Astronomie populaire (Arago)/V/06

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 1p. 196-199).

CHAPITRE VI

des intensités des images des astres dans les lunettes


Les intensités comparatives, non plus de points isolés, mais des deux images d’une planète qui se forment sur la rétine à l’œil nu et par l’intermédiaire d’une lunette, doivent évidemment diminuer proportionnellement aux étendues superficielles de ces deux images.

Ainsi, sans autre explication, l’image d’une planète est d’autant plus faible que le pouvoir amplificatif est plus grand.

Dans quel rapport cet affaiblissement s’opère-t-il en passant d’un grossissement à un autre ?

Si A est la surface du faisceau émergent venant d’un point pour un certain oculaire et A′ la surface du faisceau émergent pour un second oculaire, on trouvera pour les grandeurs comparatives des images sur la rétine le rapport de A et A′. Ce sera donc dans le même rapport que se trouvera l’image d’une planète ou de tout autre corps avec ces objets.

Les dimensions linéaires des deux images sont entre elles comme le diamètre de l’objectif est au diamètre du faisceau émergent. Le nombre de fois que la surface de l’image amplifiée surpasse la surface de l’image à l’œil nu, s’obtiendra donc en divisant le carré du diamètre de l’objectif par le carré du diamètre du faisceau émergent, ou bien la surface de l’objectif par la surface de la base circulaire du faisceau émergent.

Le rapport des quantités totales de lumière qui engendrent les deux images d’une étoile, s’obtient en divisant la surface de l’objectif par la surface de la pupille. Ce nombre est plus petit que le quotient auquel on arrive en divisant la surface de l’objectif par la surface du faisceau émergent de la lunette. Il en résulte, quant aux planètes :

Qu’une lunette fait moins gagner en intensité de lumière qu’elle ne fait perdre en agrandissant la surface des images sur la rétine ; l’intensité de ces images doit donc aller continuellement en s’affaiblissant à mesure que le pouvoir amplificatif de la lunette ou du télescope s’accroît.

La portion d’atmosphère qu’on verra dans une lunette subira donc aussi la loi d’affaiblissement que nous venons d’indiquer. Les lunettes, sous le rapport de l’intensité, ne favorisent donc pas la visibilité des planètes.

Il n’en est point ainsi des étoiles. L’intensité de l’image d’une étoile est plus forte avec une lunette qu’à l’œil nu ; au contraire, le champ de la vision, uniformément éclairé dans les deux cas par la lumière atmosphérique, est plus clair à l’œil nu. Il y a deux raisons, sans sortir des considérations d’intensité, pour que dans une lunette l’image de l’étoile prédomine sur celle de l’atmosphère, notablement plus qu’à l’œil nu.

Cette prédominance doit aller graduellement en augmentant avec le grossissement. En effet, abstraction faite de certaine augmentation de l’étoile, conséquence de divers effets de diffraction ou d’interférences ; abstraction faite aussi d’une plus forte réflexion que la lumière subit sur les surfaces plus obliques des oculaires de très-courts foyers, l’intensité de la lumière de l’étoile est constante tant que l’ouverture de l’objectif ne varie pas. Comme on l’a vu, la clarté du champ de la lunette, au contraire, diminue sans cesse à mesure que le pouvoir amplificatif s’accroît. Donc, toutes autres circonstances restant égales, une étoile sera d’autant plus visible, sa prédominance sur la lumière du champ du télescope sera d’autant plus tranchée qu’on fera usage d’un grossissement plus fort.

A l’œil nu, les étoiles paraissent fort dilatées. C’est pour cela que Tycho-Brahé, qui n’avait pas de lunettes, attribuait au plus lumineux de ces astres jusqu’à des diamètres de deux minutes et demie.

Ne prenons, si l’on veut, qu’une minute pour le diamètre d’une étoile vue à l’œil nu. Une bonne lunette réduira ce diamètre factice à trois secondes. Les disques circulaires sur lesquels la lumière de l’astre se trouvera dispersée dans les deux hypothèses, ayant des diamètres dans le rapport de 20 : 1, le rapport des surfaces des disques, ou celui des intensités de lumière dans les deux images, sera le rapport de 400 : 1.

Dans la vision à l’œil nu, la lumière 1 de chaque point de l’image dilatée devrait être au moins la soixantième partie de la lumière atmosphérique qui éclaire uniformément le fond de la rétine pour que l’étoile devînt apparente. Dans la vision par la lunette, il suffira que 400 fois l’intensité 1 égale cette soixantième partie.