Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 13/Géométrie élémentaire, article 4

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GÉOMÉTRIE ÉLÉMENTAIRE.

Démonstration d’un théorème de géométrie ;

M. Amédée Morel, capitaine d’artillerie.
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THÉORÈME. L’aire de la projection d’une figure plane quelconque sur un plan, situé comme on le voudra par rapport au sien, est égale à l’aire de cette figure même, multipliée par le cosinus tabulaire de son inclinaison sur le plan de projection.

Démonstration. Toute figure plane étant polygone rectiligne ou limite de polygone rectiligne, la proposition sera vraie pour toute figure plane, si elle est vraie pour un polygone rectiligne quelconque.

Imaginons le polygone décomposé en triangles par des diagonales ; les projections de ces triangles seront les triangles résultant de la décomposition de la projection du polygone par des diagonales, projections de celles du polygone lui-même ; et, comme les inclinaisons des plans de ces triangles les uns sur les autres ne seront autre chose que l’inclinaison du plan du polygone sur celui de sa projection, il est clair que la proposition sera vraie, si elle l’est pour chaque triangle, comparé à sa projection ; d’où l’on voit que tout se réduit à prouver que la projection de l’aire d’un triangle sur un plan quelconque, différent du sien est égale à l’aire de ce triangle, multipliée par le cosinus tabulaire de l’inclinaison de son plan sur celui de sa projection.

Et comme, excepté le cas où les deux plans sont parallèles, pour lequel la proposition est évidente, les deux plans forment toujours un angle dièdre, tout se réduit à démontrer que l’aire de la projection sur l’une des faces d’un angle dièdre d’un triangle tracé sur l’autre face est égale à l’aire de ce dernier, multipliée par le cosinus tabulaire de l’angle dièdre dont il s’agit.

Si, par l’un des sommets du triangle, on conduit un plan parallèle au plan de projection, sa projection sur ce plan sera égale à sa projection sur l’autre ; de sorte que, si la proposition est vraie pour celle-là elle le sera aussi pour celle-ci.

Mais le second plan formera avec celui du triangle un angle dièdre égal au premier, tel que l’un des sommets de ce triangle se trouvera sur son arête ; il suffit donc de démontrer le théorème pour un triangle placé dans de telles circonstances.

Ou bien un des côtés de l’angle qui a son sommet sur l’arête de l’angle dièdre se confondra avec cette arête, ou bien ils ne se confondront ni l’un ni l’autre avec elle. Dans ce dernier cas, à moins que le côté opposé au sommet dont il s’agit ne soit parallèle à celle arête, en le prolongeant, s’il est nécessaire, jusqu’à ce qu’il la rencontre, notre triangle se trouvera être la somme ou la différence de deux autres, dans lesquels un des côtés se confondra avec l’arête de l’angle dièdre ; de sorte que, si la proposition est vraie pour de tels triangles, elle le sera aussi pour le nôtre.

Dans le cas particulier où le côté opposé à l’angle dont le sommet est sur l’arête se trouve parallèle à cette arête, en conduisant par ce côté un plan parallèle au plan de projection, la projection sur ce nouveau plan sera la même que sur le premier ; il formera avec le plan du triangle un nouvel angle dièdre égal au premier, et notre triangle se trouvera encore avoir un de ses côtés sur l’arête de cet angle dièdre.

Ainsi, dans tous les cas, la question se réduit à démontrer que, lorsqu’un triangle, situé sur l’une des faces d’un angle dièdre a de plus sa base située sur son arête, l’aire de sa projection sur l’autre face est égale à l’aire du triangle, multipliée par le cosinus tabulaire de l’angle dièdre dont il s’agit.

Mais le triangle et sa projection ayant alors même base, leurs aires sont proportionnelles à leurs hauteurs, dont l’angle mesure l’angle dièdre dont il s’agit, puisqu’elles sont des perpendiculaires à son arête, menées dans ses faces par un même point de cette arête. D’un autre côté, la hauteur du triangle se trouve être l’hypothénuse d’un triangle rectangle dont un des côtés de l’angle droit est la hauteur de sa projection, et dans lequel l’angle de ces deux côtés est la mesure de l’angle dièdre ; la question est donc ramenée à savoir si, dans un triangle rectangle, un des côtés de l’angle droit est égal à son hypothénuse, multipliée par le cosinus tabulaire de l’angle qu’elle fait avec lui, ce qui est une conséquence immédiate de la définition même du cosinus tabulaire d’un angle : notre théorème se trouve donc ainsi complètement démontré.

Corollaires. I. L’aire de la projection sur la base d’une pyramide régulière d’une figure tracée arbitrairement sur la surface convexe, et pouvant embrasser tant de ces faces latérales qu’on voudra, est égale à l’aire de cette figure même, multipliée par le cosinus tabulaire de l’inclinaison commune des faces latérales de la pyramide sur le plan de sa base.

II. L’aire de la projection sur la base d’un cône droit d’une figure tracée arbitrairement sur la surface du cône est égale à l’aire même de cette figure, multipliée par le sinus tabulaire de l’angle générateur du cône.

III. Plus généralement, l’aire de la projection sur un plan fixe d’une figure tracée arbitrairement sur la surface développable enveloppe de l’espace parcouru par un plan mobile qui fait un angle constant avec le plan fixe, est égale à l’aire de cette figure même multipliée par le cosinus tabulaire de cet angle constant.


La Fère, 18 octobre 1822.

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