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Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 06/Analise transcendante, article 6

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ANALISE TRANSCENDANTE.

Deuxième recueil de formules, serçant à intégrer
toute différentielle quelconque proposée ;

Par M. le professeur Kramp, doyen de la faculté des
sciences de Strasbourg.
≈≈≈≈≈≈≈≈≈

1. Le problème indéterminé d’intégrer numériquement, par approximation, une différentielle quelconque, entre des limites données, admet plusieurs solutions. Celle que nous avons donnée, dans un précédent mémoire[1], était fondée sur la simple considération des trapèzes rectilignes. La solution que nous donnerons actuellement sera établie sur l’analise des lignes courbes ; et l’on sent bien qu’en précision elle doit l’emporter sur l’autre.

2. PROBLÈME. Une ligne courbe n’étant connue que par les grandeurs d’un certain nombre d’ordonnées équidistantes, et par l’intervalle qui les sépare ; on demande l’aire mixtiligne comprise entre cette courbe, les deux ordonnées extrêmes et l’axe des  ?

3. Solution. Comme par des points donnés on peut toujours faire passer une infinité de courbes différentes, le problème, pris à la rigueur, est indéterminé et ne peut cesser de l’être qu’en assignant une relation générale, mais arbitraire, entre l’abscisse et l’ordonnée Celle qui se présente le plus naturellement est Alors, en prenant pour unité l’intervalle constant qui sépare les ordonnées, supposant que la première se confond avec l’axe des et les représentant consécutivement par notre hypothèse nous fournit, pour déterminer les coefficiens les équations suivantes

en nombre égal à celui des points donnés.

4. Il est d’ailleurs connu, comme nous l’avons déjà observé, dans un précédent mémoire[2], qu’en représentant respectivement par les premières, secondes, troisièmes,… différences des ordonnées ; c’est-à-dire, en posant

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

on aura

ce qui donne

formule dont la loi est évidente.

5. En conséquence, l’aire demandée qui, en général est , sera l’intégrale de

c’est-à-dire,

ou bien

ce qui donne également en développant

6. Cette intégrale, qui s’évanouit avec , doit être prise jusqu’à cette même quantité , qui désigne le nombre des divisions de l’axe des qui se trouvent comprises entre les limites de l’intégrale, et qui est ainsi arbitraire. Il est entendu d’ailleurs que, dans la dernière formule ci-dessus ; si l’on fait que nous appellerons le diviseur général, ou simplement le diviseur, il faudra s’arrêter à la différence Enfin, comme nous avons pris jusqu’ici pour unité l’intervalle constant entre les ordonnées, si, comme il paraît plus convenable de le faire, on veut prendre pour unité l’intervalle entier entre les limites de l’intégrale, il faudra diviser le résultat obtenu par  ; sauf ensuite, dans les applications, à multiplier par ce même intervalle, lorsqu’il re trouvera différent de l’unité.

7. Voici présentement, d’après toutes ces attentions, la série des formules finales qu’on obtient, en prenant successivement pour diviseur tous les nombres de un à douze.

Première formule, diviseur un,

II.e Formule, diviseur deux,

III.e Formule, diviseur trois,

IV.e Formule, diviseur quatre,

V.e Formule, diviseur cinq,

VI.e Formule, diviseur six,

VII.e Formule, diviseur sept,

VIII.e Formule, diviseur huit,

IX.e Formule, diviseur neuf,

X.e Formule, diviseur dix,

XI.e Formule, diviseur onze,

XII.e Formule, diviseur douze,

8. Il est clair qu’en supposant toutes les coordonnées égales entre elles et à l’unité, l’aire demandée deviendra un simple quarré, égal lui-même à l’unité ; ainsi, dans ce cas, les valeurs de déduites des formules précédentes, doivent toutes se réduire à l’unité ; ce qui peut servir, au besoin, à vérifier simplement l’exactitude des coefficiens de nos formules.

9. Faisons l’essai de ces formules à quelques cas connus ; et cherchons, par le moyen de l’une d’elles, le rapport du diamètre à la circonférence. On sait que l’intégrale de est l’arc qui a pour tangente le nombre désigné par et qu’en y supposant égal à l’unité, cette intégrale doit faire connaître la longueur de l’arc de ou Prenant, par exemple, sept pour diviseur général, on aura

ce qui donne

donc


d’où
Sa longueur réelle est
l’erreur est donc

c’est-à-dire ; moins de trois unités décimales du sixième ordre.

10. En employant successivement toutes nos douze formules et mettant en regard de chaque résultat l’erreur dont il se trouve affecté, on obtient le tableau suivant :

11. La série de ces erreurs est beaucoup plus irrégulière que la nature du problème, et les moyens de solution que nous y avons appliqués, ne sembleraient devoir le comporter. On pouvait présumer que, plus on emploîrait de points pour y faire passer la courbe, et plus on la ferait coïncider avec la valeur rigoureuse de ce qu’on cherchait, et qu’ainsi la série des erreurs serait constamment décroissante. Cependant le calcul fait, et répété plusieurs fois avec soin, prouve le contraire ; les diviseurs neuf, dix, onze donnent des résultats moins exacts que le diviseur huit qui ne laisse qu’une erreur d’environ une demi-unité décimale du 8.e ordre. Cette irrégularité nous met dans l’impossibilité d’appliquer ici l’ingénieuse méthode d’approximation dont nous nous sommes servis avec succès dans le mémoire côté au commencement de celui-ci. Il y avait alors une limite asymptotique, rigoureusement assignable par le calcul, tandis qu’ici la série de valeurs à laquelle nous venons de parvenir ne permet guère de rien soupçonner de semblable[3].

12. Heureusement la nouvelle méthode que nous proposons est, toutes choses égales d’ailleurs, susceptible de fournir d’elle-même, et sans auxiliaires quelconques, des résultats beaucoup plus, exacts que ceux qu’on déduit de l’autre. Pour le prouver, du moins par des exemples, cherchons encore, d’après les deux méthodes, la longueur de l’arc de en ne prenant d’abord pour diviseur général que huit avec ses aliquotes En suivant la marche indiquée dans le précédent mémoire, on trouvera, en général,

Or, on a ici

en conséquence, on aura

il en résultera

La valeur rigoureuse étant

l’erreur sera

tandis que, par notre 8.me formule, l’erreur est simplement

c’est-à-dire, environ fois moindre.

13. Faisons encore, sur le même arc l’essai du diviseur général avec ses aliquotes Nous aurons d’abord

Or, dans le cas présent,

Achevant le calcul, on trouvera finalement

valeur exacte
erreur

L’erreur de notre douzième formule est seulement

c’est-à-dire, environ trente fois moindre.

14. Dans le calcul des formules générales (7), je me suis arrêté au diviseur J’aurais désiré de pouvoir continuer cette table jusqu’au diviseur mais l’immensité du travail m’a effrayé. Il doit sans doute y avoir quelque méthode beaucoup plus abrégée que celle que nous avons suivie ; mais jusqu’ici, au moins, je l’ai cherchée vainement. Nous allons voir, au surplus, qu’à l’aide de ces formules (7), on peut aisément parvenir à d’autres, beaucoup plus approchées, en partageant l’intervalle entier qui sépare les deux ordonnées extrêmes, en plusieurs autres intervalles égaux entre eux.

15. En continuant de désigner les ordonnées, séparées les unes des autres par des intervalles égaux entre eux, par les lettres se succédant constamment suivant l’ordre alphabétique, sans omission d’aucune lettre intermédiaire ; on voit qu’une portion quelconque de notre aire curviligne sera clairement désignée par les deux ordonnées extrêmes qui la comprendront. Convenons donc, par exemple, que le symbole ( représentera l’aire curviligne terminée par les deux ordonnées et  ; en employant des lettres majuscules de préférence aux autres, pour prévenir l’équivoque, et renfermant le tout entre deux parenthèses.

16. En conséquence de cette notation, on aura (Formule 1)

d’où, par addition, en prenant l’intervalle entier pour unité

ainsi qu’il résulte de la simple addition des trapèzes rectilignes.

17. La formule II donne ensuite

d’où, par addition, en prenant l’intervalle entier pour unité,

formules fort simples, dont la loi est manifeste ; elles supposent nécessairement un diviseur multiple de deux, et se recommandent par l’exactitude des résultats qu’on en déduit.

18. En opérant d’une manière semblable sur la formule III, on obtiendra successivement

formules applicables au seul cas où le diviseur est multiple de trois.

19. La formule IV donne de même

formules applicables à tout diviseur multiple de quatre.

20. De la formule V, on tirera semblablement

21. En employant consécutivement les lettres la formule VI donnera

22. La formule VIII donne

23. On pourra continuer ainsi pour les formules jusqu’à la douzième qui donnera finalement

cette dernière se trouve ainsi composée de trapèzes curvilignes ;

24. On voit que, pour rédiger en assez peu de temps un gros recueil de ces formules intégrales, il n’en coûterait presque que la peine d’écrire. Nous allons faire l’application de celles que nous croyons les plus remarquables, pour déterminer la longueur de l’arc de dont la valeur rigoureuse, calculée à douze décimales, est

Nous avons déjà vu que cet arc est l’intégrale de prise depuis jusqu’à En supposant cet intervalle divisé en parties égales, et désignant par les valeurs numériques correspondantes de la fraction depuis la première jusqu’à la vingt-cinquième on aura la table suivante ;

25. Essayons d’abord la division de l’intervalle entier en six parties égales. Nous pourrons employer la troisième formule (17), la deuxième (18) ou la première (21). Voici le tableau des résultats qu’on en obtient et des erreurs qui les affectent, rapportées à la douzième décimale comme unité.

Le premier de ces résultats, qui répond à la très-simple formule (17), est donc exact dans les six premiers chiffres décimaux.

26. Essayons, en second lieu, la division de l’intervalle en douze parties égales. Les aliquotes nous permettent d’employer les formules qui suivent ; savoir : la sixième (17), la quatrième (18), la troisième (19), la première (21) et la première (23). Il en résulte les cinq valeurs approchées qui suivent, vis à-vis de quelles avons placé, comme ci-dessus, les erreurs qui les affectent,

On voit qu’ici encore le premier résultat, qui répond à la formule (17) est plus exact que les trois qui suivent ; mais le plus exact de tous est le dernier, qui répond à la formule (23). L’erreur ne s’y manifeste qu’à la dixième décimale seulement.

27. Employons enfin la division de l’intervalle entier en parties égales. La considération des aliquotes nous permettra d’employer par voie d’addition les formules II, III, IV, VI, VIII, XII ; il en résulte, pour l’arc les valeurs approchées qui, suivent, affectées des erreurs placées en regard de chacune d’elles,

Notre deuxième formule maintient donc encore sa supériorité parmi les trois premières, sous le rapport de l’exactitude ; mais on voit en même temps que la quatrième est exacte dans les douze premières décimales.

  1. Voyez la page 281 de ce volume.
  2. Voyez la page 153 de ce volume,
  3. Les mêmes considérations n’infirmeraient-elles pas ce que nous avons dit sur l’interpolation des suites (page 317 de ce volume) ? ce serait là une chose intéressante à examiner.
    J. D. G.