Astronomie populaire (Arago)/V/04

La bibliothèque libre.
GIDE et J. BAUDRY (Tome 1p. 192-194).

CHAPITRE IV

quelle est la lumière qui en fait disparaître une autre


Les astres, en plein jour, se voyant à travers l’espèce de rideau de lumière que l’atmosphère nous envoie, et ce rideau étant quelquefois assez intense pour faire disparaître la lumière des étoiles et des planètes, il est important de déterminer par des expériences directes quel est le rapport qui doit exister entre deux lumières vues dans la même direction, pour que la plus brillante fasse disparaître totalement la plus faible.

Voici comment on a résolu ce problème photométrique :

Soient AB (fig. 85) un corps opaque placé verticalement sur une feuille de papier ; L, M, deux lumières de même intensité, AD, l’ombre de AB déterminée par la lumière L ; AC, l’ombre correspondante à M.

Si les deux distances AM, AL, sont égales, les ombres AD, AC, paraîtront également grises, je ne dis pas également noires, parce que l’ombre géométrique AD est éclairée par la lumière partant de M, et que l’ombre AC est éclairée par la seconde lumière L ; ces ombres imparfaites n’existent même que parce qu’en dehors de leurs limites géométriques le papier est éclairé par L et par M à la fois.

Fig. 85. — Expérience photométrique sur la comparaison de deux lumières.

Si AL surpasse AM, l’ombre AD sera moins obscure que AC ; à mesure que la distance AL s’agrandira, la distance AM restant constante, l’ombre AD s’affaiblira graduellement ; on trouvera enfin une distance pour laquelle AD disparaîtra tout à fait : chez le commun des hommes, cette disparition aura lieu quand AL sera huit fois plus grand que AM, c’est-à-dire quand la lumière L éclairera le corps opaque et les parties du papier environnantes soixante-quatre fois moins que la lumière M. L’expérience donne toujours le même résultat, quelle que soit l’intensité absolue de M et de L. Examinons les conséquences auxquelles cette expérience conduit.

L’ombre AD reçoit constamment la lumière M ; les parties environnantes reçoivent à la fois cette lumière M et la lumière L ; ainsi, au moment de la disparition, les espaces O et O′ sont éclairés par . L’ombre géométrique AD n’est éclairée que par M. Puisque l’œil ne découvre aucune différence d’intensité entre O, O′ et AD, il en résulte qu’un soixante-quatrième d’augmentation sur une lumière quelconque ne produit pas d’effet perceptible sur notre organe. Sans rien changer aux autres circonstances de l’expérience, remuez d’abord avec beaucoup de lenteur le corps AB, les résultats resteront les mêmes que dans le cas de l’immobilité absolue. Imprimez-lui ensuite de brusques mouvements directs ou d’oscillations, l’ombre géométrique éprouvera aussitôt des mouvements pareils qui la rendront visible.

Un mouvement d’une certaine vitesse rend donc perceptibles des différences d’intensité que l’œil ne découvre pas dans l’état de repos, c’est-à-dire des différences d’intensité au-dessous de .