Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 13/Géométrie élémentaire, article 3

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GÉOMÉTRIE ÉLÉMENTAIRE.

Sur la construction du cercle tangent à trois cercles donnés ;

Par un Abonné.
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Au Rédacteur des Annales ;

Monsieur,

En examinant avec attention l’ingénieuse théorie par laquelle M. le professeur Durrande, au commencement du XI.e volume des Annales, est parvenu à démontrer géométriquement l’élégante construction que vous avez déduite de l’analise algébrique, à la page 302 du VII.e volume du même recueil, pour la détermination du cercle qui touche à la fois trois cercles donnés, il m’a paru que cette théorie était susceptible de simplification assez notables ; qu’elle pourrait être rendue indépendante de tout calcul, et même de la considération des proportions ; et qu’elle devenait ainsi, en quelque sorte, le résultat d’une pure intuition. J’ai l’honneur de vous transmettre le résultat de mes réflexions sur ce sujet, dont vous ferez l’usage que vous jugerez convenable.

J’admets uniquement les principes connus sur les pôles et polaires et sur les axes radicaux, principes que l’on peut démontrer soit à la manière de Monge, soit comme l’a fait M. Durrande, soit de toute autre manière ; et je les rappelle en ces termes :

1. Les sommets de tous les angles circonscrits à un même cercle, de telle sorte que leurs cordes de contact concourent toutes en un même point, sont tous situés sur une même droite qu’on appelle la polaire de ce point, et qui est perpendiculaire à la droite qui le joint au centre.

2. Réciproquement, les cordes de contact de tous les angles circonscrits à un même cercle, de telle sorte que leurs sommets soient tous sur une même ligne droite, concourent toutes en un même point, qu’on appelle le pôle de cette droite, et qui se trouve situé sur la perpendiculaire qui lui est menée par le centre.

3. D’où il suit que deux polaires d’un même cercle se coupent au pôle de la droite qui joint leurs pôles, et que réciproquement la droite qui joint deux pôles d’un même cercle a pour pôle l’intersection de leurs polaires.

4. Le lieu de tous les points du plan de deux cercles desquels on peut leur mener des tangentes de même longueur est une droite perpendiculaire à celle qui joint leurs centres, et qu’on appelle l’axe radical des deux cercles.

5. Cela posé, soient deux figures semblables quelconques, tracées sur un même plan, et soit un point pris arbitrairement sur l’une d’elles ; si l’on demande son homologue sur l’autre et que les deux figures soient divisibles en parties égales et superposables, par des droites partant de deus points homologues, le problème aura évidemment solutions.

6. En particulier, si les figures données sont des polygones réguliers de côtés, et que le point donné sur l’un d’eux soit autre que son centre, son homologue sur l’autre pourra être pris de manières différentes.

7. Des choses analogues auraient lieu, si une droite indéfinie étant tracée arbitrairement par rapport à l’un des polygones, on demandait son homologue par rapport à l’autre.

8. Il suit de là que, deux cercles étant tracés sur un même plan, et un point ou une droite étant donné par rapport à l’un d’eux, ce point ou cette droite pourra avoir une infinité d’homologues par rapport à l’autre. Il suffira en effet que les distances des centres à ces deux points ou à ces deux droites soient proportionnelles aux rayons ; ce qui assujettira simplement le point cherché à être sur une certaine circonférence ; ou la droite cherchée à lui être tangente.

9. Il n’en sera plus de même si l’on détermine, dans les deux cercles donnés, des diamètres que l’on regarde comme homologues, en fixant celles des deux extrémités de ces diamètres que l’on répute homologues, ainsi que les demi-cercles homologues. Il est évident qu’alors le problème d’assigner, pour l’un des cercles, un point ou une droite qui soit l’homologue d’un point ou d’une droite donnés par rapport à l’autre n’admettra plus qu’une solution unique.

10. Soient deux cercles tracés sur un même plan ; on peut toujours, sur la droite qui joint leurs centres, assigner deux points et deux points seulement, l’un entre les centres et l’autre au-delà du centre du plus petit dont les distances à ces deux centres soient proportionnelles aux rayons des deux cercles. Ces points seront les seuls points homologues communs que puissent avoir les deux cercles ; encore faudrait-il, pour qu’ils puissent être réputés tels, que l’on considère les diamètres situés sur la droite indéfinie qui joint les centres comme deux diamètres homologues. Ce sont ces deux mêmes points que M. Durrande a désignés, d’après Monge, sous les dénominations de centres de similitude interne et externe. Leur choix détermine les extrémités des deux diamètres qui doivent être réputées homologues ; ces extrémités devant être constamment les plus voisines ou les plus distantes du centre de similitude que l’on choisit comme point homologue commun.

11. Il suit de ces considérations que le point de contact de deux cercles qui se touchent est un centre de similitude qui sera interne ou externe, suivant que les deux cercles se toucheront extérieurement ou seront l’un dans l’autre. On doit aussi remarquer que, lorsque deux cercles sont égaux, leur centre de similitude externe est infiniment éloigné. Quant à leur centre de similitude interne, il est évidemment au milieu de la droite qui joint leurs centres.

12. Deux figures semblables quelconques étant données, et des droites homologues étant tracées dans ces deux figures, si, par des points homologues de ces deux droites, on mène deux nouvelles droites formant, du même côté et dans le même sens, des angles égaux avec les premières, il est connu que ces nouvelles droites seront aussi des droites homologues. Or il est évident que toute droite menée par l’un des deux centres de similitude de deux cercles est dans le même cas par rapport à ces deux cercles ; donc elle en est une ligne homologue commune ; elle les coupera donc en segmens semblables si elle les coupe ; elle sera tangente à l’un si elle l’est à l’autre ; et, si elle ne rencontre pas celui ci, elle ne rencontrera pas l’autre non plus.

13. Réciproquement, toute droite homologue commune à deux cercles doit passer par l’un de leurs centres de similitude, puisque la droite qui joint les centres est aussi une droite homologue commune qui doit être coupée par la première en un point homologue commun.

14. Il suit de là que si, considérant comme diamètres homologues de deux cercles ceux qui se trouvent sur la droite qui joint leurs centres, on détermine des points homologues quelconques dans ces deux cercles ; la droite qui joindra ces deux points passera par l’un des centres de similitude.

15. Donc, en particulier (11), lorsque deux cercles se touchent, toute droite menée par leur point de contact est une ligne homologue commune ; et réciproquement, toute ligne homologue commune doit passer par le point de contact. Il doit donc en être de même de toute droite qui passera par des points homologues de ces deux cercles.

16. Soient trois cercles et soient

les centres de similitude interne et externe de et
ceux de et
ceux de et

{{{1}}}Les droites et setont donc l’une et l’autre (12) lignes homologues communes à et et lignes homologues communes à et elles seront donc homologues communes à et et conséquemment elles devront (13) passer par ou mais, comme il est d’ailleurs évident qu’elles ne pourront ni l’une ni l’autre passer entre les centres de et ce sera par qu’elles passeront toutes deux. Ainsi les centres de similitude externes de trois cercles, pris deux à deux, sont tous trois situés sur une même ligne droite ; et chacun d’eux est en ligne droite avec deux des centres de similitude internes ; de manière que ces six points sont aux intersections de quatre droites. Ce sont ces droites que M. Durrande a nommées axes de similitude des trois cercles ; ce sont des lignes homologues communes à ces trois cercles.

17. Donc, en particulier (11), lorsqu’un cercle en touche deux autres, les deux points de contact sont en ligne droite avec l’un des centres de similitude de ces deux derniers ; savoir, le centre de similitude externe ou le centre de similitude interne, suivant que les deux contacts sont de même nature ou de nature différente. Cette droite est donc (11) un axe de similitude des deux cercles.

18. En considérant l’un ou l’autre centre de similitude de deux cercles comme un pôle commun à ces deux cercles, il aura (1) une polaire sur chaque cercle. Les deux polaires relatives à chaque centre sont ce que M. Durrande a appelé polaires de similitude externes et polaires de similitude internes. Ce sont évidemment des lignes homologues des deux cercles, qui conséquemment, lorsqu’elles les coupent, les partagent en segmens semblables. Le pôle des deux dernières est compris entre elles, tandis que celui des deux premières est hors de l’intervalle qui les sépare.

19. Soit (fig. 4 et 5) l’un des centres de similitude de deux cercles, par lequel soit menée une sécante homologue commune, comprenant dans ces cercles les cordes homologues dont les pôles soient ces deux pôles seront des points homologues des deux cercles, par lesquels menant les perpendiculaires à la droite qui joint les centres, ces perpendiculaires seront (3, 18) les polaires de similitude relatives au centre et il est de plus évident que les triangles isocèles homologues seront semblables ; mais, en prolongeant et jusqu’à leur rencontre en et et jusqu’à leur rencontre en le triangle sera semblable à chacun de ces deux-là, et il en sera de même du triangle ils seront donc isocèles comme eux ; de manière que les deux tangentes et seront de même longueur, ainsi que les deux tangentes et Donc, si l’on mène cette droite sera (4) l’axe radical des deux cercles, et comme telle parallèle aux polaires de similitude.

20. Il suit évidemment de là que, si l’on fait tourner la sécante commune autour du point fixe les points et dans leur mouvement, ne sortiront pas des trois parallèles et dont la situation est tout-à-fait indépendante de la direction de cette sécante.

21. Mais, si la sécante devenait tangente, le milieu de l’intervalle entre les points de contact serait (4) un point de l’axe radical : donc cette tangente commune a ses parties interceptées de part et d’autre entre l’axe radical et les deux polaires égales entre elles ; d’où, il suit que cet axe radical est également distant de l’une et de l’autre.

22. Il résulte de tout ce qui précède que l’axe radical de deux cercles est placé, par rapport à tout cercle qui les touche l’un et l’autre, de la même manière que le sont, par rapport à ces deux-ci, leurs polaires de similitude de même dénomination ; savoir, leurs polaires de similitude externes ou leurs polaires de similitude internes, suivant que les deux contacts seront de même espèce ou d’espèces différenies.

Soient en effet deux cercles touchés par un troisième en et ou bien en et (fig. 6 et 7) ; la sécante ou sera donc (17) un axe de similitude des trois cercles. En achevant donc les figures, comme nous l’avons fait (fig. 4 et 5), les points ou pôles respectifs de cette droite par rapport à ces trois cercles, en seront donc des points homologues ; d’où il résulte que les droites et qui, passant par ces points, font des angles égaux avec la ligne homologue commune, sont elles-mêmes des lignes homologues.

23. Toutes ces choses ainsi entendues, supposons qu’on demande un cercle qui touche à la fois trois cercles donnés ; comme le cercle cherché pourra toucher de deux manières chacun des cercles donnés, il y aura généralement huit solutions possibles, et il faudra d’abord s’entendre sur celle qu’on aura dessein d’obtenir.

Quelle que puisse être cette solution ; comme l’on sait faire passer un cercle par trois points donnés, la question se réduira à déterminer le point de contact du cercle cherché avec chacun des trois cercles donnés, ou plutôt avec l’un d’eux, attendu que la méthode qu’on aura suivie pour la recherche de celui-là pourra être également appliquée à chacun des autres.

Soient donc les trois cercles donnés, le cercle cherché ; et proposons-nous de trouver son point de contact avec tout se réduira (18) à trouver deux points qui soient homologues par rapport à ces deux cercles ; puisqu’en joignant ces points par une droite, cette droite devra couper au point de contact cherché.

Or, comme les intersections des lignes homologues sont des points homologues, la recherche des points se réduit à trouver deux droites relatives à et leurs homologues dans ce qui est facile, d’après ce qui précède.

Soit en effet la polaire de similitude de comparé à polaire externe ou interne, suivant que et devront être touchés par de la même manière ou d’une manière différente ; et soit l’axe radical de ces deux cercles. Soit pareillement la polaire de similitude de comparé à polaire externe ou interne, suivant que et devront être touchés par de la même manière ou d’une manière différente ; et soit l’axe radical de ces deux cercles.

Il vient d’être démontré (22) que et étaient des lignes homologues de et et qu’il en était de même de et En prenant donc pour l’intersection de et il faudra prendre pour l’intersection de et et alors en joignant son intersection avec sera le point de contact demandé.

On voit par là qu’il y aura quatre manières différentes de prendre tandis que demeurera invariable ; on aura donc quatre droites dont chacune déterminera sur deux points de contact, entre lesquels il faudra faire un choix, d’après la manière dont et devront être touchés par

Les quatre droites, forment un parallélogramme dont la droite qui coupe aux points de contact cherchés est une diagonale. Mais si et sont respectivement, sur et les homologues de et sur les quatre droites, formeront également un parallélogramme ; et il résulte de ce qui a été dit (21) que ses côtés seront doubles de ceux du premier ; il lui sera donc semblable ; d’où il suit que, si est l’intersection de et la droite prolongée, s’il le faut, passera par On pourra donc, dans la recherche de cette droite, substituer les polaires et aux axes radicaux et de sorte que, pour la solution complète des huit cas du problème, on n’aura réellement à mener que les douze polaires de similitude des cercles pris deux à deux, et douze diagonales de parallélogrammes formés par leur rencontre.

Il me semble, Monsieur, que, pour qui aura bien compris ce qui précède, il ne sera pas difficile d’amener au même degré de simplicité l’analise du problème où il s’agit de décrire une sphère qui touche à la fois quatre sphères données ; et c’est pour cela que je me dispense de traiter ici ce problème.

Agréez, etc.

Paris, le 10 d’août 1822.