Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 14/Géométrie élémentaire, article 4

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GÉOMÉTRIE ÉLÉMENTAIRE.

Essai de démonstration du principe qui sert de fondement
à la théorie des parallèles ;

Par un Abonné.
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Au Rédacteur des Annales ;
Monsieur,

Il y a long-temps que l’on cherche une démonstration rigoureuse de la théorie des parallèles. Je me suis aussi occupé à en chercher une : voici celle que je crois avoir trouvée

Soit une droite sur laquelle soient prises arbitrairement deux parties égales consécutives et Sur les trois points soient élevées à cette droite, d’un même côté, les perpendiculaires , d’une même longueur quelconque. En joignant et nous obtiendrons les deux quadrilatères évidemment égaux et dans lesquels les quatre angles seront aussi évidemment égaux entre eux, et devront être tous quatre droits, aigus ou obtus.

Admettons d’abord que ces quatre angles soient obtus. Alors en prolongeant indéfiniment les droites au-delà de vers les angles et comme supplémens de deux angles obtus et égaux entre eux, seront aigus et aussi égaux entre eux, d’où il suit que l’angle total moindre que deux angles droits, sera divisé en deux parties égales par la droite laquelle conséquemment devra contenir le centre du cercle circonscrit au triangle isocèle dont les deux côtés égaux seraient et Mais si, de ce centre, désigné par on mène des rayons aux points et les triangles et devront être isocèles ; d’où il suit que les angles et devront être respectivement égaux aux angles et c’est-à-dire aux angles et mais les angles et doivent aussi être égaux aux angles donc les droites et doivent se confondre avec les droites et ce qui revient à dire que les droites doivent toutes trois concourir au point conclusion absurde, puisqu’elles sont toutes trois perpendiculaires à une même droite.

Si d’ailleurs les trois points étaient à la circonférence d’un même cercle, ayant le point pour centre, à cause de les trois points devraient se trouver sur une autre circonférence, concentrique à la première, tandis que, par l’hypothèse, ces trois points appartiennent à une même ligne droite. Les quatre angles égaux ne sauraient donc être obtus.

Voyons présentement s’ils pourraient être aigus. Dans ce cas l’angle considéré du côté de serait moindre que deux angles droits ; et on prouverait, par des raisonnemens tous semblables à ceux qu’on a fait tout à l’heure, que le cercle circonscrit au triangle isocèle dont les deux côtés égaux sont et doit avoir à la fois son centre sur les prolongemens de au-dessous de et que, par suite, ces trois droites concourent en un même point, ce qui est absurde, puisqu’elles sont perpendiculaires à une même droite. On en conclurait encore que les trois points sont sur une circonférence concentrique à celle qui passe par les trois points ce qui est également absurde, puisque les trois points appartiennent à une même ligne droite. Les quatre angles égaux ne peuvent donc être aigus.

Ces quatre angles, ne pouvant être ainsi ni obtus ni aigus, doivent être tous droits, d’où il suit que n’est point une ligne brisée, mais une ligne droite, perpendiculaire à la fois aux trois droites

Il est aisé de voir que la même démonstration s’appliquerait au cas où, au lieu de prendre sur la première droite trois points équidistans on en aurait pris un plus grand nombre, quelle que pût être d’ailleurs leur commune distance.

De là, il est facile de conclure que si, d’un même côté d’une droite, on lui élève tant de perpendiculaires d’une même longueur quelconque qu’on voudra, les extrémités supérieures de ces perpendiculaires appartiendront à une même droite évidemment parallèle à la première, et à laquelle ces droites égales seront aussi perpendiculaires. Or, une fois cette proposition admise, la théorie des parallèles n’offre plus de difficulté.

Je ne prévois pas, Monsieur, quelles objections on pourrait faire contre cette démonstration. Cependant, comme il pourrait en exister, et que je désirerais alors les connaître, je vous prie de vouloir bien l’insérer dans un de vos prochains numéros[1].

Agréez, etc.

Marseille, le 24 décembre 1823.

  1. On trouve une autre démonstration de la théorie des parallèles à la page 353 du III.e volume du présent recueil.
    J. D. G.