Art de faire le beurre et les meilleurs fromages/Avis de l’éditeur

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AVIS DE L’ÉDITEUR.


Dans la plupart des exploitations rurales, la laiterie est encore loin de donner tout le produit dont elle est susceptible, et cela faute des connaissances nécessaires pour la bien conduire. Le peu de bénéfices qu’elle procure empêche même d’augmenter le nombre des vaches, et prive le cultivateur qui n’élève pas d’autres animaux d’un surcroît de fumier qui serait si utile pour obtenir de plus abondantes récoltes. Cet inconvénient, auquel on ne réfléchit pas assez, est une des causes de la permanence du système des jachères, si préjudiciable encore dans tant de localités de la France.

En effet, si la laiterie rapportait plus que le lait, le beurre et le fromage nécessaires dans l’exploitation, si la vente des produits qu’elle donne pouvait se faire au loin dans les villes, et par ce moyen fournir de l’argent net, le cultivateur ne craindrait plus de faire des avances pour augmenter son bétail, pour le mieux nourrir surtout ; il ne tarderait pas à se convaincre de ce que les bons cultivateurs savent déjà, que dans tous les animaux, dans les vaches surtout, les produits sont en raison du surcroît bien réglé de nourriture que l’animal reçoit pour s’entretenir en santé, et qu’après la ration suffisante pour entretenir la vie, une dose additionnelle de nourriture accroît notablement la quantité de lait, de graisse, de poids, et qu’on trouve du profit à la donner. C’est une vérité dont les cultivateurs ne sont pas assez persuadés, et qui explique pourquoi celui qui nourrit peu ses bestiaux n’en retire point de profit, tandis que celui qui les nourrit bien en tire un bénéfice souvent considérable. La culture des fourrages de toute espèce prendrait de l’extension, et bientôt la jachère diminuerait sensiblement sous les récoltes de plantes sarclées et de prairies artificielles : qui sait même si l’établissement d’une porcherie, qui s’allie si bien avec celui d’une laiterie, ne viendrait pas augmenter et les bénéfices de la ferme et la masse des fumiers ! tant il est vrai qu’il est rare qu’en agriculture, comme dans beaucoup d’autres industries, une première amélioration n’en amène pas plusieurs autres à sa suite !

C’est dans le but de mettre au fait de tous les meilleurs procédés connus pour tirer parti d’un des produits du gros et même du menu bétail, que ce recueil a été entrepris. On y trouvera les procédés pour faire les meilleurs beurres, ainsi que ceux pour faire les meilleurs fromages, soit à consommer de suite, soit à garder pendant plusieurs années : enfin, on y trouvera la manière de faire des fromages de lait de brebis, comme cela se pratique à Rochefort. Il n’est pas besoin de faire voir combien il serait avantageux, dans les fermes où la diminution du prix des laines a laissé un vide, de combler ce vide par un produit aussi avantageux, aussi certain même que celui du fromage façon de Rochefort ; car, malgré les prétentions des habitans de cette vallée, il n’est pas prouvé qu’il soit impossible de faire autre part ce qu’ils font chez eux.

On y trouvera également la manière de faire les bons fromages de chèvres.

Si l’ouvrage de Parmentier et Deyeux, intitulé : Précis d’expériences et Observations sur les différentes espèces de lait, considérées dans leurs rapports avec la chimie, la médecine et l’Économie rurale, présente la théorie de l’art de la laiterie, celui-ci en contient la pratique la plus suivie et la plus fertile en résultats avantageux : seulement il ne faut pas y chercher un ordre méthodique.

Composé de mémoires séparés qui n’ont d’autres liens entre eux que celui de traiter des mêmes objets, il ne pouvait comporter cet ordre méthodique : si c’est un inconvénient, il est compensé, nous pensons, par l’avantage, pour le lecteur, de pouvoir comparer des méthodes et des opinions diverses sur le même sujet, ce qui est ordinairement une source de lumières pour l’homme qui cherche à s’instruire, et surtout qui veut pratiquer : nous espérons donc qu’il ne sera pas moins utile sous cette forme. Les personnes qui voudront avoir des détails théoriques plus approfondis devront consulter l’ouvrage de Deyeux et Parmentier, ci-dessus indiqué, et que nous ne saurions trop recommander.

Cependant, pour mettre autant d’ordre que possible dans notre sujet, nous dirons d’abord un mot sur les propriétés du lait ; nous donnerons ensuite le mémoire qui indique la manière dont une laiterie doit être disposée pour réunir les meilleures conditions, et nous ferons suivre les autres mémoires, en plaçant successivement ceux qui traitent des mêmes objets. Le débit de la 1re  édition de cet ouvrage et la traduction italienne qu’on en a faite nous font croire qu’il a été utile aux cultivateurs. Nous espérons que la seconde édition, augmentée d’une foule de travaux nouveaux, ne sera pas moins bien reçue.