Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 14/Géométrie analitique, article 4

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QUESTIONS RÉSOLUES.

Solution du premier des quatre problèmes de géométrie
énoncés à la page
 304 du précédent volume ;

Par M. Roche, capitaine d’artillerie de la marine,
l’un des collaborateurs du Bulletin général et universel
des annonces et des nouvelles scientifiques
.
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PROBLÈME. Quelle est la courbe enveloppe de l’espace parcouru par l’un des côtés d’un angle droit, dont le sommet décrit une ellipse donnée, tandis que son autre côté passe constamment par le centre de cette ellipse ?

Ou, en d’autres termes,

Quelle est la courbe à laquelle sont tangentes les perpendiculaires aux extrémités de tous les diamètres d’une ellipse donnée ?

Solution. Soient pris respectivement le grand axe et le petit axe de l’ellipse dont il s’agit pour axes des et des et soit un quelconque des points de son périmètre ; on aura

(1)

la droite menée du centre à ce point aura pour équation

l’équation de la perpendiculaire à cette droite par le même point sera donc

c’est-à-dire,

(2)

et sont deux paramètres indéterminés, liés entre eux par la relation (1).

Suivant donc les principes sur la matière[1], il faudra, pour obtenir l’équation de la courbe cherchée, éliminer et entre les équations (1) et (2) et celle qu’on obtiendra en éliminant et entre leurs différentielles, prises par rapport à ces seules lettres. Or ces différentielles sont


lesquelles, en transposant et multipliant ensuite membre à membre, donnent, pour la troisième équation cherchée,

(3)

L’équation de la courbe cherchée sera donc le résultat de l’élimination de et entre ces trois-là.

Au lieu de ramener le problème à éliminer deux quantités entre trois équations, on peut facilement le réduire à en éliminer une seule entre deux. Remarquons pour cela que l’équation (2), en considérant et comme deux constantes liées par l’équation (1), et conséquemment équivalentes à une seule, est l’équation primitive complète de toutes les droites auxquelles la courbe cherchée doit être tangente. En la différentiant donc par rapport à et seulement, et éliminant ensuite et entre l’équation résultante et les équations (1) (2), on obtiendra l’équation différentielle commune à toutes nos droites, privée de ses deux constantes ; de sorte que l’équation de la courbe cherchée en sera la solution particulière.

Or, en posant, suivant l’usage, la différentielle de l’équation (2) est

Tirant de là la valeur de pour la substituer dans les équations (1) et (2), il viendra

éliminant enfin entre ces deux-ci, on aura, pour l’équation différentielle commune à toutes les droites auxquelles la courbe cherchée doit être tangente,

(4)

et l’équation de la courbe cherchée sera la solution particulière de cette dernière.

Suivant donc les principes connus, nous différentierons cette dernière équation, ce qui donnera, en supprimant le facteur dont l’égalité à zéro répondrait à l’intégrale complète,

(5)

et l’équation de la courbe cherchée sera le résultat de l’élimination de entre les équations (4) et (5).

En considérant et comme inconnus, dans ces deux équations, elles donnent

posant alors, pour abréger

d’où

(6)

il viendra, en substituant dans les valeurs de et et en quarrant,

(7)

et la recherche de l’équation de la courbe se trouvera réduite à l’élimination de entre ces deux-ci.

Si l’on ne veut que construire la courbe par points, cette élimination, qui conduirait à une équation du sixième degré assez compliquée, ne sera point nécessaire. Que l’on construise, en effet, séparément les courbes exprimées par les équations (7), en prenant dans l’une et dans l’autre les pour les abscisses ; si l’on construit ensuite une troisième courbe dont les coordonnées soient les ordonnées correspondantes de ces deux-là ; cette troisième courbe sera la courbe cherchée ; et la valeur (6) de répondant aux mêmes abscisses, indiquera la direction de la tangente en chaque point.

Ceci revient encore à considérer les équations (7) comme celles des projections d’une courbe à double courbure sur les plans des et des à tracer ces projections, et à en déduire la projection de la même courbe sur le plan des laquelle sera la courbe cherchée[2].

Mais on peut fort bien discuter la courbe et découvrir toutes les circonstances de son cours, sans qu’il soit pour cela nécessaire de la construire ; et d’abord on voit clairement que cette courbe est symétrique par rapport à chacun des axes des coordonnées, qui en sont conséquemment des diamètres principaux, puisqu’à chaque valeur de répondent pour et deux valeurs égales et de signes contraires ; c’est d’ailleurs une conséquence de sa définition.

Si l’on veut savoir en quels points la courbe coupe l’axe des il faudra faire dans la première des deux équations (7), ce qui donnera, pour la seule valeur de qui puisse répondre à cette circonstance valeur qui, substituée dans celle de et dans la formule (6) donne et ainsi la courbe touche l’ellipse aux deux extrémités de son petit axe, et ces points sont les seuls qu’elle puisse avoir de communs avec cet axe.

Quant aux intersections de la courbe avec l’axe des il est nécessaire de distinguer trois cas, qui sont ceux de et Supposons d’abord ou [3] ; nous trouverons valeur qui ne saurait être nulle que lorsque est infini ; cela donne et ainsi, dans ce cas, la courbe ne coupe le grand axe de l’ellipse qu’à ses extrémités, où elle est tangente à cette courbe.

On peut remarquer, au surplus que, quelle que puisse être la valeur de toujours à la valeur répondront les valeurs ainsi, dans tous les cas, la courbe touche l’ellipse à ses quatre sommets.

Si est positif, il arrivera, comme dans le cas où cette quantité est nulle, que ne pourra être nulle qu’autant que sera infini. Mais si l’on a on pourra écrire

et dès-lors on pourra rendre nulle en posant

il en résultera

Ainsi, passé le degré d’allongement pour lequel on a ou la courbe cherchée coupe encore le grand axe de l’ellipse en deux autres points, lesquels sont des points doubles, puisqu’on y trouve deux valeurs pour et comme ces deux valeurs sont égales et de signes contraires, il s’ensuit que les branches de courbe qui se coupent en ces points font un angle curviligne que l’axe des partage en deux parties égales.

On voit aisément que moins sera grand par rapport à et plus ces points doubles seront éloignés du centre de l’ellipse. Cependant ils ne lui seront jamais extérieurs ; car, si l’on pouvait avoir on en conclurait, en chassant le dénominateur et quarrant,

ou

c’est-à-dire,

ou

ce qui est absurde.

On voit que, lorsqu’on aura ces points se confondront avec les sommets de l’ellipse ; mais qu’ils se rapprocheront de plus en plus de son centre à mesure que deviendra plus grand par rapport à ils ne pourront toutefois se confondre avec ce centre que lorsque sera infini. En particulier, ils se confondront avec les foyers de l’ellipse lorsqu’on aura On a alors

Pour pouvoir suivre plus exactement toutes les circonstances du cours de la courbe, cherchons ses limites extrêmes dans le sens des et dans celui des Pour cela différentions les équations (7), en y considérant comme la variable indépendante, il viendra ainsi

Les valeurs de qui rendront ou les plus grands ou les plus petits possibles seront donc celles qui rendront ces coefficiens différentiels nuls. Or, en faisant abstraction des cas déjà discutés, on voit qu’elles deviendront nulles l’une et l’autre en posant

il en résulte

et par suite


Les valeurs de sont réelles dans tous les cas ; mais celles de et de ne le sont qu’autant que n’est pas moindre que ou que n’est pas moindre que Si l’on a précisément ou on trouve

ainsi alors les points limites sont aux deux extrémités du grand axe.

Si l’on a cas où, comme nous l’avons vu, les nœuds ou points doubles sont aux deux foyers, il viendra

Voilà donc quatre points hors de l’ellipse qui appartiennent à la courbe, et qui sont les plus distans du centre.

On peut, aussi discuter la courbe comme si l’on avait son équation polaire, en exprimant séparément le rayon vecteur et l’angle qu’il fait avec l’axe en fonction de la variable auxiliaire Appelant ce rayon vecteur et l’angle qu’il fait avec l’axe, le pôle étant au centre, si l’on prend la somme et ensuite le quotient des formules (7), on aura


Si l’on veut savoir, par exemple, à quelle valeur de répond le plus grand rayon vecteur, il faudra égaler à zéro la différentielle de prise par rapport à cela donnera finalement

Le premier de ces deux facteurs égalé à zéro donne imaginaire ; l’autre est la fonction que nous avons déjà employée ci dessus, et nous fait retrouver nos quatre points extérieurs à l’ellipse.

En discutant le cours de la courbe aux environs de ces quatre points on reconnaît aisément que ce sont des points de rebroussement ; et, pour se faire une idée de la manière dont ils se lient avec le reste de la courbe, on peut recourir à la construction suivante :

Soit inscrit à un cercle un rectangle tel que ses petits côtés soient moindres que le rayon ou la corde de degrés ; l’excès du cercle sur le rectangle sera le système de quatre segmens égaux et opposés deux à deux, ayant pour cordes les côtés de ce rectangle. Que l’on fasse faire à ces segmens une demi-révolution autour de leurs cordes respectives, en les repliant dans l’intérieur du rectangle ; en supprimant alors les cordes, les quatre arcs restans formeront par leur assemblage une courbe ayant deux nœuds et quatre points de rebroussement qui sera assez semblable à la courbe dont il s’agit, lorsque les quatre sommets de l’ellipse correspondent aux milieux des quatre arcs. Mais il ne faut pas perdre de vue que les nœuds et les points de rebroussement n’ont lieu qu’autant que le demi-petit axe de l’ellipse proposée est moindre que son excentricité.

Toute la discussion que l’on vient de lire s’applique littéralement à l’hyperbole, pourvu que l’on change en et qu’on pose conséquemment mais alors la courbe a une figure toute différente.

  1. Tom. III, pag. 361.
  2. Cette ressource, qui n’est point ici indispensable, est quelquefois la seule dont on puisse user, lorsque la troisième variable à éliminer entre d’une manière transcendante dans l’une ou l’autre des équations, ou dans toutes les deux. Elle présente toutefois cet inconvénient que des valeurs réelles de et peuvent fort bien répondre à des valeurs imaginaires de et qu’alors il devient impossible de les construire.
    J. D. G.
  3. C’est le cas de l’ellipse dont il a déjà été question dans le présent volume (pag. 17).
    J. D. G.