Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 14/Géométrie élémentaire, article 3

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Démonstration des deux théorèmes de géométrie énoncés
à la page
 63 du présent volume ;

Par MM. Vecten, licencié es sciences,
Par MM. Querret, ancien chef d’institution,
Par MM. Vernier, professeur au collége royal de Caen,
Par MM. Et Ch. Sturm.
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Les géomètres qui nous ont adressé des démonstrations de ces deux élégans théorèmes les ont tous démontrés géométriquement ; M. Sturm, à qui ils sont dûs, a seul accompagné la sienne d’une démonstration analitique. Les démonstrations géométriques ne différant guère que par la forme, nous les fondrons, pour abréger, dans une rédaction commune. Nous donnerons ensuite la démonstration analitique de M. Sturm.

LEMME. Si, par un point pris arbitrairement sur le plan d’un polygone rectiligne fermé quelconque, de côtés, et par chacun de ses sommets on mène des droites indéfinies chacune d’elles, par ses intersections avec les directions des côtés du polygone non adjacens au sommet quelle contient, déterminera, sur chacun de ces côtés, deux segmens, comptés du point où elle coupera sa direction à ses deux extrémités. Or, si l’on forme le produit des segmens déterminés sur les côtés consécutifs à partir des sommets respectivement, lesquels sont au nombre de ce produit se trouvera égal à celui des segmens restans, déterminés sur ces mêmes côtés, à partir des sommets respectivement, lesquels sont aussi au nombre de

Démonstration. Convenons de représenter par non seulement les sommets du polygone, mais encore les droites menées respectivement du point, par tous ces sommets, de telle sorte cependant qu’il n’en résulte jamais d’équivoque.

Convenons en outre de représenter l’angle que fait l’une quelconque de ces droites avec l’un quelconque des côtés du polygone par la lettre de la droite séparée par une virgule des deux lettres du côté dont il s’agit, en enfermant le tout entre deux parenthèses.

Convenons enfin de représenter l’intersection de l’une quelconque de ces pleines droites avec l’un quelconque des côtés du polygone par la lettre de cette droite affectée d’un indice composé de deux lettres minuscules de même nature que les deux lettres majuscules qui désignent le côté dont il s’agit.

Considérons d’abord ce qui se passe sur la droite Cette droite peut être considérée comme la direction commune des bases d’une suite de triangles ayant leurs sommets aux sommets du polygone, et dont les deux autres côtés sont les côtés même du polygone qui concourent à ces sommets, respectivement, et en se rappelant en outre la proportionnalité de ces côtés avec les sinus des angles opposés, nous aurons cette suite d’équations, au nombre de

lesquelles, étant multipliées membre à membre, donneront, par la suppression des facteurs communs aux deux membres de l’équation résultante, en remarquant d’ailleurs que


Chacune des droites devant fournir une équation analogue, on aura ces équations

Considérons présentement le triangle Ses deux côtés et étant proportionnels aux sinus des angles opposés, il s’ensuit qu’on doit avoir

Chaque côté du polygone devant donc fournir une équation analogue, on aura

équations qui par leur multiplication membre à membre et la suppression des facteurs communs aux deux membres de l’équation résultante, donneront


(2)

On voit, en vertu de cette dernière équation, que, si l’on prend le produit des équations (1) membre à membre, les sinus disparaîtront des deux membres de l’équation résultante ; il est d’ailleurs visible que les côtés du polygone en disparaîtront aussi ; de sorte qu’il ne restera plus, de part et d’autre, que les produits de segmens dont il s’agissait précisément de démontrer l’égalité.

THÉORÈME I. Soit, dans l’espace, un polygone rectiligne fermé quelconque, plan ou gauche, de côtés, et une droite indéfinie, aussi quelconque. Soient menés, par cette droite et par les côtés du polygone, un pareil nombre de plans. Chacun d’eux, par ses intersections avec les côtés du polygone non adjacens au sommet qui s’y trouve contenu, déterminera, sur chacun de ces côtés, deux segmens, comptés de cette intersection aux deux extrémités de ce côté. Or, si l’on forme le produit des segmens déterminés sur les côtés consécutifs à partir des sommets respectivement, lesquels sont au nombre de ce produit se trouvera égal à celui des segmens restant, déterminés sur ces mêmes côtés, à partir des sommets respectivement, lesquels sont aussi au nombre de

Démonstration. Soit conduit un plan indéfini, perpendiculaire à la droite donnée, et par conséquent à tous les plans menés par cette droite et par les sommets du polygone, et soit le point où ce plan indéfini est percé par cette droite. Soit fait, sur ce même plan, une projection orthogonale du polygone donné ; les plans couduits par la droite donnée couperont le plan perpendiculaire à la droite donnée suivant des droites menées du point à tous les sommets de la projection. On se trouvera donc exactement dans le cas du lemme précédemment démontré, et conséquemment l’équation annoncée par ce lemme se trouvera avoir lieu. Elle aura donc lieu aussi en divisant ses deux membres par la me puissance du produit des cosinus des angles que font respectivement les côtés du polygone avec ceux de sa projection. Mais alors on pourra disposer des facteurs des dénominateurs des deux membres de telle sorte que chaque segment de côté de la projection du polygone se trouve divisé par le cosinus de l’inclinaison de ce segment par rapport au segment de côté correspondant du polygone projeté. Substituant ensuite au quotient de chaque projection de segment par le cosinus de son inclinaison sur le segment projeté, ce segment projeté lui-même, comme on le peut en effet, on parviendra à l’équation qu’il s’agissait de démontrer.

THÉORÈME II. Soit, dans l’espace, un polygone rectiligne fermé quelconque, plan ou gauche, de côtés, et un point également quelconque. Soient menés, par ce point et par les côtés du polygone un pareil nombre de plans. Chacun de ces plans, par ces intersections avec les côtés du polygone autres que celui qui s’y trouve contenu et les deux entre lesquels il se trouve situé, déterminera, sur chacun de ces côtés deux segmens, comptés de cette intersection aux deux extrémités de ce côté. Or, si l’on forme le produit des segmens déterminés sur les côtés consécutifs à partir des sommets respectivement, lesquels sont au nombre de ce produit se trouvera égal à celui des segmens restans, déterminés sur ces mêmes côtés, à partir des sommets respectivement, lesquels sont aussi au nombre de

Démonstration. Convenons de désigner respectivement les plans conduits par le point et par chacun des côtés du polygone par deux lettres minuscules de même sorte que celles qui désignent ce côté, de sorte que le plan qui passe par les trois points soit appelé le plan et ainsi des autres.

Convenons ensuite de désigner l’intersection de l’un quelconque des côtés du polygone avec l’un quelconque de ces plans par les deux lettres qui désignent ce côté, enfermées entre deux parenthèses, et portant pour indice, hors de la seconde parenthèse les deux lettres qui désignent ce plan ; de telle sorte que, par exemple, désigne le point où la droite est coupée par le plan

Convenons enfin de désigner l’angle que fait un de ces côtés avec un quelconque de nos plans par les deux lettres de ce côté séparées par une virgule des deux lettres du plan, en renfermant le tout entre deux parenthèses ; de telle sorte que, par exemple, désigne l’angle que fait la droite avec le plan

Ces choses ainsi entendues, concevons que, de tous les sommets autres que les sommets et on abaisse sur le plan des perpendiculaires dont nous désignerons les pieds par les lettres de ces mêmes sommets affectées d’un accent. Le triangle dont les sommets sont, par exemple, et et qui est rectangle en donnera

mais le triangle dont les sommets sont et donnera pareillement

d’où on conclura, en égalant ces deux valeurs,

Chaque sommet autre que et fournissant donc une équation pareille, on aura cette suite d’équations, au nombre de

lesquelles, étant multipliées membre à membre, donneront, par la suppression des facteurs communs aux deux membres de l’équation résultante


Chacun des côtés devant fournir une équation analogue, on aura ces équations

Considérons présentement le tétraèdre en désignant respectivement par et les perpendiculaires abaissées de ses sommets et sur les plans des faces opposées et son volume pourra également être exprimé par les deux produits

d’où il suit qu’on aura

mais on a évidemment

il viendra donc, en substituant,

Chacun des sommets fournissant, une équation analogue, on aura ces équations

lesquelles, étant multipliées membre à membre, donneront, par la suppression des facteurs communs aux deux membres de l’équation résultante,

On voit, en vertu de cette dernière équation, que, si l’on prend le produit des équations (3) membre à membre, les sinus disparaîtront des deux membres de l’équation résultante ; il est d’ailleurs visible que les côtés du polygone en disparaîtront aussi ; de sorte qu’il ne restera plus alors, de part et d’autre, que les produits de segmens dont il s’agissait précisément de démontrer l’égalité.

Dans la démonstration de ces théorèmes, on peut s’appuyer sur les propositions démontrées par Carnot, dans sa Théorie des transversales, et c’est ainsi qu’en ont usé quelques-uns des géomètres qui ont traité les deux questions proposées ; mais il n’en résulte pas une très-grande abréviation, et dès-lors il nous paraît plus convenable de ne s’appuyer, pour parvenir au but, que sur des principes universellement connus. Passons présentement aux démonstrations analitiques de M. Sturm.


Démonstration analitique de deux théorèmes sur les transversales.

Par M. Ch. Sturm

Pour le premier théorème, prenons la droite donnée pour axe des l’origine étant d’ailleurs quelconque et les coordonnées étant rectangulaires.

Soient les coordonnées du sommet
les coordonnées du sommet
les coordonnées du sommet
les coordonnées du sommet

Soient en outre les cosinus des angles que forme la direction du premier côté du polygone avec les trois axes ; ce côté, considéré comme droite indéfinie, pourra également être exprimé par les deux systèmes d’équations

et représentant les distances respectives d’un point quelconque de cette droite aux deux points et

Le plan conduit par l’axe des et par le sommet a pour équation

(3)

Ce plan coupe en un certain point, et on peut admettre que et sont les distances de ce point aux deux points et En substituant donc tour à tour pour et dans l’équation (3) les valeurs données par les équations (1) et (2) on trouvera, pour les deux segmens déterminés sur par le plan dont il s’agit

d’où il suit que le rapport entre les deux segmens que détermine sur le plan conduit par la droite donnée et par le sommet est

Appliquant donc, tour à tour, les mêmes considérations aux côtés consécutifs du polygone coupés par ce même plan, on trouvera, pour les rapports de longueur des segmens déterminés sur ces divers côtés,

Donc, si l’on dénote par le produit continuel des segment déterminés sur ces côtés, à partir de leurs extrémités et par le produit continuel des segmens déterminés sur ces mêmes côtés, à partir de leurs extrémités le rapport du premier produit au second sera

Si présentement nous considérons tour à tour les plans qui passent par les sommets en employant des notations analogues, nous trouverons

d’où nous conclurons

c’est-à-dire,

comme le veut le théorème.

Tout étant supposé dans le second théorème comme dans le premier, avec cette circonstance particulière que le point donné est pris pour origine ; l’équation du plan mené par ce point et par le côté du polygone sera

(4)

en mettant tour à tour dans cette équation, pour les valeurs (1) et (2) ci-dessus, deviendront respectivement les distances des extrémités et du côté au point où ce côté est coupé par le plan conduit par et par le point On trouvera ainsi pour ces deux segmens

de sorte que le rapport de ces deux segmens aura pour expression

On trouvera de même pour le rapport entre les segmens retranchés par le même plan sur le côté et comptés tour à tour de ses extrémités et

et ainsi des autres, jusqu’au côté pour lequel le rapport de ces mêmes segmens sera

En conséquence, si l’on dénote par le produit continu des segmens déterminés par le plan sur les côtés consécutifs à partir de leurs extrémités et par le produit continu des segmens déterminés par ce même plan sur les mêmes côtés, à partir de leurs extrémités on aura

Par l’emploi de notations analogues, on trouvera

et ainsi de suite, et enfin

d’où nous conclurons

c’est-à-dire,

comme le veut le théorème.