Astronomie populaire (Arago)/V/07

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 1p. 199-202).

CHAPITRE VII

phénomènes de visibilité des astres observés la nuit ou en plein jour à l’œil nu ou à l’aide des lunettes


Nous voici parvenus au terme de la laborieuse et délicate carrière que nous avions à parcourir pour expliquer complétement le phénomène de la visibilité des astres, de nuit, comme de jour, à l’œil nu ou avec des lunettes.

Voyons d’abord ce qui se passe la nuit.

Au-dessous d’une certaine grandeur, la lumière qu’une étoile nous envoie est trop faible pour produire une impression sensible sur la rétine. Une lunette, comme on l’a vu, augmente l’intensité de l’image formée dans l’œil, dans le rapport de la surface de l’objectif à la surface de la pupille. Il n’est donc pas étonnant qu’avec une lunette on aperçoive la nuit dans le firmament un nombre d’étoiles infiniment supérieur à celui qu’on y découvre à l’œil nu.

Passons aux observations qui se font de jour.

Quand on cherche à découvrir une étoile à l’œil nu, il se forme sur la rétine une image lumineuse de la portion d’atmosphère qui est située dans la même direction. Pour qu’une étoile se voie, il faut donc, d’après l’expérience que nous avons rapportée, que sa lumière surpasse de celle du champ lumineux sur lequel elle vient se peindre. Mais des phénomènes de vision indistincte jouent ici un rôle essentiel. Une étoile ne se voit jamais avec une netteté complète quand on l’observe à l’œil nu ; son image paraît plus ou moins dilatée, conséquemment dans chacun de ses points sa lumière doit être très-affaiblie : au contraire, l’intensité du champ, comme nous venons de le voir, reste constante vue par la vision confuse ou par la vision distincte. Pour qu’une étoile soit visible à l’œil nu, il faut donc que la lumière, considérablement affaiblie de son image indistincte, diffère en plus de de la lumière atmosphérique qui est répandue sur tous les points de la rétine. Or, cette dernière lumière peut être de beaucoup supérieure à celle des plus brillantes étoiles du ciel ainsi affaiblie par dilatation, et les effacer entièrement à l’œil nu.

Les étoiles sont, il est vrai, entraînées dans le mouvement diurne de la sphère étoilée de l’orient à l’occident ; elles se déplacent donc dans le champ de la vision. Mais ce déplacement est très-lent ; il rentre dans la catégorie de ceux qui, dans l’expérience rapportée tout à l’heure (chap. iv) ne contribuent pas à faciliter la visibilité des lumières faibles se projetant sur des lumières plus fortes.

Visons maintenant à l’étoile avec une lunette, son image sera beaucoup plus concentrée qu’à l’œil nu. Cette seule cause suffit pour rendre visibles des étoiles qui d’abord n’étaient pas aperçues. La lunette grossit les mouvements tout aussi bien que les dimensions. Le déplacement diurne multiplié par le grossissement acquerra une valeur assez grande pour rentrer dans la catégorie des mouvements qui facilitent la visibilité d’une faible lumière se projetant sur un fond lumineux.

Enfin, comme dans la lunette, le champ de la vision éclairé par l’atmosphère devient de plus en plus obscur à mesure que le grossissement augmente, tandis que l’intensité de l’étoile est constante ; la lunette, toutes les circonstances restant les mêmes, doit faire voir des étoiles d’autant plus faibles que le grossissement est plus fort, ce qui est conforme aux observations.

Quant aux planètes, leur visibilité n’est pas favorisée par l’augmentation du grossissement. Cette augmentation diminue l’intensité de l’image planétaire, mais la diminution ayant lieu dans le même rapport que celle du champ, le rapport de ces deux lumières reste le même en passant d’un grossissement à l’autre ; seulement, plus le grossissement est fort, plus le déplacement de la planète tenant au mouvement diurne du ciel paraît rapide. Or, dans certaine limite, cette rapidité accroît la visibilité comme nous l’avons établi.

J’ai fait abstraction, dans tout ce qui précède, de certaines augmentations des diamètres des étoiles, provenant d’effets de diffraction ou d’interférences, et qui doivent un peu atténuer la visibilité des étoiles dans des lunettes. Nous n’avons pas non plus mentionné la plus forte réflexion que la lumière subit sur les surfaces obliques des oculaires de très-courts foyers. La discussion de détails aussi minutieux serait ici hors de place.

Nous devons remarquer en finissant, que la distinction établie entre les observations faites de nuit et les observations faites de jour n’est pas absolue, mais seulement relative ; que la nuit même le champ de la vision d’une lunette est éclairé d’une certaine lumière très-faible, dont l’origine pourrait, à certains égards, paraître incertaine, mais qui est suffisante pour faire disparaître les étoiles d’une excessive petitesse. Si ces étoiles deviennent visibles lorsque le grossissement est très-fort, c’est que, par l’effet de ce grossissement, l’intensité de cette lumière va sans cesse en diminuant à mesure qu’on se sert de lentilles oculaires d’un plus court foyer. Nous ferons usage de cette remarque quand nous nous occuperons de la résolution de certaines nébuleuses en étoiles.