et l’autre formes, sauf les différences suivantes : 1.o l’exposant de diminuant d’une unité d’un terme à l’autre, il faut faire subir à chaque terme, avant d’en déduire le suivant, la préparation du n.o 35 ; 2.o  étant remplacé par il, ensuit qu’on a, en général, et ce qui produit les coefficiens numériques égaux aux exposans de dérivation ; 3.o enfin, nous avons ordonné différemment les termes des équations (50), en transformant les lignes horizontales des équations (18) en colonnes, et réciproquement : il en est résulté que les dernières colonnes des équations (18) sont devenues les derniers termes de chaque colonne des équations (50), en transformant les lignes horizontales des équations (18) en colonnes, et réciproquement : il en est résulté que les dernières colonnes des équations (18) sont devenues les derniers termes de chaque colonne des équations (50) ; ce qui a produit les modifications des 2.me et 3.me parties de la règle du n.o 15.

41. En tenant compte des observations du n.o précédent, la formule (67) fournit le moyen de développer immédiatement un quelconque des termes (48), indépendamment des précédens : on a, en général,

(69)

où les quantités qui restent à développer sont de la même forme que celles (68), du n.o 38, et doivent être développées de la même manière.

42. Au moyen du n.o précédent, nous sommes donc en état de calculer immédiatement un terme quelconque d’une fonction de polynôme, ordonné selon les puissances d’une fonction ou d’un polynôme donné ; ce qui constitue le problème général du retour des fonctions et des séries, étendu aux fonctions de polynômes. De plus, d’après la remarque du n.o 39, qui est applicable à ce cas, nous pouvons aussi calculer immédiatement une partie quelconque d’un terme, sans calculer le reste de ce terme. Mais, ce qu’il y a de plus remarquable, c’est que cette question difficile est résolue d’une manière si simple qu’on n’a, pour ainsi dire, que la peine d’écrire le résultat.

Conclusion.

43. Résumons, en deux mots, l’objet et l’esprit du calcul des dérivations, tel qu’il résulte de ce petit écrit. Le théorème de Taylor donne le développement d’une fonction simple d’un binôme, selon les puissances ascendantes de la variable principale, ou selon les mêmes puissances d’une fonction quelconque donnée de cette variable. Le passage du théorème de Taylor au développement des fonctions de polynômes, ou des fonctions de fonctions, selon les puissances ascendantes de la variable, n’est autre chose que le passage de la différentiation d’une fonction, en regardant la différentielle de la variable principale comme constante, à la différentielle de la même fonction, en ne regardant aucune différentielle comme constante. Quant au passage du développement d’une fonction, selon les puissances ascendantes de la variable à celui selon les puissances ascendantes d’une fonction donnée de cette variable ; (ce qui constitue le retour des fonctions et des séries) ; il n’est autre chose que celui de la différentiation d’une fonction, en changeant de variable principale ou indépendante.

44. Me voici parvenu au terme que je m’étais proposé : celui de déduire la véritable théorie du calcul des dérivations du seul théorème de Taylor, sans l’emploi d’aucun principe nouveau. J’espère que les géomètres verront avec plaisir ce beau corollaire d’un théorème qui a déjà été si fécond. Le cadre étroit dans lequel j’ai resserré l’essence de ce calcul les engagera sans doute à donner quelques momens à la lecture de ce petit écrit ; et j’ose présumer qu’elle les réconciliera avec le calcul des dérivations, dont l’ouvrage d’Arbogast a pu les éloigner. Mon but n’a pas été d’épuiser la matière, mais d’éveiller l’attention des géomètres sur l’utilité, trop méconnue, des dérivations ; et de leur éviter la recherche pénible de nouveaux moyens de développement, en leur présentant ceux qui sont, à la fois, les plus simples et les plus expéditifs qu’on puisse trouver.

Les géomètres auxquels l’Analise combinatoire est familière verront, par nos remarques des n.os 10, 16 et 36, que le calcul des dérivations contient, non seulement les véritables sources des règles de cette analise, et leur extension à des fonctions de plusieurs polynômes indépendans, mais encore les moyens d’exécution les plus commodes et les plus rapides.

Metz, le 5 de mai 1815.

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